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En mai 2019, un EPSAN ouvre ses portes rue Becquerel. Implanté en plein milieu d’une zone résidentielle qui regroupe écoles, logements sociaux et commerces, il suscite interrogations et rumeurs. 

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L'EPSAN de Cronenbourg a ouvert ses portes en mai 2019. Il peut accueillir 140 patients répartis dans six unités de soin © Marion Henriet

"Le quartier n’a pas une bonne image. Les gens s’imaginent toujours que c’est un zoo", se désole Nathalie Amann, directrice de l’école primaire Paul Langevin. Une image qui, pour certains habitants, pourrait encore se dégrader. La faute à un nouveau bâtiment implanté aux croisements des rues Becquerel, Langevin et Albert Einstein. Là où se dressaient les tours Becquerel, c’est maintenant un EPSAN (Etablissement public de santé Alsace nord) qui trône au milieu du quartier cronenbourgeois. La structure peut accueillir 140 patients en hospitalisation complète en psychiatrie ; elle fait aussi office d’hôpital de jour et reçoit des malades pour des consultations ponctuelles. Ouvert en mai 2019, l’établissement accueille une partie des patients de l’EPSAN de Brumath. Objectif : faciliter leur réinsertion en les rapprochant de leurs familles sur Strasbourg et des différents services dispensés par la métropole. 

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© Arthur Jean

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Soignée pour dépression depuis 2018, Estelle Wencken devrait pouvoir retrouver son domicile dans les prochains mois © Marion Henriet

Les rumeurs vont bon train

Érigé en plein milieu d’une zone résidentielle, l’EPSAN suscite de fortes inquiétudes dues à sa proximité directe avec trois écoles primaires. "On peut reconnaître les patients avec leurs bracelets bleus. Ils sont souvent près de l’arrêt de bus de la ligne G, confirme Karim G., 25 ans, qui a grandi à Cronenbourg. Des fois, il y a des embrouilles avec les dealers de drogue du quartier." Un autre habitant, fortement investi dans la vie du quartier, fulmine : "Vous voyez les fous se balader dans les rues toute la journée. C’est n’importe quoi pour la sécurité des habitants." Le responsable d’Emmaüs Cronenbourg, raconte lui avoir vu un patient "tourner autour d’un couple en les fixant". Pour Daniel Malem, éducateur spécialisé dans le quartier depuis une vingtaine d’année : "C’est n’importe quoi ! Il ne se passe jamais rien avec les pensionnaires de l’EPSAN." 

 

 

La méfiance laisse place à la tolérance

À l’école maternelle Paul Langevin, Agnès Knipper, directrice de l’établissement, tente de dédramatiser. "J’ai eu des parents inquiets. Mais maintenant plus rien. Ça fait partie du paysage. Moi ça ne me choque pas, il y a des gens sains d’esprit qui me font bien plus peur." Au cours des années 2010, de multiples réunions publiques ont été organisées avec les habitants, les parents d’élèves et les commerçants. Des médecins et du personnel du futur EPSAN ont déconstruit les clichés sur les maladies mentales et rassuré les Cronenbourgeois. Ces efforts portent aujourd’hui leurs fruits, notamment auprès des enseignants. "Les patients ne représentent aucun danger. On a même été prévenus qu’on pourrait être amenés à scolariser des enfants de l’EPSAN si besoin", explique Nathalie Amann.

Estelle Wencken, 45 ans, hospitalisée à l’EPSAN pour une dépression depuis juillet 2018, confirme ce changement d’attitude. "Tout le monde appréhendait au début mais ils ont constaté qu’on était pas fous", raconte-t-elle. Alors qu’elle ne connaissait pas le quartier à son arrivée à Cronenbourg, elle se souvient de ses premières rencontres avec les habitants. "L’été dernier, on a fait connaissance avec des habitants à l’extérieur de l’EPSAN. Maintenant je vais les voir chez eux," s'amuse-t-elle. Pour des patients comme Estelle, qui n’a jamais reçu de visites de son fils, ces relations avec les habitants permettent de rompre l’isolement.

 

Arthur Jean, Marion Henriet et Lucas Lassalle

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