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Mon voisin ce recruteur

18 octobre 2011

Permettre à trente jeunes sans emploi de la cité de l'Ill de profiter du réseau professionnel et social de leurs voisins cadres et entrepreneurs de la Robertsau, voilà l'objectif de l'opération Voisins recruteurs. Lancé le 19 septembre à l'initiative de la Mission locale pour l'emploi (*), le dispositif s'achèvera à la fin de l'année. « L'opération s'avère concluante, un bon tiers des jeunes est en voie de signer un contrat. Nous tablons sur un job pour 80% d'entre eux », affirme Julien Hauswirth de la société l'Offre d'emploi, mandatée pour la conduite du projet.
 Près d'un mois après le lancement, trois parrains et leurs filleuls font part de leurs expériences et de leurs attentes.


« Etre parrain c’est un engagement moral ! »

Luc Wehrung, 42 ans. Cadre au pôle assurance du Crédit Mutuel. Président de l’Association de sauvegarde de l’environnement de la Robertsau (ASSER), administrateur de l’interassociation de la Robertsau. (Photo Cuej - Marion Kremp)
 
« Actif dans le milieu associatif de la Robertsau, j’ai immédiatement saisi l’opportunité d’aller à la rencontre de ces jeunes qu’on ne fait souvent que croiser. Je n’ai jamais su me contenter de mon travail. Les injustices sociales me révoltent d’autant plus lorsque je vis dans cet environnement, alors je n’ai pas hésité à devenir parrain. Donner un coup de pouce à un jeune vers qui je ne serais jamais allé, c’est ça qui est beau et motivant. Je me sens concerné, trouver un travail à Rabah, mon filleul, est un véritable engagement. Alors, je suis stressé et je le serais jusqu’à ce qu’il signe un contrat! On a très vite appris à se connaître et à se faire confiance. Il a compris que je pouvais l’aider et moi je sens qu’il a envie de trouver du travail. On se voit régulièrement en dehors de l’opération, autour d’un café. Mon carnet d’adresses n’est pas le seul moyen de l’aider, avec lui je fais du « coaching »: je le conseille pour ses entretiens, je lui apporte mon vécu, mon expérience. Et puis, je joue un peu le « grand-frère » parfois. Etre poussé par quelqu’un d’extérieur à sa famille c’est souvent plus efficace. Pour moi, être parrain c’est un engagement moral que je compte bien poursuivre après l’opération. Auparavant lorsque j’allais à la Cité de l’Ill c’était pour rencontrer d’autres responsables associatifs, aujourd’hui j’y vais aussi pour discuter avec Rabat, les jeunes du quartier me reconnaissent pour ça.»

« Je me sens déjà beaucoup mieux parce que je sais que j'aurai bientôt une activité. »

Rabah Djillali, 20 ans. Son BEP en comptabilité en poche, et grâce à l'opération, il a maintenant le choix  entre être comptable ou être cariste. (Photo Cuej - Leyla Doup Kaïgama)

« J'aurai pu obtenir mon baccalauréat professionnel en comptabilité, mais j'ai été exclu de mon établissement en février dernier parce que je bavardais trop pendant les cours. Pourtant j'avais de bonnes notes et j'ai trouvé cette décision injuste. Je n'ai plus eu envie de retourner à l'école et mes parents n'ont pas réussi à me faire changer d'avis. J'ai commencé à chercher du travail. J'ai été déménageur ensuite préparateur de commande, cela n'a duré que trois semaines. Par l'intermédiaire d'un ami, j'ai entendu parlé de « voisins recruteurs » et je me suis lancé. Et ça promet. Avec l'appui de mon parrain j'ai obtenu un contrat professionnel de cariste dans un magasin après avoir passé un test . Mon parrain m'a également proposé une place de comptable dans une banque. Ma mère veut que je continue avec la comptabilité pour continuer dans la même lancée. Maintenant j'hésite entre les deux propositions. Mais je me sens déjà beaucoup mieux parce que je sais que j'aurai bientôt une activité.»


 
« J’ai toujours rêvé de réunir les deux Robertsau. »

Claude Sandrin, 58 ans. Chef d’entreprise Sandrin électricité. Conseiller municipal de 1995 à 2001 et ex-président du club de football de l’ASL Robertsau. (Photo Cuej - Marion Kremp)
 
« J’avais déjà essayé de faire ça par le sport lorsque j’étais président du club de football de l’ASL Robertsau. Lorsque j’étais jeune, j’allais jouer au foot avec ceux de la Cité de l’Ill, aujourd’hui ça s’est un peu perdu, la Cité de l’Ill est malheureusement le parent pauvre du quartier. J’ai toujours rêvé de réunir les deux Robertsau, les Voisins recruteurs c’est le meilleur moyen d’y arriver. On m’a contacté parce que je suis à la fois bien implanté dans le quartier grâce à mon entreprise présente à la Robertsau depuis cinq générations mais aussi parce que j’ai un réseau d’amis très important. J’ai très vite compris que le bouche à oreille marchait beaucoup mieux que n’importe quel curriculum vitae, ces jeunes là n’ont ni l’un ni l’autre alors si je peux en aider au moins un à sortir de la cité c’est déjà ça ! Je n’arrêterais pas avant d’avoir trouvé du boulot à ma filleule Laïlla. Je vais tout faire pour lui trouver une formation en alternance et un patron qui l’embauchera. Si elle est sérieuse, il n’y pas de raison que ça ne fonctionne pas. Après, il faut que ça aille dans les deux sens, j’ai bien insisté là-dessus : l’engagement, il est des deux côtés ! Pour le moment, je pose des jalons, je parle d’elle à gauche à droite, c’est pas grand-chose finalement, c’est seulement du temps, mais j’agis à mon petit niveau.»


