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La Coop : une institution désertée

15 octobre 2012

Le tout nouveau U express concurrence la Coop, installée à la Robertsau depuis une quarantaine d'années. (Crédits : E.J/Cuej)

 

Autrefois lieu de retrouvailles et d'échanges entre les habitants du quartier, le magasin Coop de la Robertsau, rue Boecklin, n'arrive plus à attirer les clients. Les nombreuses turbulences que traverse le groupe Coop et l'arrivée du U express cinquante mètres plus loin, depuis le 27 juillet, ne sont pas étrangères à cette situation.

« Il n'y a plus personne, regardez les allées, c'est devenu le désert ici. » Martine, habitante de la Robertsau depuis 30 ans constate avec « tristesse » la désertification de la Coop de la Robertsau. « Avant, je croisais des habitués, maintenant quasiment plus. Il y a rarement plus de 3-4 personnes dans le magasin.»

Il faut dire que depuis le 27 juillet 2012, la Coop doit faire face à la concurrence du U express, installé au 67 rue Boecklin. « En temps normal, 5 ou 6 personnes attendaient en caisse, depuis fin juillet les gens passent au compte-goutte. » Thomas, caissier depuis 5 ans, confirme la baisse « très significative » de la fréquentation.

« On est passé de 450-500 clients par jour en semaine à 150 grand maximum, depuis l'ouverture du U express. Le week-end on a moitié moins de clients. » Dans le même temps, la direction du U express déclare recevoir entre 700 et 800 clients quotidiennement.

Prix moins chers, magasin neuf, plus grande superficie: le magasin U distance la Coop sur tous les plans. « À longueur de journée, on entend que les produits à côté sont moins chers », confirme Thomas. « La Coop c'est vieillot, ici c'est plus moderne, il y a plus de choix et plus de produits régionaux », confie Karine, habitante de la Robertsau depuis 10 ans et cliente du U express.

 

Deuxième coup de semonce

La semaine de l'ouverture du U express, la Coop fermait ses portes. La raison : l’été dernier, le groupe Casino est devenu le fournisseur officiel des Coop de proximité. Il fallait donc enlever des rayons les produits Leclerc, marque connue en Alsace, pour mettre à la place les produits Casino. Car, la Coop fait face à la restructuration des magasins alsaciens du groupe.

Un changement qui aurait perturbé les clients alsaciens. « Les gens n'aiment pas Casino ici, ce n'est pas local. Ça revient à ouvrir un restaurant japonais dans un patelin alsacien », s'amuse Thomas. « On a 10 fois plus de références, mais beaucoup moins de produits régionaux, cela ne plaît pas aux clients. » Suite à  l'accord d’approvisionnement signé entre la Coop et Casino, groupe originaire de la Loire, le magasin ne distribuerait plus que 40 % de produits régionaux contre 60 % auparavant.

« Depuis que Casino fournit les coop de proximité, celles-ci ont vu leur chiffre d’affaire diminuer de 15 à 25 %, constate Philippe Spitz, président de l'Association Régionale de soutien aux coops d'Alsace. Cela n’intéresse pas Casino de sauver les magasins, ils veulent juste s'implanter dans la région ».

Dans le même temps, alors que le groupe Leclerc a injecté 150 millions d'euros dans les grandes surfaces Coop, personne n'a investi dans les magasins de proximité. « Les petites Coop ne sont plus adossées aux supermarchés et hypermarchés, elles ne peuvent plus s’en sortir », explique Philippe Spitz.

 

L'incertitude et le ras-le-bol des salariés

Dans un tel contexte, difficile de savoir quel sera l’avenir de la Coop de la Robertsau. Va-t-elle fermer ? Va-t-elle se moderniser ? Contactée a plusieurs reprises, la direction du groupe Coop n’a pas répondu à nos sollicitations. Du côté des cinq employés que compte le magasin, l’heure est à la résignation. « Pour l'instant on ne sait rien, comme d'habitude, on sera les derniers prévenus, souffle  Martine, gérante par intérim du magasin. On a beaucoup moins de clients et du mal à atteindre nos objectifs mais pour l'instant, la direction ne nous dit rien. »

« On ne comprend plus rien, on en a tellement marre de travailler dans ces conditions qu’on n’est même pas révoltés. » Comme Thomas, la plupart des salariés jettent l'éponge.

Quentin Thomas

 

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