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Relocalisation des réfugiés : la Commission et le Parlement européen passent à l’offensive


18 mai 2017

La Commission européenne et le Parlement européen se sont penchés mardi 16 mai sur le plan de relocalisation de 160 000 demandeurs d’asile engagé en 2015. Les deux institutions envisagent de sanctionner les nombreux Etats membres qui ne le respectent toujours pas.

L'Union européenne a décidément bien du mal à gérer la crise migratoire. Il ne reste plus que quatre mois avant que le plan de relocalisation des migrants n'arrive à échéance. Celui-ci avait été proposé par la Commission européenne et adopté par les Etats en pleine crise migratoire en 2015. Au moment où l’Allemagne rétablissait les contrôles à ses frontières pour juguler l’afflux de demandeurs d'asile, il avait pour objectif de mieux répartir les nouveaux arrivants entre les différents Etats membres.

Deux ans plus tard, son application demeure très limitée. Sur les 28 Etats membres, cinq seulement respectent leurs engagements. 89% des 160 000 demandeurs d’asile éligibles au plan n'ont toujours pas pu être relocalisés. A l'occasion d'un débat au Parlement européen, mardi 16 mai, la Commission européenne, soutenue par une majorité de députés, a une nouvelle fois essayé de mettre les Etats réfractaires sous pression.

Il faut dire que sur le terrain, il y a urgence. En Italie, 43 255 migrants sont arrivés par la mer depuis le début de l'année 2017, soit 30% de plus que l’année dernière sur la même période. Avec l’été qui approche, le nombre d'arrivées devrait encore augmenter. Pour bon nombre de parlementaires européens, la situation est alarmante. « L'Italie est devenue le camp de réfugiés de l’Europe », a ainsi déploré Ignazio Corrao (EFDD, eurosceptique) lors du débat au Parlement.

La Commission met les Etats membres en garde

Dimitris Avramopoulos, commissaire chargé des migrations, a pour la première fois évoqué mardi 16 mai la possibilité d'ouvrir une procédure en infraction contre les Etats qui n’auront pas rempli leurs engagements d'ici un mois. Cette procédure peut aboutir à la saisie de la Cour de Justice européenne (CJUE) voire à l'adoption de sanctions.

La plupart des pays sont concernés. Un manque de volonté politique, des critères trop élevés comme le refus d’accueillir les hommes seuls ou certaines nationalités, sont autant de raisons qui expliquent les blocages et retards dans l'application du plan.

La Hongrie et la Slovaquie devant la Cour de Justice européenne

La Hongrie, la Slovaquie et la Pologne sont particulièrement visées par la mise en garde de la Commission. Ces pays refusent jusqu’à maintenant le principe même du plan de relocalisation. La Slovaquie et la Hongrie ont même déposé une plainte devant la CJUE contre les quotas de réfugiés. Le jugement de la Cour est attendu pour septembre 2017. 

« Je serais surpris que la Commission ouvre une procédure en infraction avant que la CJUE n'aie rendu sa décision », souligne le député hongrois Benedek Javor (Verts), très critique à l’égard de son gouvernement. « Si la Cour refuse de condamner la Commission, la Hongrie n’aura plus de prétexte pour échapper au plan de relocalisation. Dans ce cas, la Commission ressortirait beaucoup plus forte et pourrait imposer une procédure en infraction ».

Dans le cas inverse, la Commission n'aurait plus de légitimité à imposer les quotas aux pays récalcitrants. Certains doutent pourtant de l’efficacité de la procédure en infraction envisagée par le commissaire Avramopoulos. C'est le cas de Minos Mouzourakis, responsable juridique de l’ONG Conseil européen pour les réfugiés et les exilés : « Cette méthode est une moyen d’action inefficace. Je ne pense pas qu’elle aura un impact sur la position de la Hongrie. Une procédure en infraction a déjà été entamée contre le pays en 2015 et rien n’a évolué depuis ».

Les mineurs non-accompagnés, une priorité

Au Parlement européen, la majorité des critiques s’est concentrée sur les modalités d’accueil des mineurs non accompagnés. 5 000 mineurs isolés se trouvent actuellement en Italie. En Grèce, ils sont 1 230.

Jusqu’à maintenant, seule la Finlande accepte les mineurs sans distinction. De nombreux Etats, dont la France, appliquent encore d'importantes restrictions, en refusant par exemple d’accueillir des mineurs mariés. Des pratiques « honteuses » selon la députée allemande Ska Keller (Verts) qui espère cependant que « la procédure en infraction envisagée par la Commission servira justement à lutter contre ces abus ».

La résolution adoptée par le Parlement jeudi 18 mai insiste sur la nécessité de relocaliser en priorité les mineurs isolés et les personnes vulnérables. Il est cependant peu probable que ceux-ci puissent tous être pris en charge d’ici septembre 2017, la date butoir pour l’application du plan de la Commission. Cécile Kashetu Kyenge, eurodéputée italienne (S&D, socio-démocrate) s’insurge de cette situation : « Qu’adviendra-t-il après septembre 2017 ? Que fait-on de ceux qui restent ? Il faut voir plus loin et envisager une politique migratoire durable et pas seulement gérer l’urgence humanitaire ».

Augustin Campos et Margaux Tertre

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