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Poumon vert de Cronenbourg, le parc de la Bergerie voit se croiser familles, joggeurs et promeneurs solitaires. Déambulation automnale sur les sentiers sablonneux d'un jardin où tout le quartier se retrouve. 

Ce mercredi d’automne, la brume a envahi le parc et le croassement des corneilles résonne entre les arbres. Le pas de course des joggeurs brise le silence. Zora, en tenue sportive, court seule dans le parc depuis deux ans. "Je travaille dans le commerce et pour se vider la tête, il faut trouver une activité", explique-t-elle. Les joggeurs affluent dans le parc de la Bergerie : "On se croise, c’est souvent les mêmes, à force on se dit bonjour mais je ne suis pas à la recherche de rencontres. Et puis quand on court, on ne s’arrête pas."

  • 9h : "se vider la tête" 

Assis sur un banc, Gaël, 23 ans, s’oxygène après une dure nuit de labeur. Il est manutentionnaire à l’Espace européen de l’entreprise, à Schiltigheim, et travaille de minuit à 7h du matin. "Ce que j’aime ici, c’est les endroits pour jouer au foot avec mes neveux", confie-t-il Ce Cronenbourgeois d’origine aime son quartier, mais il déplore le manque d’activités : "Pour l’alimentation, on a Lidl et Auchan mais ce qui est dommage, c’est pour les cafés, les bars et les boutiques."

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Les matins d'automne, le parc est peu fréquenté. L'été, des barbecues attirent les habitants qui viennent pique-niquer. © Emma Chevaillier 

  • 11h30 : chasse aux monstres

Plus qu’un vaste espace vert, cette ancienne bergerie est aussi un lieu de passage. Situé au centre du quartier de Cronenbourg, il fait la jonction entre le nord et le sud. Marion le traverse tous les matins pour se rendre au CNRS, où elle prépare une thèse en physique. La doctorante de 30 ans a les yeux rivés sur son smartphone. Elle chasse les monstres de poche sur son application Pokémon Go. "J’ai été bercée par l’univers Pokémon toute mon enfance. Je suis même allée au Japon pour me rendre au Pokémon Center, un magasin dédié, et j’en ai eu pour 200 euros de peluches", raconte-t-elle.

Dans une allée, un enfant à bicyclette perd l’une de ses petites roues et tombe par terre. Un moment hilarant pour ses sœurs et sa mère, un petit drame pour le garçon. Il se ressaisit et repart : il vient d’apprendre à faire du vélo.

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Une voie ferrée longe le parc sur son côté sud. Le passage des trains perturbe plusieurs fois par jour le calme du lieu. © Emma Chevaillier

  • 17h : coller le cochonnet

Pour Sandrine et Willy, le soir est consacré à la pétanque. Ce couple de quinquagénaires rejoint ses amis Ahmed et Kader pour leur partie quotidienne. Alors qu’un terrain de pétanque a été construit à cet effet, ces boulistes préfèrent jouer dans un coin du parc. Et pour cause : en temps de pluie, le terrain est détrempé. "On a contacté la mairie pour régler le problème. Ils ont tapissé le terrain de cailloux, explique Sandrine. C’est absurde ! On ne peut plus jouer." Si ces aléas ne les découragent pas, Willy et Sandrine préfèrent les beaux jours pour exercer pleinement leur passion. "L’été, c’est jardin le matin, et pétanque l’après-midi", concluent-ils.

Le parc est ceinturé par un sentier jonché de feuilles mortes. Angela en profite pour réaliser un herbier avec sa fille. Elle reproche à certains usagers du parc de ne pas suffisamment en prendre soin. "En été, des gens font des barbecues, ils laissent leurs déchets partout", se plaint-elle. Pour l’heure, toutes deux profitent du calme automnal pour s’aérer avant le dîner.

 

Antoine Cazabonne et Emma Chevaillier

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© Claire Birague 

  • 10h30 : réveil en balade

Les premiers rayons de soleil et la rosée du matin offrent au parc une fraîcheur agréable. L’occasion pour Julie de se balader avec sa fille Maya, âgée de huit mois. "La promenade dans le parc nous permet de prendre l’air, et ça fait du bien à la petite", confie la jeune maman d’une trentaine d’années. Sa fille n’a pas dormi ce matin. Elle l’a bercée dans toutes les pièces de la maison, mais rien n’a fonctionné : ce n’est qu’au parc, dans sa poussette et emmitouflée dans des vêtements chauds, que Maya a trouvé le calme. Julie est apaisée. Elle savoure un moment de sérénité avec sa fille.

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"À l’époque, le parc était sauvage, chacun avait son petit jardin et sa baraque en tôle." Originaire de la Cité nucléaire, Fabrice amène souvent son fils Gabriel, 6 ans, faire du vélo à la Bergerie. © Emma Chevaillier

  • 14h : récréation

Le parc commence peu à peu à se remplir. La grisaille ne décourage pas les familles venues profiter des aires de jeux avec leurs enfants. Myriam et Nassima bavardent sur un banc. "Le parc, c’est important pour que nos enfants s’amusent. On y va presque tous les jours !", s’exclament-elles, tout en gardant un œil sur leur progéniture. Toboggan au centre, bac à sable pour les petits et bloc d'escalade pour "les plus grands", le parc de la Bergerie fourmille d’infrastructures dédiées aux enfants. Construites dans les années 80, elles sont parfois victimes de leur succès. "En été, tous les enfants du quartier viennent ici, donc parfois il n’y a plus de place", se plaint Nassima.

Les treize hectares de verdure offrent nombre de recoins à explorer et sentir, à creuser et renifler. Marc a deux lévriers espagnols. Le mâle a une histoire chargée. "Quand on l’a recueilli, il était couvert de cicatrices. Une fois choyé, c’est devenu le plus beau chien de Strasbourg", se félicite Marc. Il poursuit : "En été les gens de la Cité nucléaire peuvent sortir de leur cage à lapin pour prendre l’air. Le parc de la Bergerie est une bénédiction pour le quartier."

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Unis par leur passion pour la pétanque, Sandrine, Willy, Ahmed et Kader se connaissent depuis plus de vingt ans. © Emma Chevaillier

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