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Au service de sa cité

04 novembre 2011

Rachida Hadri a décidé de mettre ses compétences au service du quartier du Neuhof, où elle vit depuis l'enfance. Son projet d'aide à la réinsertion professionnelle, Solidicée, a remporté le prix régional Talents des cités 2011 en Alsace.


(Photo Cuej - Thomas Richard)

Aînée d'une famille de cinq enfants, Rachida Hadri s'est très vite imposée dans la fratrie « comme un chef qui pousse chacun vers le haut en lui montrant ses points positifs », affirme sa sœur Soumia Gouia. « Elle a toujours voulu aider les gens, on l'appelait Wonder Woman », se souvient sa cadette.

Elancée, elle porte un voile noir rehaussé de rouge, qu'elle arrangera soigneusement pour la photo. Depuis quatre ans, l'islam a pris une nouvelle place dans sa vie. « Quand on a la foi, on a le cœur ouvert. » Et tendre la main pour aider les autres, c'est la raison de vivre de cette femme de 39 ans, une volonté récompensée par le prix Talents des cités reçu cette année pour son projet de réinsertion par l'aide à la personne.

Née au Maroc, Rachida Hadri habite le Neuhof depuis l'enfance. Elle y a grandi, fait ses études et travaillé. De son père, elle a hérité la détermination. « Il avait sa propre société de marchand ambulant sans savoir ni lire ni écrire, explique Soumia Gouia. Il savait gérer, manager et donner de sa personne. Avec lui on a tous appris les bases du travail. »

Après un BEP administration commerciale et comptabilité, le grande soeur débute loin du secteur social, comme attachée commerciale dans une entreprise proche du centre-ville de Strasbourg.

Sur sa vie familiale, elle restera discrète. Mariée à un Marocain, elle a eu quatre filles. Aujourd'hui divorcée, elle révèle mettre de côté sa vie sentimentale pour se tourner vers les autres. « C'est une femme très prudente , décrit Bernard Ruck, son référent à la Maison de l'emploi où elle suit une formation. Elle tâte le terrain avant de s'aventurer. »

Au milieu de ses enfants âgés de 13 à 21 ans, Rachida Hadri mène une vie bien réglée. « J'ai toujours cherché à travailler, même après la naissance de mes enfants. »

Un « grand frère »

Elle retrouve un emploi chez un tour-opérateur dans le Stockfeld en 1999. Elle y reste deux ans, avant de connaître une période de chômage. C'est le tournant qui va rapprocher la trentenaire de l'aide à la personne. Elle se présente aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) où elle devient agent de service en 2002. Il faut apporter les repas aux patients, s'occuper de l'entretien.

Germe alors l'idée de monter sa propre entreprise d'aide à la réinsertion. En 2010, Rachida Hadri devient chef d'équipe en gériatrie aux HUS. Ce nouveau travail lui plaît. On apprécie son sens du management. « Dans le quartier, Rachida avait le rôle de grand frère. Elle avait cette influence et cette fonction de conseil », décrit sa sœur.

Mais pour garder le poste, elle doit passer le concours d'agent de maîtrise. Après plusieurs mois de préparation, elle n'obtient pas le précieux sésame. Elle redevient agent de service et vit cela comme « un retour à la case départ. »

« J'avais fait le tour du métier. J'ai eu envie de mettre en avant mon potentiel », clame-t-elle. Tout en gardant son poste, elle réfléchit à un projet. Son nom, Solidicée.

Tous les mois, elle suit des sessions de formation à la Maison de l'emploi, sous les conseils de Bernard Ruck. Son projet a été récompensé par le prix régional Talents des cités. « C'est très valorisant. J'avais déjà confiance en moi, mais là encore plus ».

Battante, Rachida Hadri veut montrer que la femme doit s'affirmer pour se faire une place dans la société. Mais elle se donne du temps avant de créer sa propre entreprise. « C'est une personne patiente, assure Bernard Ruck. Elle est comptable de formation. C'est son atout, elle ne se lancera pas à corps perdu dans l'aventure. Le jour où elle ouvrira, je suis sûr qu'elle n'aura oublié aucun détail. »

La Neuhofoise s'est fixée une échéance pour concrétiser son projet, au plus tard en 2012. Il lui faut encore trouver des financements pour Solidicée. Elle mesure le chemin qui lui reste à parcourir.

Samedi 22 octobre, Rachida Hadri a reçu son prix, un chèque de 1500 euros, lors d'une cérémonie au Sénat. Un tout petit coup de pouce, mais Rome ne s'est pas faite en un jour.

Thomas Richard

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