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Cité U : les punaises accrochent les élections

09 octobre 2013

LEGENDE

(Crédit  : C.L./CUEJ)

À la cité universitaire de la Robertsau, les élections pour le conseil de résidence ont eu lieu hier. Près de deux semaines après les fuites dans les médias sur l'affaire dite des punaises, c'est la liste « FERUF collectif étudiant progressiste » qui a remporté les élections. Les premiers engagements de leur programme concernaient la salubrité des chambre et le problème des punaises ...

 

Lucie, étudiante en STAPS à l'université de Strasbourg, se remet à peine de sa colocation avec … des punaises de lit. Pas plus grands que des pépins de pomme, oscillants entre le brun et le rouge, ces insectes sont le cauchemar nocturne de plus en plus d'étudiants de la cité U de la Robertsau. Sur les bras sportifs de Lucie, des marques blanches persistent, trois semaines après les dernières piqûres. Elle ne dort plus qu'avec la lumière allumée, et n'ose toujours pas sortir ses vêtements des sacs poubelles opaques qui les protègent. Elle raconte son expérience presque sans ciller. Les démangeaisons, les gonflements, les lessives qu'il faut faire en pleine nuit en attendant assise par terre dans le couloir, les deux traitements à l'insecticide de sa chambre ... Puis une nuit, le craquage : réveillée à l'aube, couverte de punaises, elle passera 4 heures dans le couloir avant d'aller trouver le directeur de la cité U, en pyjama, pour exiger de changer de chambre. « Mentalement, c'est très fatigant ... et aujourd'hui dans la résidence, on psychote, tout le monde vérifie sa chambre ! » Entourée d'amis, le soir du vote pour le Conseil de Résidence, elle n'hésite pas : « Il faut qu'on vote pour la liste qui propose des solutions contre les punaises. »

 

10% des chambres de la Robertsau seraient infestées de punaises

Sur les tracts de la liste FERUF – collectif étudiant progressiste, le programme se détaille en dix points. Le tout premier d'entre eux, pour la salubrité des chambres, déclare une guerre ouverte aux punaises. «  Sur les 12 étudiants de notre liste, quatre ont eu des punaises chez eux. 10% de la résidence minimum est touchée, et ça augmente. Pour nous, tant qu'il n'y aura pas d'intervention réfléchie et globale, on ne viendra pas à bout du problème. Il faut faire un état des lieux général, investir le SUMPS (service universitaire de médecine préventive) dans la lutte et créer un réseau assez fort pour avoir davantage de pression sur le CROUS ». En attendant, Andrea Benedetti et les onze membres de la liste FERUF proposent le remboursement des produits nécessaires au nettoyage des affaires personnelles ou encore le remplacement immédiat des matelas et des sommiers souillés.

 

Les sommiers. C'est bien là que le bât blesse selon l'ensemble des résidents. Pour le moment, le seul plan d'action mis en place par le CROUS consiste à désinfecter ou remplacer les matelas par des matelas mousse-PVC. Mais les punaises se nichent également dans les sommiers « plein de trous » décrits par les étudiants. Guillaume Lamotte, celui qui a dénoncé l'affaire aux médias fin septembre, accable encore davantage les dispositions anti-punaises. « Je les ai vus traiter ma chambre. En cinq minutes top chrono c'était fait. Ils ont vaporisé leur produit sur le matelas et c'était fini. J'ai demandé : mais vous ne traitez pas le sommier, les meubles, les plinthes ? Ils m'ont répondu que le matelas c'était suffisant ... » Les punaises, connues pour la difficulté à s'en débarasser, se nichent partout. Pire, leurs œufs résistent aux traitements chimiques et mettent trois semaines à éclore. « J'ai changé de chambre il y déjà plusieurs jours. Avant hier, pour la première fois, j'ai été piqué dans cette nouvelle chambre ... ».

 

" Et si le vrai problème c'était les étudiants ? "

 

Le problème des punaises n'est pas récent et est loin d'être un cas isolé. Difficile de dire quand il a commencé à la Robertsau mais une ancienne résidente Erasmus témoigne de la présence de ces parasites depuis au moins 2009. Selon une femme de chambre, un studio serait condamné après plus de 6 tentatives de désinsectisation. Face à une invasion qui a explosé depuis le début de l'année universitaire, la liste Arcus, concurrent de la FERUF, tient un discours très différent. « Et si le vrai problème c'était les étudiants et leur manque d'hygiène ? Il faut que vous voyez l'état de certaines chambres aussi ! Nous, à notre niveau, ce qu'on peut faire c'est organiser des réunions et informer enfin l'ensemble des étudiants. » Anas, troisième sur la liste Arcus, ne mâche pas ses mots. Karine, la tête de liste, se montre plus diplomate, tout en pointant les comportements personnels du doigt : « Le CROUS fait ce qu'il peut. Beaucoup d'étudiants ne signalent pas ou ne traitent pas l'invasion de leur chambre. Le CROUS ne peut pas envoyer des femmes de ménages dans les chambres pour tout vérifier comme à l’hôtel ! Les étudiants doivent devenir vigilants, faire attention à tout ».

 

Ce matin, les résultats des élections sont tombés : 59 % pour la liste FERUF contre 41 % pour la liste Arcus. Pour Andrea, les revendications de sa liste sur la salubrité « étaient proches des exigences concrètes des étudiants » et lui ont permis de remporter la victoire. « Le premier conseil de résidence avec le directeur de la cité U aura lieu le 21 octobre, nous aborderons le sujet des punaises et demanderons des réponses sur nos exigences ». Guillaume se réjouit et attend la création d'une "commission spéciale punaises". Au troisième étage du bâtiment B, l'ancien lieu de vie de Lucie, ses voisins et voisines "à bout de nerfs" n'attendront pas plusieurs semaines.

 

Clémence Lesacq

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