Savant mélange d'époques, de couleurs, de matériaux, de hauteurs, Koenigshoffen se caractérise par sa diversité architecturale. Sur fond de règles d'urbanisme, le quartier évolue en conservant l'empreinte de son histoire.
© Aïcha Debouza et Thémïs Laporte
Directeur de projet au sein de la direction de territoire Koenigshoffen Montagne-Verte Elsau, François Desrues évoque les raisons, historiques et actuelles, de la diversité architecturale à Koenigshoffen.
Comment s’est construit l’habitat à Koenigshoffen ?
L’urbanisme dans ce quartier date du temps des Romains. Cet héritage est perceptible dans la trame parcellaire, celle des voiries. Le faubourg s’est vraiment métamorphosé avec le développement industriel au 19e siècle. Beaucoup d’entreprises se sont installées, telles la brasserie Gruber en 1855, avec des conséquences sur le bâti : des usines, des cheminées, des armatures métalliques, beaucoup de galeries souterraines pour le stockage de la glace... et des logements ouvriers. Au 20e siècle, pendant l’Entre-deux-guerres, l’activité de construction a témoigné des complexités alsaciennes et strasbourgeoises liées à l’alternance franco-allemande.
Sur la route des Romains cohabitent des barres, des immeubles collectifs avec des bâtisses plus anciennes. Est-ce leur apparition, plus tardive, qui explique la diversité architecturale du quartier ?
On a tendance à penser que la densité et la diversité urbaine sont liées aux grands ensembles des années 1960. Après la Seconde Guerre mondiale, le principal enjeu a été celui de la construction massive. Sont alors apparus des logements collectifs, voire de grands ensembles à Koenigshoffen. Mais plus que l’apparition de ces habitats, c’est l’accumulation des constructions, l’héritage historique et les modifications au fil des époques, qui expliquent la diversité. Quand on reconstruit, chaque petite parcelle est faite différemment, un peu plus grande, et ainsi de suite.
Les constructions récentes ne doivent-elles pas respecter certains critères pour s’inscrire, de manière cohérente, dans le paysage urbain ?
Les règles sont fixées par le plan local d’urbanisme, plus particulièrement par l’article 11 de son règlement qui traite de l’intégration paysagère, de l’insertion d’un projet dans son environnement. Pour autant, les juges répètent bien souvent qu’on ne peut pas refuser le permis de construire d’un collectif juste parce qu’il ne ferait « pas beau » à côté d’un immeuble ancien. Cela reste du domaine de l’esthétique, du subjectif. Si la Ville souhaite une faible densité urbaine, il faut que le règlement l'impose.
Autrement dit, il n'y a pas de règles, basées sur l’esthétique des bâtiments, pour régir les constructions ou les rénovations ?
Il existe une particularité. Dans un périmètre de 500 mètres autour des monuments historiques, classés ou inscrits, l’architecte des bâtiments de France a son mot à dire. Il intervient dans le cadre de l’instruction des permis de construire ou des déclarations préalables. Il peut refuser certains matériaux, couleurs, tailles de fenêtres...
Au sujet de la couleur, on observe à Koenigshoffen une certaine hétérogénéité, des devantures singulières, voire artistiques. Peut-on ravaler la façade de son habitation comme on l’entend ?
La liberté n’est pas totale. Les ravalements de façade fonctionnent sur le principe de la déclaration préalable. Un architecte conseil, au service urbanisme, refuse, accepte, ou offre son expertise aux particuliers pour les réorienter sur une autre couleur par exemple. Il y a donc un certain nombre de garde-fous même si certaines personnes ne déclarent pas leurs travaux. Il est possible de régulariser et dans certains cas, la Ville peut stopper les travaux a priori, négocier la condition de leur reprise... Les voisins peuvent également former des recours. Sur ce point, dans ce quartier, il n’y a pas vraiment de culture du contentieux. Et puis Koenigshoffen est en Alsace et ici, on a l’habitude des bâtiments colorés.
Aïcha Debouza et Thémïs Laporte