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"La culture est peu présente."

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Hafid Mourbad, 65 ans, peintre-sculpteur au parc Gruber.     ©Loana Berbedj

Hafid Mourbat, bonnet rouge ajusté sur la tête, s’est installé en 1998 dans un des plateaux du parc Gruber. Il a tout de suite été séduit par le montant du bail et les installations : "Ce sont des plateaux que l’on peut aménager comme on veut avec un loyer abordable."

L’artiste qualifie Koenigshoffen de "meilleur endroit" où il a vécu, mais pointe du doigt "le cruel manque d’espaces culturels dans le quartier." Il voit donc d’un bon œil le rachat de l’immeuble du parc Gruber par la mairie. Il se dit curieux de la possible arrivée d’un pôle santé, d’associations voire d’une médiathèque au sein du parc.

Un autre élément manque à Koenigshoffen selon Hafid Mourbat : l’échange. Présent depuis vingt ans, il avoue avoir très peu de contacts avec les autres habitants du quartier: "Ici, au parc, on est un peu à l’écart !"

Déambulant entre ses multiples créations artisanales, Hafid Mourbat guette avec intérêt l’arrivée du  tramway. Lui, l’ancien habitant du Faubourg-de-Saverne a vu l’élan positif et novateur créé par cette attraction dans son ancien quartier. Il rêve du même destin pour Koenigshoffen. "Le quartier est pauvre, il va gagner en intérêt avec l’arrivée du tram. Au Faubourg-de-Saverne, cela a permis la création de bars, de lieux de rencontre et d’échange. J’espère que ce sera la même chose ici."

 


 

"Le plus du quartier c’est son esprit village."

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Claude Kök, 46 ans, gérante du bar-restaurant Au P'Tit Jules.     ©Hugo Bossard

Derrière le comptoir, Claude Kök dynamique et volontaire, multiplie les va-et-vient entre la salle, les cuisines et le bar. Cette professionnelle de la restauration, d’abord implantée à Schiltigheim puis le long de la route des Romains, s’est installée  il y a onze ans dans la galerie d’Auchan. Et elle ne regrette pas : "Le niveau social était plus élevé à Schiltigheim, mais je retrouve ici l’ambiance village que j’aime tant."

La proximité avec la clientèle, voilà ce qui fait la différence pour cette alsacienne pur jus. Au P’Tit Jules, le tutoiement est de rigueur. "Je sais à l’avance ce que certains clients vont prendre et où ils vont s’asseoir !" dit-elle, sourire aux lèvres. Claude Kök connaît bien sa clientèle, et sait s’adapter à elle. "Ici, il faut être compréhensif, explique-t-elle, faire des efforts sur les prix car les gens n’ont pas beaucoup de ressources. Il faut aussi savoir faire confiance, s’arranger, notamment quand un client vous dit qu’il paiera le lendemain."

Pour autant, elle ne retrouve guère dans le quartier le lien social qui s’est tissé dans son commerce : "L’image sociale s’est dégradée, beaucoup sont en marge de la société et la Mairie ne fait rien de ce côté-là."

 


 

"Il n’y a pas de centre-ville, c’est la route des Romains qui tient ce rôle."

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François Oberling, 51 ans, chargé de développement communication et vente de Libre Objet au Parc Gruber.     ©Loana Berbedj 

En contrebas du parc Gruber est installé Libre Objet, une association accueillant des personnes en contrats aidés. Ces derniers réalisent en petite série des objets conçus par des artistes, souvent à partir de matériaux recyclés. L’atelier s’est implanté à Koenigshoffen il y a deux ans, au niveau du parc Gruber, mais existe depuis 1997.

Le choix de Koenigshoffen ne s'est pas fait par défaut : "Le quartier a l’avantage d’être desservi en transports en commun et d’avoir un parking gratuit, contrairement à Strasbourg et même nos anciens ateliers", indique François Oberling. Les jeunes en insertion travaillant à Libre Objet ne viennent pas de Koenigshoffen, mais de l’Eurométropole en général, et n’ont pas de moyens de locomotion. François Oberling habite quant à lui à la Robertsau et met quarante minutes pour venir. "Pas un souci" pour lui.

