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L'insécurité au cœur des débats politiques à Kehl

18 octobre 2018

 Le député AfD (extrême droite) Stefan Räpple assure que la délinquance a augmenté à Kehl. Les riverains attribuent ce phénomène à l'arrivée du tram. La corrélation entre les faits n'est pourtant pas évidente.

La ligne D du tram relie, depuis un an, les Strasbourgeois à la petite commune allemande de Kehl.  En seulement quelques minutes, les voilà de l'autre côté du Rhin. Piscines en plein air, produits discounts, tabac à bas prix : les opportunités sont nombreuses. La nuit, ce sont plutôt les casinos, les bars à chicha et les discothèques qui attirent les frontaliers outre-Rhin. L'arrivée du tram en son centre a accru cette attractivité.

Malgré un bilan comptable positif, l'extension de la ligne n'enthousiasme pas tout le monde. En effet, de nombreux riverains déplorent une hausse de la délinquance depuis la mise en service du tram. L'AfD (extrême droite) s'est de suite emparée du sujet. Le 2 octobre dernier, dans une interview pour la Kehler Zeitung, l'élu au parlement régional, Stefan Räpple allait même jusqu'à dire que « la police était totalement dépassée ».

Chef de la police de Kehl, Ingolf Grunwald constate, ces derniers mois, une hausse de la délinquance dans la petite bourgade allemande. Cuej/Pierre Griner

Une délinquance à nouveau en hausse

« Après deux ans de baisse, on assiste, depuis 2018, à une augmentation de la délinquance », confirme Ingolf Grunwald, chef de la police de Kehl, tout en précisant que les chiffres de l'année ne sont pas définitifs. Les cas de vol à l'étalage, de coups et blessures et de violence envers des membres des forces de l'ordre semblent s’être accrus ces derniers mois. « En 2017, nous avions comptabilisé 650 vols à l’étalage. Cette année, nous avons atteint ce résultat dès septembre », déplore le chef de police.

Depuis de nombreuses années, ce type de délinquance est constitutif du quotidien kehlois. Ce phénomène, Ingolf Grunwald le met sur le compte de l’alcool, bien moins cher en Allemagne qu’en France. « En discothèque, les alcools forts sont à bas prix, et les soft gratuits. Voilà pourquoi les clubs frontaliers sont très prisés. Certains week-ends, ils peuvent accueillir près de 5000 clients », note-t-il. Et encore, ces chiffres n'incluent pas les amateurs de bars à chicha et de casinos, peu ou pas présents dans les villes de l’Hexagone. Sans affirmer que l’arrivée du tram à Kehl est la raison de cette recrudescence de la criminalité, le chef de la police établit tout de même une corrélation : « Même si on ne peut analyser précisément l’impact du tram sur la délinquance, on remarque tout de même une augmentation depuis sa mise en service. »

Le chef de la police reconnaît que 95% des coupables d’infractions à Kehl résident en France. De là à dire que les Français sont plus délinquants que les Allemands, il y a un pas qu'il se garde bien de franchir. « Cela vient du fait que Strasbourg est une grande ville. En comparaison, Kehl est une toute petite commune. Nous n’avons que 35 000 habitants ». Le maire de Kehl, Toni Vetrano (CDU), partage cette analyse : « Naturellement, la proximité avec la ville de Strasbourg impacte la criminalité à Kehl. Tout simplement parce que Strasbourg est une métropole densément peuplée. Si plus de personnes viennent, la probabilité de trouver, parmi eux, des gens mal intentionnés, est aussi plus importante. Qu’ils viennent en voiture, à pied, à vélo, ou en tram importe peu. »

À un an seulement des élections communales, la résurgence de cette thématique n’est pas anodine. Ces discours alarmistes ont permis au parti d’extrême droite AfD d’entrer en septembre 2017 au Bundestag et, le 14 octobre 2018, au parlement régional bavarois. Cela n’empêche pas les forces de l’ordre de prendre la situation au sérieux. La coopération policière franco-allemande, déjà existante entre Kehl et l’Eurométropole, sera développée dès la fin des travaux d'extension de la ligne D. «Dans les prochains mois, nous mettrons en place des patrouilles franco-allemandes dans le tram, annonce Ingolf Grunwald. Les patrouilles existantes, à pied, à vélo, ou en voiture, seront quant à elles renforcées ».

Florian Bouhot, Lucie Duboua-Lorsch et Pierre Griner

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