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Les oubliés de la densification

19 octobre 2011

Depuis deux ans, l'urbanisation du quartier explose. La ville de Strasbourg projette d'y construire 1000 nouveaux logements d'ici à 2014. Une course effrénée à la recherche de nouveaux terrains, comme celui du 65 route des Chasseurs. Cette densification urbaine, dans ce quartier encore préservé, inquiète les habitants.

 

A l'angle de la route des Chasseurs et du quai des Joncs, la Bleich trône au milieu de maisons alignées et clôturées. L'imposante bâtisse est, elle, ouverte sur la rue, et quelques poules s'échappent sur le macadam. Pour un loyer de 430 euros pour un trois pièces, huit personnes se partagent cette demeure de six appartements et son vaste jardin. Par passion, Pierre Villemin y élève des poules, oies et canards. Arrivé il y a quatre ans grâce à Emi Hess, sa voisine de palier, il s'est fait une place au deuxième étage, juste au dessus de l'appartement que Patricia Christ occupe avec son fils. Aujourd'hui, ils forment une improbable communauté d'un autre temps. Repas en commun, solidarité, un équilibre bientôt menacé par la démolition de la maison et l'expulsion de ses habitants.

 

 


Propriétaire de ce terrain de 2 966 m2, estimé à 455 000 euros, la Ville de Strasbourg pourrait le céder à un promoteur, Procivis. Ce dernier confirme être en négociation avec la municipalité : "Rien n'est encore signé mais on aimerait bien savoir quand cela va se faire. On a organisé des réunions de quartier en juin et juillet". Mais les riverains affirment, eux, ne pas avoir été consultés. «Toute cette opération s'est faite avant que les habitants ne soient prévenus. Ce terrain avait une vocation socio-culturelle mais la mairie l'a reclassé pour construire des logements», regrette Huguette Schwartz, présidente de l'association des habitants du quartier des Chasseurs et des Joncs. Elle explique : «En août 2010, les habitants ont remarqué des géomètres aux abords de la maison. J'ai donc saisi la mairie. Le 3 septembre, ils m'ont répondu qu'ils faisaient des bornages en vue d'une possible session de la parcelle. J'ai donc demandé qu'on présente le futur projet immobilier au conseil de quartier».

 

En juin dernier, un premier projet du cabinet d'architecte Rey Lucquet est donc présenté au conseil de quartier. «Le projet est déjà bien avancé. Une dizaine de logements sont prévus dont 50% de logements sociaux. Mais depuis le début, la mairie n'est pas claire sur ce qu'elle veut faire, il y a une ambiguïté dans la sauvegarde ou non de la maison », explique Franck Leduc, conseiller de quartier à la Robertsau. «Mais rénover cette maison serait beaucoup trop onéreux pour un promoteur», avoue-t-il.

 

Les documents fournis lors de la consultation des promoteurs en novembre 2010 indiquent en effet qu'«une liberté est laissée de conserver ou démolir la maison existante (…) Dans l'optique d'une démolition, le promoteur devra assurer, en lien avec le bailleur partenaire, le relogement des familles occupantes». Le promoteur Procivis renvoie cependant à la décision de la Ville : "On a eu des échanges sur la maison et on étudie tous les scénarios. Mais c'est à la municipalité de trancher. C'est un choix politique." Selon le cabinet d'architectes Rey-Lucquet, la municipalité a acté sa démolition. «Le projet architectural n'est pas encore arrêté, nous étudions les conditions de relogement des habitants selon leurs besoins que nous devrons intégrer dans les plans définitifs », ajoute-t-il.

 

« Ils n'ont prévu que des appartements de 4 ou 5 pièces pour des grandes familles alors qu'il y a aussi une demande pour des une ou deux pièces», regrette Huguette Schwartz. Le cabinet Rey-Lucquet dit réfléchir au problème. Les habitants ont pourtant l'impression que cette urbanisation effrénée ne prend pas en compte le facteur humain. «Le projet est intéressant mais on oublie les gens qui vivent ici. Ils ne demandent rien à personne et sont très bien intégrés, malgré leur mode de vie un peu décalé», souligne Huguette Schwartz.

 

La Ville n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet mais indique qu'une réunion est prévue avec les riverains en novembre.

 

Cette opération immobilière route des Chasseurs s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du 4e Programme local de l'habitat de la CUS. D'ici à 2014, la Ville souhaite construire 18 000 logements sur la CUS, dont 7150 à Strasbourg. Après le Neudorf et Cronenbourg-Hautepierre-Poteries, la Robertsau est le troisième quartier en terme de construction avec 1000 nouveaux logements.

7150 logements prévus d'ici à 2014

Voir notre carte des projets immobiliers dans le cadre du Programme local d'habitat (PLH) de la ville de Strasbourg et de la Robertsau.

(Pour plus de confort, agrandissez la carte en cliquant ici)

: Les différents programmes immobiliers à Strasbourg d'ici 2014.

: Projets en construction à la Robertsau, fin prévue en 2014.

  : Projets prévus pour 2015-2020 à la Robertsau.

: Projets prévus pour 2020-2025 à la Robertsau.

« Afin de mobiliser à court terme du foncier pour soutenir la production de logements de qualité (…), la [collectivité] a identifié dix terrains propriétés de la de la Ville ou de la CUS», indiquent les documents fournis lors de la consultation des promoteurs en novembre 2010. A la Robertsau, trois autres terrains ont aussi été choisis : le 311 route de la Wantzenau, de 1500 m2 estimé à 260 000 euros pour construire 8 logements, le 286 route de la Wantzenau, de 951 m2 pour 4 logements, estimé à 120 000 euros, et la rue de l'Anguille, sur 4395 m2 estimé à 575 000 euros pour 28 logements.

 

 

Fiches par terrain de la consultation de promoteurs pour les terrains à Strasbourg. Les quatre terrains concernant la Robertsau sont à retrouver  pages 12 à 19.

 

Marion Kremp et Anna Benjamin

 

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