En l’espace de deux ans, il a pu constater une évolution de Koenigshoffen, notamment la réhabilitation de nombreux bâtiments au début de la route des Romains. Et si le quartier lui convient bien, il le trouve néanmoins délaissé : "Il n’y a pas de centre-ville à Koenigshoffen, c’est la route des Romains qui en tient ce rôle, note-t-il. Mais les élus souhaitent dynamiser le quartier." Avant de conclure : "Un des plus gros problèmes ici, c’est le manque d’offre culturelle. Il n’y a rien."

 


 

"J’ai perdu 30% de mon chiffre d’affaires depuis le début des travaux du tram."

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Mehmet Akbalik, 40 ans, gérant du bar-restaurant Au Poilu, route des Romains.     ©Loana Berbedj

Mehmet Akbalik gère Au Poilu depuis cinq ans, un bar-restaurant qu’il a repris alors qu’il était fermé depuis un an et ne cessait de changer de propriétaire. Il tenait auparavant un bar sur Illkirch et c’est « l’envie de changement » qui a motivé sa venue ici. Son bar-restaurant sert 15 à 20 couverts et propose un plat du jour le midi et des tartes flambées et pizzas le soir.

Lui et sa famille habitent à Schiltigheim, à 15 minutes en voiture mais il rencontre parfois des difficultés pour stationner. La cause ? Les travaux du tramway, censé arriver en 2020, qui touchent tout le début de la route des Romains dont son commerce. "Les gens voient les travaux, ils ne peuvent pas stationner, font 2-3 fois le tour du quartier et s’en vont, se plaint-il. Le bar est peu accessible, hormis à pied."

Une partie de sa terrasse extérieure a déjà été fermée lors des travaux et devrait encore l’être lors de la construction des rails. "J’ai perdu 30 % de mon chiffre d’affaires depuis le début des travaux du tram", souffle-t-il. En réponse, il a monté un dossier afin d’obtenir des compensations mais attend toujours un signe de l’Eurométropole.

Mehmet Akbalik se montre sceptique sur le projet : "Le bus dessert déjà bien le quartier, le tram aura un faible impact." Il espère tout de même observer une hausse de la fréquentation de son enseigne et "accueillir une clientèle plus diversifiée que les habitués qui s’y succèdent."

 


 

"35 minutes de trajet, ce n’est pas énorme."

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Thierry Robert, 57 ans, responsable communication pour les Jardins de la Montagne Verte.     ©Hugo Bossard

Thierry Robert habite Brumath, à vingt kilomètres de Koenigshoffen. Depuis mai 2018, il est responsable de la communication aux Jardins de la Montagne-Verte, une structure qui aide à la réinsertion de personnes éloignées du monde du travail grâce à l’agriculture biologique. Avec 35 minutes de trajet chaque matin, il estime que "ce n’est pas énorme." Il a choisi le vélo et le TER pour se rendre à son travail : "Avec la voiture, je pourrais partir plus tôt mais je n’arriverais pas à la même heure. On a souvent 10, 15, 20 minutes de plus à cause des bouchons."

C’est pendant les vacances scolaires que ces trajets deviennent plus compliqués pour Thierry Robert. Quand il travaille, il doit déposer son fils de 10 ans dans des structures de garde d’enfants. "Je l’inscris au centre de loisirs de Brumath ou je lui propose les stages multi-sports de l’ASPTT à Koenigshoffen. Ça peut rapidement me coûter 100 euros par semaine."

A son arrivée, Thierry Robert a revu le site internet des Jardins. Bientôt, il prévoit d’y vendre des paniers de légumes saisonniers, dont deux-tiers sont produits par les Jardins. Pour le reste, "on essaye de se fournir dans le coin mais ce n’est pas toujours possible." Thierry Robert, qui s’occupe également de la négoce, inscrit cette démarche dans la responsabilité environnementale de l’entreprise. "Dès que je suis arrivé, on a choisi un hébergeur de site, en Suisse, qui est le seul en Europe à utiliser l’électricité verte pour ses serveurs informatiques." Il aimerait rendre son entreprise encore plus écologique, "mais c’est un problème de coût."

 


 

"Les transports ici ? C’est une horreur !"

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Mustafa Azimi, 23 ans, cuisinier dans le centre-ville de Strasbourg.     ©Fabien Albert 

Mustafa Azimi a quitté Koenigshoffen, il y a trois semaines, pour s’installer dans un quartier proche de la gare.  La raison de ce départ est simple, les transports: "Je mettais une heure pour aller au travail et j’arrivais en retard à cause d’eux".

