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Planète Neuhof : le quartier au-delà des clichés

17 septembre 2015

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L'équipe du Planète Neuhof débat des sujets à traiter. Photo Antoine Terrel / Cuej.info

Tapez "actualité neuhof" dans un célèbre moteur de recherche et vous verrez défiler sur toute une page : "un jeune sur deux au chômage", "saisie d'héroine", "petit garçon blessé par balle", "suicide au commissariat". C'est cette représentation majoritairement violente et défaitiste qui s'attache au quartier sud de Strasbourg que veut bousculer l'équipe du blog Planète Neuhof, qui a fêté son premier anniversaire début septembre. 

Toutes les semaines, si leur agenda le permet, ils se réunissent dans les locaux prêtés par Michel, directeur de l'entreprise de réinsertion Scoprobat. Ce mardi, ils sont cinq, le noyau dur d'un groupe fluctuant, tous issus du conseil de quartier. On imaginerait volontiers une bande de jeunes idéalistes en baskets : on se tromperait lourdement. Tous ont entre 40 et 60 ans, bien loin des bloggeurs urbains branchés et sont dans l'ensemble bien insérés professionnellement. Aucun ne signe ses articles : ils expliquent qu'ils veulent qu'on s'intéresse au blog pour les idée, et non pour les auteurs. Ou peut être qu'il est encore délicat de s'identifier clairement pour parler du Neuhof. 

C'est au sein du conseil de quartier qu'au fur et à mesure des rencontres et débats, l'idée de créer un média pour donner une nouvelle image au Neuhof a fait son chemin. "On s'est inspiré du Bondy Blog, mais pas que", explique Khalifa, photographe de l'équipe et membre fondateur. "Il nous fallait un outil de travail qui permettrait de mettre en lumière les aspects concrets et positifs du quartier." Avant d'attaquer la réunion, il évoque la stigmatisation qui pèse sur les habitants du Neuhof. "Je suis là depuis 53 ans. Vous voyez le film La Mémoire dans la peau ? Le Neuhof, c'est ça. Même quand on se dépasse, on en revient toujours au même point : on vient du Neuhof, et là, paf, c'est la fin." Un sentiment que partage la très militante Nadia. Pour elle, si d'un point de vue médiatique, la situation s'est apaisée, dans les faits, "auprès des entreprises, quand on veut trouver du boulot ou quitter le quartier, ça reste difficile."

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Un montage publié sur la page Facebook du blog, typique de leur démarche. Pour Planète Neuhof, la fête du parc Schulmeister aurait mérité la une. 

Une fois le comité de rédaction réuni, les bloggeurs-bénévoles s'échangent les sujets, commentent la vidéo de l'un, les photos de l'autre. Au programme de cette réunion : un bilan de la Fête des sports qui s'est tenue le week-end précédent et une visite à venir chez l'apiculteur du Stockfeld. En plongeant dans ses notes, on s'interroge : "Les portes-ouvertes de la ferme, on couvre ?" Nadia s'y oppose franchement. "On va pas leur faire de la pub, c'est pas le but du blog." L'équipe est souvent sollicitée par les partenaires du quartier, mais se refusent à verser dans la promo gratuite, sans autre intérêt. Les infos, ils les glanent auprès de leurs connaissances, sur le terrain, et par le biais des associations. Mais ils le reconnaissent : même avec leur réseau, ils peinent parfois à trouver des sujets. En cause : des habitants qui n'échangent pas, ne se mélangent pas. "Même les composantes du quartier ne communiquent pas entre elles, ajoute Michel. L'exemple typique, c'est le CSC qui a du ouvrir plusieurs antennes pour toucher tous les jeunes du Neuhof." 

Les plumes du blog sont tous novices dans le monde des médias. "Aucun de nous n'a d'expérience, précise Nadia. On apprend sur le tas, c'est sûr qu'il nous faudrait une formation, un coup de pouce." Tout motivés qu'ils soient, les bloggeurs sont néanmoins réalistes : ils ont conscience de n'avoir encore qu'un impact discret. Sans community-manager et sans un bon référencement, difficile d'émerger. Sandra, en charge de la logistique, dévoile quelques chiffres : 24 000 vues depuis la création du blog, environ 3 000 vues le mois dernier. "Notre article le plus lu a fait quelque 3 000 vues. Ce qui nous booste vraiment, c'est Facebook." Si la page ne cumule "que" 330 likes, des articles sont régulièrement partagés. "Ce qui reste difficile, déplore Nadia, c'est de recruter des gens, surtout des jeunes. On a des contributions de la médiathèque avec des portraits de lecteurs, quelques mails qu'on nous envoie... La prochaine étape va être de motiver et d'accompagner ceux qui veulent participer, mais n'osent pas."

Nina Moreno

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