17 octobre 2018
Depuis début septembre, le supermarché de la Robertsau ouvre à nouveau le dimanche matin, en dépit de la législation en vigueur. Les commerces alentour souffrent de cette concurrence déloyale.
« Ce qui faisait vivre notre activité, c’est quand les autres étaient fermés. » Said Medroumi, gérant de l’épicerie La Pyramide, est désabusé. Il y a deux semaines, le commerçant a décidé de mettre la clé sous la porte, après dix-sept ans d’activité. Impossible de lutter contre le géant qui siège à quelques pas de là, route de la Wantzenau. Depuis début septembre, le supermarché Match accueille sa clientèle les dimanches matin.
Le 9 septembre dernier, des syndicalistes de la CGT et de la CFTC se sont rassemblés sur le parking du Match pour protester contre son ouverture le dimanche. Cuej / Mathilde Obert
« Les clients sont étonnés qu’il reste encore du pain à midi », raconte Valérie, vendeuse au Délice à l’ancienne, sur le trottoir d’en face. Si les conséquences ne sont pas aussi dramatiques pour la boulangerie, l’inquiétude s’est installée.
Pour la boulangère, les clients du Match profitent de l’ouverture le dimanche pour y faire leurs courses et acheter leur pain. La CGT du Bas-Rhin a également fait ce constat à la sortie du supermarché. Dans les chariots, pas de gros ravitaillements, mais surtout des achats de dernière minute : baguette, lait, beurre, crème.
Une catastrophe pour les commerces de proximité, comme La Pyramide, qui réalisaient leurs meilleurs chiffres d’affaires sur cette plage horaire. En dehors du Match, six autres boulangeries et supérettes ouvrent le dimanche matin.
Les boulangeries et les épiceries de la Robertsau et de la Cité de l'Ill peinent à faire face au Match, seule grande surface ouverte le dimanche.
Ouvrir le dimanche, envers et contre tout
Le Match de la Robertsau n’en est pas à son coup d’essai. En janvier 2017, le supermarché de 1900 m² avait ouvert un dimanche matin contre l’avis de la Ville qui interdisait l’activité dominicale des commerces alimentaires de plus de 1000 m². Le conseil départemental du Bas-Rhin, ceux de moins de 400 m².
Exclus du dispositif, le supermarché Match et le supermarché Carrefour Contact à Entzheim ont attaqué ces décisions en justice. Le 19 juillet dernier, la cour administrative d’appel de Nancy leur a donné raison et a annulé ces deux législations. Au-delà de la surface, la justice a jugé primordial de prendre en compte la nature des produits mis en vente.
Paradoxalement cette victoire dans les prétoires ne leur donne pas plus le droit d'ouvrir. Au contraire, suite à cet arrêt, retour au droit local initial : tous les commerces de plus de 120 m2 ne sont plus supposés ouvrir le dimanche matin. Cela n’a pas dissuadé le Match de rouvrir le dimanche, depuis le 9 septembre.
Du côté du Super U express, rue Boecklin, pas question de bafouer le droit local. « Il n’y a aucun intérêt à ouvrir le dimanche dans ce quartier : on n’est pas dans le centre-ville ou dans un quartier touristique, explique la gérante, Angélique Klein. Peut-être qu’on ferait un peu plus de chiffre d’affaires mais est-ce que le résultat serait plus intéressant économiquement ? Il faudrait cinq à six personnes sur place, payées double, payer l’électricité… »
Pas de réaction, pas de sanction
Hormis une mise en demeure de la Dirrecte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), qui avait appelé à « revenir sur ce projet d’ouverture dominicale qui se ferait illégalement », le Match n’a pas été inquiété outre mesure. Une situation incompréhensible pour Jacky Wagner, secrétaire général de la CGT du Bas-Rhin : « Personne ne bouge. Tout le monde fait comme si de rien n’était.» La CGT, CFTC et FO comptent déposer un recours en référé d’ici 8 à 10 jours.
Louise Claereboudt et Phœbé Humbertjean