Le Vieux-Cronenbourg attire des jeunes locataires et propriétaires. Ce quartier historique bénéficie de nombreux transports en commun qui rapprochent ses habitants du centre-ville. Une dynamique qui fait grimper les prix de l'immobilier.
"Je le trouve assez parfait mon quartier." Anne-Sophie Mayer, 35 ans, travaille au Wacken en tant que cheffe de projet européen pour le programme Interreg Rhin Supérieur. Installée dans le Vieux-Cronenbourg depuis qu'elle a commencé ses études à Strasbourg, elle y réside toujours. Elle connaît le quartier comme sa poche. "J’y ai habité un studio, un deux-pièces et ensuite j’ai acheté un trois-pièces parce que j’aimais le quartier", énumère-t-elle. À son arrivée en 2002, l’image générale du quartier était entachée par les problèmes sécuritaires de la Cité nucléaire. "J’ai une collègue de travail, je l’ai entendue un soir avoir une conversation perso au téléphone et conseiller un ami qui installait sa fille à Strasbourg pour ses études. Elle lui faisait la liste des quartiers où il ne fallait surtout pas investir. Dans la liste il y avait Cronenbourg. Cronenbourg-Hautepierre-Neuhof", se souvient-elle.
Camille Cherchi se sent bien à Cronenbourg. Locataire, elle songe à devenir propriétaire. © Héloïse Décarre
Avant de s’installer, Camille Cherchi, s’imaginait un quartier vieillissant et peu dynamique. "Ça m’était pas venu à l’idée de chercher à Cronenbourg. Je ne voulais pas m’enterrer ici", sourit-elle. Depuis un an, la jeune femme de 28 ans est locataire d’un appartement rue de Dettwiller avec son compagnon, Jean-Baptiste Burchet. "Ma mère m’a dit : si vous cherchez à payer moins, allez voir du côté de Cronenbourg," se souvient-elle. Aujourd’hui, le couple s’acquitte d’un loyer de 560 euros pour un logement de 58m². Camille et son compagnon ont pris goût au quartier et cherchent à y devenir propriétaires.
Anne-Sophie et son compagnon Cyril Fatmi, ingénieur commercial en informatique, ont fait l’acquisition d’une maison mitoyenne rue des Champs. Un bien acheté 200 000 euros, à rénover de fond en comble, qu’ils espèrent pouvoir habiter au printemps prochain. La famille s’est agrandie récemment et les 60m² que la jeune maman avait achetés il y a cinq ans ne seront bientôt plus suffisants pour voir grandir Quentin, 4 ans, et Morgane, 2 mois. Le couple a cherché pendant un an avant de jeter son dévolu sur leur futur bien de 100m². La recherche a été longue, car le budget du couple était limité : "On n’était pas sûrs de trouver dans le quartier. Les belles grandes maisons sont largement au-dessus de notre budget." Les taux d’intérêt bas les ont décidés : "Avec des taux d’intérêt plus hauts on n’aurait peut être pas pu se permettre cet achat là. Ça nous a permis de viser le Vieux-Cronenbourg."
Morgane est née il y a deux mois. Anne-Sophie Mayer et son compagnon ont donc décidé d’acheter une maison à Cronenbourg, plus grande, où tout est à rénover. © Héloïse Décarre
Un marché immobilier dynamique
Les cas de Camille et d’Anne-Sophie témoignent de la tendance au rajeunissement de la population dans le Vieux-Cronenbourg. Frédéric Perrin, agent immobilier à l’agence Orpi sur la route d’Oberhausbergen, souligne que le marché des studios et deux-pièces y est en pleine explosion. Selon lui, le profil type des nouveaux arrivants est celui de couples citadins primo-accédants avec enfant. Le rythme des arrivées de nouveaux propriétaires à Cronenbourg est parallèle à celui des départs des personnes âgées qui se sont installées dans les années 1960 et 1970. "On n’a pas forcément de mouvements campagne-ville ou ville-campagne, on est plus sur un profil de citadin, d’un locataire qui au vu des taux d'intérêt, peut se dire que pour le même montant que son loyer il peut devenir propriétaire", explique l’agent. Il prédit que d’ici cinq à dix ans, les jeunes couples seront majoritaires dans le Vieux-Cronenbourg. Mais, selon lui, ce phénomène n’est pas une spécificité du quartier. "Il y a une tendance générale sur Strasbourg où le prix au m² a augmenté : il est passé de 2400 euros l’année dernière à 3000 euros aujourd’hui ». Pour le spécialiste de l’immobilier, le Vieux-Cronenbourg est "le prochain Neudorf" : d’ici quelques années, il sera un quartier d’actifs, huppé et demandé.
