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Brexit : des millions de citoyens en suspens


18 mai 2017

Donald Tusk a présenté devant le Parlement européen, mercredi 17 mai, les grandes orientations de la négociation à venir sur le Brexit. Le président du Conseil européen a défendu une sortie par étapes et a fait de la protection des citoyens la priorité des discussions avec le Royaume-Uni.

« Il est de notre responsabilité de protéger les droits des citoyens de l’Union et de leurs familles. Leur avenir dépend des négociations », a rappelé Donald Tusk, mercredi 17 mai, lors de sa présentation devant le Parlement européen des conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

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« Nous ne pourrons pas, sur ce sujet très grave qui touche la vie quotidienne et personnelle de beaucoup de familles, nous contenter d’une simple déclaration d’intention », abonde Michel Barnier, négociateur pour la Commission européenne. 

L’inquiétude des expatriés 

Actuellement, 3,16 millions de ressortissants européens vivent au Royaume-Uni et 1,22 millions de Britanniques sont installés dans l’un des 27 autres Etats membres. Autant « d’expats » laissés dans l’expectative et inquiets à l’idée de devoir renoncer à certains de leurs droits suite au Brexit.

Premier sujet de préoccupation, les libertés de circulation et d’installation des travailleurs. Au Royaume-Uni, près de 10% des médecins sont originaires d'un autre pays européen. Devront-ils quitter le pays après mars 2019 ? Le Brexit pourrait également remettre en cause la reconnaissance mutuelle des diplômes entre Etats membres, aujourd’hui protégée par « l’attestation de comparabilité  ». Enfin, beaucoup d'expatriés craignent de devoir renoncer aux prestations sociales, comme l’aide au logement ou la sécurité sociale.

Les 69 000 retraités britanniques installés en France redoutent particulièrement la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. « Nous nous sentons isolés, frustrés, mais nous continuons de nous battre, s’encourage Roger Broaden, fondateur du groupe de pression ECREU (Expat citizen rights in European Union), qui compte 8 600 membres. Si ma pension n’augmente plus, ma vie sera de plus en plus difficile. Nous aurons le même statut qu’un Australien (...) Ma femme est Irlandaise, pourrons-nous toujours aller librement en Italie, en Espagne ou en Irlande ? » Ce retraité britannique a posé ses valises au sud de Limoges il y a 15 ans. « L’Union européenne me reconnaîtra-t-elle comme une victime en me laissant ma nationalité européenne ? »

"Si les principes ne sont pas respectés, nous rejetterons l’accord"

20170518-AP illustation_brexit_1.jpgA l’instar de la Commission et du Conseil, le Parlement européen entend les inquiétudes des expatriés.

« Il faut trouver des solutions humainement acceptables. Quand je pense aux familles touchées, je suis inquiète », confie l’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux (S&D, socio-démocrate). De nombreux élus conditionnent leur vote sur l’accord final de sortie aux garanties obtenues à destination des ressortissants européens installés au Royaume-Uni. Le Parlement européen joue un rôle clé dans ces négociations. Il doit approuver l’accord par un vote à la majorité. « Si les principes ne sont pas respectés, nous le rejetterons », prévient l’eurodéputé britannique Richard Corbett (S&D, socio-démocrate). Gabriele Zimmer (Présidente de la GUE, gauche radicale) refuse d’attendre 2019. Soucieuse du maintien de leurs acquis sociaux et économiques, l’eurodéputée allemande, brandit la menace d’une résolution : « Des commissions parlementaires en charge des droits des citoyens préparent un document d’orientation qui pourrait donner lieu à une résolution si les négociations du Brexit s’avèrent insuffisantes en la matière. »

Pour l’heure, les négociations sont suspendues au calendrier électoral britannique. Les élections générales du 8 juin devraient assurer à Theresa May une large majorité. La Première ministre souhaite avoir les mains libres pour poursuivre les négociations jusqu’en mars 2019. Mais certains parlementaires n’arrivent toujours pas à se résoudre au Brexit. « C’était un simple référendum consultatif remporté d'une courte majorité et fondé sur des mensonges, regrette le travailliste Richard Corbett. Les gens ont encore le droit de dire qu’ils n’ont pas voté pour ça. »

Corentin Lesueur et Auberie Perreaut

Photos : Victor Guillaud-Lucet

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