Ce jeune cuisinier devait emprunter le bus 4 jusqu’à Musée d’Art Moderne, puis la ligne 10. Il était contraint de prendre un abonnement CTS de 260 euros par an, sans compter les nombreux trajets en Uber le soir, lorsque le bus ne passait plus. Désormais, les quinze minutes à pied qui le séparent de son emploi lui permettent de gagner trois quarts d’heure de sommeil par nuit. "Dans un métier comme le mien où l’on finit parfois à 2 heures du matin pour reprendre à 9 heures, c’est considérable" souligne-t-il. Mustafa Azimi a bien essayé d’alléger cette contrainte en cherchant un emploi sur Koenigshoffen mais cela n’a pas porté ses fruits : "Pour nous cuisiniers, Koenigshoffen n’est pas un bon quartier pour travailler. Il n’y a pas d’offre."

Néanmoins, ce passionné des fourneaux, passé par l’Autriche, la Grèce ou encore l’Iran, aimait la vie à Koenigshoffen : "C’est un endroit calme et je trouvais tout à proximité." L’arrivée du tram est pour lui une bonne chose pour l’accessibilité de la zone. "Avec le tram, on sera à moins de quinze minutes du centre-ville, se réjouit-il. S’il était déjà là, je n’aurais jamais déménagé." Il envisage la possibilité de se réinstaller dans le quartier une fois les travaux terminés.

 


 

"Mes enfants ne comprennent pas pourquoi je pars tous les jours au boulot."

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Ginette Erb, 31 ans, vendeuse au magasin des Jardins de la Montagne Verte.     ©Loana Berbedj

"Ici, je me sens bien. C’est un plaisir de venir le matin, sinon je ne serais pas restée." Depuis avril 2018, Ginette Erb travaille aux Jardins de la Montagne Verte, une structure de Koenigshoffen, qui aide à la réinsertion de personnes éloignées du monde du travail grâce à l’agriculture biologique. À 31 ans, cette Bischheimoise apprécie de voir les habitués franchir la porte du magasin, qu’elle gère avec deux autres vendeuses : "On a des clients sympathiques, j’aime le contact avec eux."

Avant Ginette Erb était mère au foyer. Ses enfants ont 5 et 9 ans, mais "ils ne comprennent pas pourquoi maman part tous les jours au boulot." Elle a choisi "par besoin mais aussi par envie" de recommencer à travailler. Mais sans l’aide de sa famille, elle n’aurait pas pu reprendre une activité professionnelle. "Le papa peut s’occuper des enfants, le papi et la mamie aussi; se réjouit-elle. Sinon, je n’aurais pas pu bosser à Koenigshoffen, je n’aurais pas été gagnante financièrement. J’aurais continué à m’en occuper."

Depuis son arrivée, Ginette Erb n’a pas pris un seul jour de congé. Pourtant, ses journées sont longues : "Je dois me lever à 6h55 pour être à l’heure au travail, je passe trois quarts d’heure dans le bus. Avant qu’ils modifient les lignes en septembre, je mettais une demi-heure. Maintenant, je prends d’abord la L3 à Bischheim puis j’attends 10 minutes aux Halles. Ensuite, je monte dans le bus 4 qui m’amène à Koenigshoffen."

Ginette Erb vient de renouveler son contrat de six mois. "Malheureusement, ils ne prennent pas les CDI. Dans un an et demi, je ne serai plus ici. Donc je suis obligée de me projeter plus loin. La vente ça me plaît bien." Elle aimerait continuer dans l’agriculture biologique : "Je ne m’en sentais pas du tout proche avant, mais on y prend goût !"

 


 

"La transformation du quartier lui a apporté une nouvelle vitalité."

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Jacqui Burger, 54 ans, employé à Orexad-Lévy, Parc des Forges.     ©Loana Berbedj

Jacqui Burger était adolescent lorsqu’il a commencé à travailler au Parc des Forges. C’était en 1980. Depuis 38 ans, il est employé chez Lévy et fils (aujourd’hui Orexad), magasin de fournitures industrielles. Il a connu le faste de l’époque Strafor : "C’était un de nos principaux clients, notamment en visserie. Le midi, on déjeunait à la cantine de Steelcase-Strafor. Forcément, cela a été compliqué lorsqu’ils sont partis."