Il est vrai que le contexte économique est favorable aux acheteurs qui souhaitent louer : la loi Pinel de 2015 permet à des investisseurs de bénéficier d’abattements fiscaux s’ils mettent en location un bien rénové. Dans le Vieux-Cronenbourg, ces investisseurs sont nombreux et les biens en location se multiplient, rendant le marché de l’immobilier dynamique. À l’agence de Frédéric Perrin, trois à quatre personnes se présentent chaque jour, en quête d’un bien en location. "Il y a un turnover sur la location aujourd’hui", explique-t-il. Selon lui, Strasbourg fait partie du "top 10 France" des villes où l’immobilier est le plus actif. La métropole est classée en "zone tendue" : pour les locataires, un seul mois de préavis est nécessaire avant de quitter leur appartement. Les propriétaires sont quasiment assurés de rapidement trouver un autre occupant.
Pendant ses recherches, Camille a constaté l’effervescence du marché : "On voit des biens immobiliers se vendre en deux jours !"C'est maintenant qu'il faut acheter." Une émulation qui donne confiance à Anne-Sophie pour la revente de son propre appartement. Acheté 120 000 euros il y a cinq ans, elle espère pouvoir le céder aux alentours de 150 000 euros.
Plus calme qu'au centre ville
Le Vieux-Cronenbourg bénéficie de sa proximité avec le centre-ville de Strasbourg. Des considérations personnelles comme les durées de trajet entre la résidence et le travail ou l’école prévalent sur les spécificités de l'immobilier local (charme de l’ancien, hauteur sous plafond plus élevée, volumes importants…). La piste cyclable, les transports en commun (tram et bus) ont boosté l’attrait du quartier qui n’est plus qu’à quelques minutes du centre-ville.
"On est venus ici pour être proches de la gare", explique Camille. Elle et son compagnon souhaitaient vivre en périphérie de Strasbourg, dans un quartier "plus au calme que le centre-ville". Pour se rendre sur leur lieu de travail, tous deux empruntent les transports en commun. Elle prend le tram chaque jour à Rotonde, à cinq minutes à pied de chez elle, pour se rendre à Neudorf. Lui travaille comme professeur documentaliste à Lauterbourg et s’y rend en train via la gare centrale qu’il rejoint aussi en tram.
Également accessible en quelques coups de pédales depuis le centre, le quartier a, pour Anne-Sophie, "de moins en moins d’inconvénients" maintenant qu’il est désenclavé. Si son concubin était ouvert à l’idée de quitter le Vieux-Cronenbourg, celle-ci se plaît à dire qu’elle "a gagné" en décidant son compagnon de rester dans ce quartier à "l’esprit un peu village".
Rue de Klingenthal, aux limites du Vieux-Cronenbourg
Quatre immeubles dénotent avec les vieilles bâtisses du quartier. C'est dans l'îlot de la rue de Klingenthal, situé au nord-est du quartier, que se situe le parc social du Vieux-Cronenbourg. Denise y habite depuis 1989. Son mari, qui travaillait à la brasserie de Kronenbourg, lui a permis d'obtenir son appartement.
Ginette, elle, a obtenu son logement grâce à son gendre il y a 26 ans. Celui-ci était à l’époque concierge de l’immeuble où elle est aujourd’hui logée. À la mort de son mari, Ginette a cherché à quitter sa maison de six pièces à Bischwiller, devenue trop chère à entretenir. En l’absence de logement social disponible dans sa commune, son gendre a plaidé sa cause pour qu’elle obtienne une place dans le Vieux-Cronenbourg.
Sarah, 25 ans, estime quant à elle avoir choisi le logement le "moins pourri" qu’elle ait visité mais regrette son appartement étudiant à Illkirch. Elle n’est pas attachée au quartier car, pour elle, "le seul avantage de Cronenbourg c’est la proximité du centre-ville".
La gestion par le bailleur social, Sibar, constitue un point de crispation. Abby, 33 ans et résidente depuis cinq ans au numéro 4, regrette un "manque de réaction et de sérieux" de la part du bailleur. En cause, la porte d’entrée qui ne ferme pas et tarde à être réparée malgré les relances des habitants. Et surtout, la fenêtre cassée qui donne accès à sa cave. Sibar ne s’est décidé à lancer les travaux qu’après qu’Abby a prouvé au bailleur sa responsabilité en cas de vol. Il faut dire que la jeune femme possède un vélo estimé à 3000 euros…
Héloïse Décarre et Lucas Jacque