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Une projection pour changer de regard

12 octobre 2017

Le directeur général de l'ARAHM, Jean-Claude Cuny, s'adresse à la salle après la projection.

Une projection de deux films écrits et réalisés avec des personnes handicapées avait lieu mardi à l’espace culturel Django-Reinhardt au Neuhof. En filigrane, la question de l’intégration des personnes en situation de handicap au quotidien.

Au départ, il s’agissait simplement de faire un film. Une histoire hors du monde du handicap, une manière d’en sortir un moment aussi. Mais pour la trentaine de jeunes de l’Association régionale l’aide aux handicapés moteurs (ARAHM), hors de question de passer à côté d’une occasion de s’exprimer. De parler d’eux, de leur quotidien, de leur monde. Un monde encore à part, que les « valides » peinent souvent à intégrer.

Ce soir-là, à l’espace culturel Django-Reinhardt, ils sont venus avec leurs proches, leur famille, ou l’équipe de l’institut d’éducation motrice (IEM) Les Iris, situé à un kilomètre de là, au Neuhof. Installés dans la salle de projection, ils piaffent d’impatience en attendant que la lumière s’éteigne. Il faudra patienter encore un peu : trois personnes s’emparent du micro pour introduire la soirée.

Elisabeth Gillet-Berger est chef du service éducation à l’ARAHM, et Eric Schlaflang et Sarah-Myriam Poirson sont membres de l’association Répliques. Pendant deux ans, ils sont intervenus au sein des Iris pour animer des ateliers cinéma. Les deux films projetés mardi soir sont le fruit de ce travail, et ont été écrits et réalisés avec les élèves, principalement au Neuhof.

« Plus fort l’effort », est un court métrage inspiré de faits réels. Il raconte les destins croisés d’Alex et de Julien. Le premier a toujours vécu avec le handicap, le second le découvre lorsque les pertes d’équilibre commencent à chambouler son quotidien. En grandissant, les deux jeunes hommes sont confrontés à des épreuves quotidiennes, comme la préparation d’un repas ou la descente du bus. Confrontés aux regards gênés aussi, et aux insultes, parfois. A un moment, Alex choisit de répondre à cette violence physiquement, en giflant celui qui l’a insulté... Plus tard, il utilise aussi le rap comme moyen d’expression (à partir de 9:37, jusqu'à 9:50) :

« Hardcore

Cours toujours

Plus fort l’effort, t’es sourd ?

Je viens briser tes rêves

Si tu marches pas…

Hardcore

Cours toujours

Plus fort l’effort, t’es sourd ?

Si tu marches pas… tu crèves. »

 

Plus fort l'effort from Répliques on Vimeo.

Pendant l'entracte, Eric donne la parole aux élèves pour savoir ce qu’ils en ont pensé. Chloé ne s’y attendait pas. Entre deux sanglots, elle explique la démarche avec ses mots: « On sensibilise un peu les gens parce qu’ils ne comprennent pas et moi ça me fait du mal, le regard des gens envers le handicap. » Elle veut dire, aussi, qu'être handicapé ne signifie pas « on ne peut pas le faire ».

Où ça te mène from Répliques on Vimeo.

Elle, Nada et Bettina ouvrent le second film. « Où ça te mène... », un documentaire de 40 minutes dans lequel les jeunes racontent leur « parcours pour devenir adulte ». On y découvre un peu de leur quotidien, et beaucoup de leurs aspirations. Ce qui revient le plus, c’est le désir d’autonomie. Que ce soit à travers le fait de vivre en appartement, ou de travailler. Le générique de clôture fait un point sur la situation des personnes filmées depuis la fin du tournage. Certains ont trouvé un travail, d’autres, comme Nada et Chloé, vont réintégrer un cursus classique. Pour les deux jeunes filles, il s’agit d’une seconde prodessionnelle au lycée Aristide-Briand.

Chloé Gentner, 18 ans, a participé au documentaire. Après la projection, nous l'avons intérrogée sur son expérience du projet.

Cuej/Ferdinand Moeck et Anne Mellier

« Tout ce dont ils rêvent, c’est d’être comme tout le monde », explique Véronique Vantomme. Educatrice aux Iris, elle fait partie des équipes ayant participé au projet avec enthousiasme. Elle avoue être « fière » du résultat et « admirative du courage qu’ils ont eu de se mettre à nu ». Malgré tout, elle demeure prudente vis-à-vis de l’intégration de ces jeunes en situation de handicap. Si l’ARAHM les accompagne et les prépare longtemps avant de les laisser intégrer un cursus classique, il arrive qu’ils reviennent, « en miettes », après avoir été confronté aux moqueries, aux remarques : à l’ignorance. Il faut alors recommencer tout un travail pour leur redonner confiance.

Cette question de la confrontation au monde « valide » resurgit d’ailleurs à la fin de la projection. Si les personnes qui prennent la parole louent toutes la qualité des films, et remercient les acteurs ayant permis ce projet, quelques-uns s’interrogent : et maintenant ? Comment faire pour que le message véhiculé touche ceux qui ne connaissent pas, ou mal, le monde du handicap ? Ce qui n’est pas le cas du public de la projection, déjà concerné ou sensible à cette question.

Du côté de Répliques comme de l’ARAHM, on se questionne aussi. On pense à un autre film éventuellement, on réfléchit sur la manière d’utiliser ceux qui sont déjà faits. Car pour Jean-Claude Cuny, directeur de l’ARAHM, il faut trouver des manières « d’ouvrir des portes sur le monde du handicap ». Demain d’ailleurs, ce sont celles de l’IEM qui s’ouvriront, pour accueillir deux classes de lycéens. 

Plus fort l'effort from Répliques on Vimeo.

 

Où ça te mène from Répliques on Vimeo.

Ferdinand MOECK & Anne MELLIER

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