Après la crise économique de la fin des années 2000, tout le parc a connu des difficultés. L’entreprise de cloison Clestra-Hauserman a également déménagé. Une entreprise britannique a racheté les terrains et réaménagé la zone.

"La transformation du quartier lui a apporté une nouvelle vitalité, avec des magasins, des habitations. Une salle de sport s’est installée, et à l’avenir, il y aura une école." Pour autant, Jacqui Burger ne vit plus ici : "J’ai longtemps habité de l’autre côté de l’autoroute, à cinq minutes à pied. Je faisais aussi de la lutte dans un club à Koenigshoffen." Mais depuis six ans, il a déménagé à Villé, près de Sélestat. Jacqui Burger se lève désormais à 5h du matin, avant de passer une heure dans les transports : "C’est un changement de rythme, mais pour un cadre de vie différent aussi."

 


 

"Il y a tout ce qu'il faut pour vivre."

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Simon Burgun, 38 ans, artisan luthier route des Romains.     ©Hugo Bossard

Au milieu des outils et des bouts de bois, derrière le fouillis de son établi et sa barbe rousse, Simon Burgun planche sur ses créations. Agé de 38 ans, ce Strasbourgeois est luthier. Dans son atelier, route des Romains, il fabrique et répare des guitares de manière artisanale. "Nous sommes environ 400 en France, dont cinq ou six à Strasbourg." Formé en Belgique, Simon Burgun est depuis revenu s’installer dans sa ville natale. Il y a 3 ans, il choisit Koenigshoffen, "un des derniers quartiers abordables de Strasbourg".

"Même si mes clients ne sont pas du quartier, j’y vis et donc j’y suis attaché, assure l’artisan luthier. A côté, il y a le café, la boulangerie ; la Poste n’est pas très loin, l’épicerie de nuit est juste en face, ma fille va à la crèche municipale… Il y a quasiment tout ce qu’il faut pour vivre."

Simon Burgun est aussi membre du STICK, une association destinée à la réparation de vélos, située au Parc Gruber. "Le parc participe au dynamisme du quartier. C’est un lieu qui permet les expérimentations. Ça grouille !" s’enthousiasme-t-il. Avec le STICK, l’artisan luthier milite pour que les aménagements de la nouvelle ligne de tramway soient cyclo-compatibles. Il souhaite même, "dans l’idéal", un cheminement pour vélos avec une différence de hauteur par rapport au trottoir.

 


 

"Souvent les gens ne connaissent pas Koenigshoffen."

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Anissa Gatluch, 20 ans, coiffeuse au Self’Coiff d’Esplanade.     ©Hugo Bossard

Anissa Gatluch est née à Koenigshoffen. Elle y a vécu toute sa vie et y vit encore avec sa famille. Après avoir travaillé pendant trois ans au Self’Coiff de Koenigshoffen en passant son diplôme, elle a intégré en août celui de l’Esplanade pour renforcer les effectifs. Le rythme est plus soutenu et elle connaît moins les clients du salon : "A Koenigshoffen, je connaissais la plupart des clients, je les croisais depuis l’enfance."

Son temps de trajet jusqu’à son travail a doublé et elle éprouve parfois des difficultés à stationner à l'Esplanade. Elle n’envisage cependant pas de prendre les transports en commun car elle mettrait encore plus de temps : "Le bus 4, c’est une catastrophe aux heures de pointe. Quand je travaillais à Koenigshoffen, je voyais beaucoup de gens déposer les personnes âgées en voiture car les transports en commun étaient trop longs pour eux. Ça démotive beaucoup de personnes de les prendre." Elle estime que l’arrivée prochaine du tramway est une bonne chose pour la dynamique du quartier et sa visibilité car "souvent les gens ne connaissent pas Koenigshoffen. Hautepierre ou Montagne-Verte sont plus identifiés."

Anissa Gatluch reste très attachée à son quartier : "J’aime bien Koenigshoffen, ça vit tout en étant calme. Il y a un esprit village qui est très agréable. On a des magasins, le centre commercial de Hautepierre à proximité. Après c’est vrai qu’en dehors de la route des Romains, on est un peu limité."

 


Fabien Albert, Judith Barbe, Hugo Bossard et Victor Boutonnat 

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