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Les musulmans du Neuhof prieront à Solignac, faute de mieux

18 octobre 2012

Prévue pour le début du mois de septembre, la livraison de la mosquée du Neuhof a pris un retard considérable en raison de problèmes financiers. Les fidèles doivent prier dans un bâtiment en chantier. Seule bonne nouvelle : l'installation d'une chaudière dans les jours à venir.

 

La mosquée du Neuhof, d'une superficie de 700 m2, est loin d'être terminée.  Photo CUEJ/A.S.

 

La pratique de la foi est paraît-il au dessus de toute considération terrestre. Au Neuhof, l'adage prend tout son sens. Un paysage désolé, des flaques de boues et un bâtiment à moitié détruit accueillent les fidèles du quartier. Sans local depuis la fin du mois d'août et leur départ de l'ancienne médiathèque, ils doivent prier en plein chantier. Celui de leur future mosquée, située sur le site de l'ancien manège Solignac.

La chaudière bientôt installée

Pourtant, sur les 700 000 euros budgétés, 260 000 ont déjà été engagés dans le projet. Soit la subvention accordée par la municipalité (10% du projet) et l'argent rassemblé par l'Association culturelle maghrébine du Neuhof (ACMN). Assez pour refaire l'isolation, installer l'électricité, et poser de nouvelles fenêtres. La salle de prière du rez-de-chaussée, d'une surface de 300 m2 et pouvant accueillir jusqu'à 500 fidèles, est presque terminée. A un détail près, et non des moindres : la chaudière manque à l'appel. Ce qui inquiète les fidèles, à quelques semaines des premiers grands froids. "Si tout va bien, la chaudière sera livrée et opérationnelle d'ici deux à trois semaines", rassure le vice-président de l'ACMN Hakim el-Hamri.

 

Bientôt achevée, cette salle de prière est la seule dont disposent les musulmans du Neuhof. Photo CUEJ/A.S.

 

« On est des SDF »

Une bonne nouvelle dans un océan de contretemps. A court d'argent et devant composer avec le retard de certaines entreprises, l'association se heurte à la réalité des faits : les travaux patinent. Le 1er étage, censé devenir une salle de prière pour les femmes, est en ruine. L'ascenseur pour handicapé n'est qu'à l'état de projet. Idem pour la tuyauterie des sanitaires. Quant aux bureaux qui abriteront l'ACMN, ils sont tout sauf une priorité.

 

Le 1er étage de la mosquée doit abriter une salle de prière pour les femmes. Photo CUEJ/A.S.

 

Dès lors, quid d'une solution provisoire ? "La mairie était prête à mettre en place un chapiteau, sur le site de Solignac, mais cela n'a pas pu se faire car on n'avait pas assez d'argent pour le financer", explique Hakim el-Hamri. Les musulmans du Neuhof n'auront donc aucun autre lieu à disposition dans le quartier. Que les travaux avancent ou non.

"On est des SDF", déplore l'un des responsables de la mosquée, Mustapha Atouani. Les femmes, elles, n'ont pas encore droit de cité dans les locaux de Solignac. En attendant l'installation d'un rideau provisoire les séparant des hommes, elles prient chez elles ou dans des mosquées voisines.

Un budget toujours plus élevé

A la recherche de centaines de milliers d'euros, l'ACMN récolte les dons des fidèles. "Mais le Neuhof est une ZFU (Zone franche urbaine) qui compte beaucoup de rmistes et de retraités, réfrène Mustapha Atouani. Très peu peuvent donner plus de cinq euros. Ce n'est pas avec ça qu'on finance un projet aussi coûteux." Initialement fixé à 500 000 euros en décembre 2011 puis très vite estimé à 700 000 euros, le budget sera "certainement" supérieur à cette somme selon Hakim el-Hamri : "Il est sans cesse revu à la hausse".

L'association et d'autres bénévoles utilisent alors les techniques habituelles pour collecter des fonds : tour des marchés de la région, déplacements dans des mosquées allemandes, belges et suisses... Quant au financement de pays étrangers, l'ACMN préfère ne pas y croire. "On n'a ni le temps, ni les moyens, ni les pistons", regrette son vice-président. Le contraste avec l'aura dont a bénéficié la Grande mosquée de Strasbourg, financée à hauteur de 53% par le Maroc (près de 4 millions d'euros), l'Arabie Saoudite (900 000 euros) et le Koweït (500 000 euros), est saisissant.

Raphaël Badache et Adama Sissoko

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