 
« Seule, je n’aurais jamais fait toutes ces démarches. »

Laïlla Berkioui, 22 ans. Niveau BEP secrétariat. Sans emploi. (Photo Cuej - Marion Kremp)
 
« Depuis trois ans j’étais femme de ménage, « technicienne de surface », comme on dit. Pour ça, les employeurs ne regardent pas tes diplômes, ni d’où tu viens ! J’ai toujours voulu être secrétaire médicale, mais sans me donner les moyens d’y arriver. Alors, lorsqu’une animatrice de l’Escale m’a parlé des Voisins recruteurs, je me suis tout de suite renseignée. J’ai vu qu’il y avait beaucoup de monde de mobilisé, je me suis dit que ça pouvait marcher. C’était le moment ou jamais de me bouger, j’ai démissionné et je me suis inscrite à Pôle emploi. Mon parrain, Claude Sandrin, je l’ai rencontré lors du lancement officiel, c’est quelqu’un de très gentil et de disponible, je lui fais entièrement confiance. Je passe de temps en temps à son magasin pour faire des photocopies ou pour écrire des courriers. Avec son aide, j’ai fait une demande de formation de secrétaire au Greta (un organisme de formation continue pour adultes de l'éducation nationale) et on me cherche un patron. Je sais qu’il connait beaucoup de monde et qu’il parle de moi. Je suis quand même très stressée, je n’ai jamais passé d’entretien, je ne sais pas ce que c’est que de chercher du travail. Heureusement que je suis suivie, je vais avoir des simulations d’entretien où j’apprendrais ce qu’il faut dire et comment se tenir. Ça me rassure beaucoup de savoir qu’il y a des gens derrière moi, seule je n’aurais jamais fait toutes ces démarches. J’espère pouvoir continuer à voir mon parrain lorsque l’opération sera terminée, parce que sans lui je n’aurais pas repris mes études et j'en serais encore à faire des ménages. »


 
« J'ai envie de faire profiter aux autres de mon savoir-faire. »

Julien Wilhelm, 32 ans. Consultant recruteur au cabinet de conseil en recrutement de cadres, Michael Page. (Photo Cuej - Leyla Doup Kaïgama)

« De nos jours, des personnes, même diplômées, ont du mal à trouver un emploi. Et c'est encore plus difficile pour les non-diplômés. Quand on est jeune, on ne sait pas toujours comment s'y prendre surtout quand on n'a pas de réseau professionnel. J'ai donc envie de faire profiter aux autres de mon savoir faire. C'est pourquoi je n'ai pas hésité à m'engager dans cette opération. Maintenant, je vais essayer d'obtenir des entretiens d'embauche pour mon filleul qui souhaite être cariste-magasinier. C'est quelqu'un de très motivé, qui n'a malheureusement pas de diplôme. Ce sera un peu difficile de faire avancer les choses pour lui, mais je me suis fixé pour objectif de lui trouver un travail. Pour le moment je cherche à lui décrocher un entretien d'embauche. Il va falloir le préparer pour ces entretiens afin qu'il puisse bien se vendre. Ce sera déjà un premier pas. Une fois qu'il signe son premier, je me porte garant auprès de son employeur et je garde un œil sur lui pendant ses débuts. »

« Je crois que ça va marcher cette fois. »

Lucas Schweigert, 20 ans. Avec un niveau BEP mécanique poids lourd, il ne rêve plus que d'être cariste-magasinier, le métier qu'il a toujours voulu exercer. (Photo Cuej - Leyla Doup Kaïgama)

« Cela fait un an que j'ai arrêté d'aller à l'école. J'ai été orienté vers la mécanique alors que ça ne m'a jamais intéressé. J'ai toujours voulu être cariste parce qu'il y a toujours du travail dans ce domaine et c'est un travail qui ne nécessite pas beaucoup d'efforts intellectuels. Je n'en pouvais plus de l'école, alors j'ai arrêté. Je me suis tout de suite inscrit dans un bureau d'intérim où j'ai pu avoir un contrat d'un mois et demi, de juillet à août. Depuis je n'ai plus travaillé.
J'ai entendu parlé de l'opération « voisins recruteurs » à la mission locale de la cité de l'Ill. J'ai déposé mon dossier le 4 septembre et j'ai eu mon premier rendez-vous avec mon parrain le 19 septembre. Je crois que ça va marcher cette fois. J'espère décrocher un CDD de six mois au moins ce sera déjà un bon début pour moi. Grâce à ce premier emploi, mes cours de conduite seront financés. J'ai vraiment besoin d'un permis de conduire pour mieux exercer le métier que j'ai choisi. Je pourrai enfin aider financièrement ma mère qui travaille à temps partiel, c'est ça ma principale motivation.»

Leyla Doup Kaïgama et Marion Kremp

(*) Pôle emploi, la Maison de l'emploi, la Ville de Strasbourg, la CUS, le Département du Bas-Rhin, la Région Alsace, l'Offre d'emploi, l'Offre RH, l'Inter-association de la Robertsau et l'Association de sauvegarde de l'environnement de la Robertsau collaborent au projet.

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