Vous êtes ici

Oüday, 16 ans, réfugié syrien, concentré sur son futur

22 septembre 2015

20150925-AR dsc_0107.jpg

Le logement de la famille Massoud, à côté de l'école de commerce de Kehl. Photo : Anna Riva

Oüday Massoud est arrivé avec sa famille à Kehl il y a dix mois. A 16 ans, le Syrien souhaite apprendre l'allemand et travailler. Armé d'une volonté de fer, il ne se laisse pas déstabiliser par les difficultés de sa nouvelle vie.

Il émane de Oüday une grande joie de vivre... Comme une bulle d’air qui protégerait sa famille. A 16 ans, le fils aîné de la fratrie Massoud console sa mère dans les moments sombres. Des moments sombres qui ont marqué la vie de la famille ces derniers mois. La terreur, lors de la fuite de Syrie, il y a un an, s'est muée aujourd'hui en une peur diffuse, liée aux incertitudes qui pèsent sur le futur.

Kehl, Allemagne. L'Europe ne correspond pas à ce qu'avaient imaginé Aptissam Massoud et ses neuf enfants. « L’appartement est trop petit. Nous sommes dix et un de mes enfants est en chaise roulante. » Aptissam, la quarantaine, six filles et trois fils à charge, a du mal avec le logement qu’elle occupe depuis février dernier, lors de son arrivée à Kehl. Une salle de séjour, une cuisine, une salle de bains et une seule et unique chambre composent l’ancien logement du gardien de l’école de commerce de Kehl. Un petit couloir relie les différentes pièces. Les Massoud partagent la cuisine, lumineuse, avec une famille de réfugiés albanais.

L'allemand, la première étape vers l'intégration

Aptissam et ses enfants attendent un nouveau logement. La précarité de leur condition et les promesses des assistants sociaux, qui depuis plus d’un mois parlent d’un nouveau gîte, accroissent leur impatience. « Ils disent qu’il n’ y a pas de logements disponibles à Kehl. Mais il y en a, il y en a ! » Interprète improvvisé, Oüday transforme les discours inquiets de sa mère en concises phrases allemandes. L’allemand, cette langue compliquée qui au début lui semblait si difficile à maîtriser. Les cours de langue offerts par l’école de commerce aux réfugiés ont porté leurs fruits. Chaque jour, de 7h45 à 12h45, Oüday poursuit son apprentissage avec onze autres jeunes étrangers - Syriens, Irakiens, Albanais - qui partagent son destin. Mais il n’est pas satisfait. « J’aimerais bien parler parfaitement l’allemand, et trouver un travail ici, même non rémunéré, raconte-il. L’argent, cela ne m’intéresse pas. Mais j’ai beaucoup de temps, je veux l’occuper utilement. »

La fuite vers Hambourg

C’est pour « ne pas rester à rien faire » que le jeune Syrien s’est mis au foot, quatre fois par semaine, avec d'autres adolescents devenus au fil des mois « des amis ». Et quand Oüday ne joue pas au foot, il le regarde : à la télé, chez lui, après l’école. Pour tromper l’ennui. Pour ne pas penser à son père, tué en Syrie par trois balles de fusil, ni à la fuite vers l’Allemagne, en passant par l’Egypte. Pour ne pas penser à la traversée en mer, à ces 16 jours terribles, à 580 désespérés pressés sur un bateau de 28 mètres de long, sans rien à manger sauf du pain, toujours destiné aux plus petits. Pour oublier l'arrivée en Italie, puis en France, direction Hambourg, la destination tant rêvée... Ils étaient déjà à Kehl, c’était presque fait, le Nord de l’Allemagne était à portée de main quand la police les a arrêtés et envoyés à Karlsruhe. Là, ils ont passé deux mois dans l’Erstaufnahmeeinrichtung, la structure allemande d’accueil des primo-arrivants, avant d'être renvoyés à Kehl, dans cet appartement beaucoup trop petit. Non, Oüday se concentre plutôt sur le futur, sur ce qui va venir. Le premier pas, c’est l’allemand. Une fois qu’il le maîtrisera complètement, tout ira mieux.

Sa soeur, Lama, une brune de 19 ans, partage la même combativité, mêlée de timidité. Elle sait déjà ce qu’elle veut faire dans quelques années : infirmière. Quand elle n’est pas à l’école avec son frère, elle reste avec sa mère et l’aide avec les plus petits. La Syrie lui manque, comme à toute la famille, même si « ici en Allemagne, tout est bien ». « Mes amis sont restés en Syrie », lance Lama, détournant le regard. Pas le temps d’être triste : son petit frère de 5 ans, resté dans son coin à grignoter des chips, commence à pleurer.

Anna Riva

Imprimer la page