17 mai 2017
Le Parlement européen a adopté mardi 16 mai à une large majorité un rapport visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. Les consommateurs et les industriels sont encouragés à limiter le gâchis.
« Il y a de la nourriture pour tout le monde. Mais tout le monde ne mange pas à sa faim », a résumé mardi 16 mai l’eurodéputée Michela Giuffrida (S&D, socio-démocrate) au Parlement européen réuni à Strasbourg. Dans l’Union européenne, 88 millions de tonnes de denrées alimentaires sont jetées chaque année alors que 55 millions d’Européens ne mangent pas à leur faim. Dans un rapport adopté à une large majorité (633 pour, 33 contre, 20 abstentions), les eurodéputés avancent plusieurs propositions pour remédier à cette contradiction et réduire de moitié le gâchis d’ici 2030.
Ce rapport est d’autant plus important que la Commission européenne tarde à lutter contre le gaspillage. Après l’adoption de quatre résolutions entre 2011 et 2016 pour inciter l’exécutif européen à agir dans ce domaine, le Parlement européen veut maintenir la pression politique. Fin novembre 2016, la Commission a lancé une plateforme européenne sur les pertes et le gaspillage, afin de recenser les bonnes pratiques et permettre l’échange d’expériences entre acteurs publics et privés. Une initiative insuffisante aux yeux de la Cour des comptes européenne qui a fustigé en janvier les actions « fragmentées et intermittentes » de l’exécutif européen en la matière. « Les efforts de la Commission n’ont pas été pris en compte », s’est toutefois défendu Vytenis Andriukaitis, le commissaire à la santé et la sécurité alimentaire, devant les eurodéputés.
De l’assiette à la poubelle
Qui sont les responsables du gaspillage ? En amont de la chaîne de vie des aliments, les agriculteurs subissent d'importantes pertes de production et donc de revenus. Outre la promotion des circuits courts et des coopératives, le rapport suggère d'intégrer la question du gaspillage à la prochaine réforme de la Politique agricole commune (Pac) après 2020. Pekka Pesonen, secrétaire général du syndicat agricole européen Copa-Cogeca, n’est pas opposé à ce principe de l’insertion de lutte "anti-gaspi" dans la politique communautaire. « Dans ce contexte de discussions sur la modernisation et la simplification de la Pac, les fermiers européens attendent des mesures qui améliorent la durabilité du secteur. Cela peut inclure la prévention des pertes », confirme-t-il.
Mais l’ensemble des denrées produites ne se retrouvent pas dans l’assiette du consommateur. Des normes européennes de commercialisation (taille, calibrage, aspect des fruits et des légumes) déterminent les produits acceptés sur le marché et ceux qui ne le sont pas. « Les normes de commercialisation qu’utilise la grande distribution ont un effet sur le gaspillage », fait valoir la députée française Angélique Delahaye (PPE, conservateur). C’est notamment le cas de certaines pommes, trop petites qui ne peuvent être commercialisées et sont donc souvent jetées.
Les ménages sont quant à eux responsables de plus de la moitié du gaspillage en Europe. « Nous avons besoin d’une campagne d’éducation pour responsabiliser les consommateurs, notamment pour expliquer l’expiration des produits », explique l’eurodéputée croate Biljana Borzan (S&D, socio-démocrate), rapporteure du texte. Selon elle, les Européens comprennent mal la différence entre les mentions « à consommer de préférence avant » et « à consommer jusqu’au » inscrites sur les produits. Les produits mentionnant « à consommer de préférence avant » partent à la poubelle alors qu'ils peuvent encore être consommés après la date fixée.
Encourager les dons
A l’autre bout de la chaîne, le rapport encourage l’assouplissement des législations nationales en matière de dons. Angélique Delahaye préconise ainsi d’« augmenter la capacité de dons aux associations d’aide alimentaire, concernant les produits frais par exemple ». Actuellement, dans certains pays (Espagne, Suède, Danemark), les donateurs doivent s’acquitter de la TVA, alors que jeter ne leur coûte rien. C’est pourquoi le Parlement européen invite la Commission à autoriser les exonérations fiscales sur les dons de nourriture.
« Les Etats membres doivent adopter des mesures de simplification, des incitations fiscales et financières et des accords volontaires pour promouvoir le don de nourriture ou de produits non alimentaires qui ne peuvent plus être vendus », avance Kinga Timaru-Kast, responsable de la communication d’Eurocommerce, représentant des détaillants et grossistes. Dans ce domaine, la “loi du Bon Samaritain”, adoptée en 2003 par l’Italie, fait figure d’exemple. Cette mesure limite la responsabilité pénale et civile de la grande distribution lorsqu’elle donne ses invendus aux banques alimentaires.
Johan Cherifi et David Henry
Photos : Pierre-Olivier Chaput et Pablo Guimbretière