Les quatre food trucks de la zone d'activité d'Eckbolsheim cherchent la bonne recette pour séduire essentiellement une clientèle professionnelle.
Midi passé de quelques minutes. Sur le parking de l’entreprise Fubat, au food truck Bagerhoff, quatre personnes s’approchent déjà pour commander. Sur une table qui leur est réservée, les employés de Fubat s’installent, sandwichs à la main. Bientôt, ceux des autres entreprises de la rue Guy Lussac se retrouvent devant le camion. Auto Live Alsace, Nettopneu, la clinique vétérinaire : chacun a pris l’habitude de déjeuner à Bagerhoff.
Le propriétaire, Nevzat Bagg, s’est installé dans la zone d’activité (ZA) d’Eckbolsheim en août 2025 après avoir fermé son restaurant de spécialités turques dans le quartier Bourse à Strasbourg. “J’ai voulu changer d’activité pour faire plus petit et me concentrer sur moi-même”, explique-t-il. Client de Nettopneu, il a appris qu’un emplacement était disponible à la location chez Fubat. “Quand j’ai vu que c’était une zone assez active, je n’ai pas hésité”, affirme-t-il.

Samet sert un employé de Fubat. Il remplace son père, Nevzat Bagg, à la tête de Bagerhoff pour la journée. © Bertille Lietar
Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir investi la ZA. Tous les mercredis depuis six ans, sur un emplacement loué auprès de la mairie, Jérémy Lekieffre gare son Dernier Truck avant la Faim du Monde. “Si je reviens, c’est que ça marche ! C’est le seul endroit où je travaille qu’une heure.” Il sert en moyenne une trentaine de clients le midi, avec un succès marqué pour l’onglet de bœuf à 12 euros. Il est vrai qu’avec 515 entreprises et 2 941 emplois, la ZA d’Eckbolsheim promet des perspectives intéressantes.
Pour les clients, « s’il y a plus de choix, c’est mieux »
Beaucoup de clients y voient une alternative aux chaînes de fast food et aux salades du supermarché. Pour Jean-Marie, comptable au cabinet Zorgniotti, “l’avantage, c’est la rapidité et la proximité”. Un avis partagé par Louise et Kristell, auxiliaires vétérinaires, qui courent souvent entre deux urgences à la pause déjeuner.
Les food trucks séduisent même au-delà de la ZA. Devant le camion de Jérémy Lekieffre, un chauffeur routier de passage et les gendarmes de Wolfisheim, des habitués, s’arrêtent pour manger. Nezvat Bagg ne cache pas sa fierté d’avoir réussi à attirer des fidèles de son ancien restaurant de Strasbourg : “Je fais se sentir les gens chez eux. Donc, même si c’est dans une zone industrielle, ils viennent.”

Comme tous les mercredis, Jérémy Lekieffre a déjà terminé son service à 12h45. © Bertille Lietar
Une cohabitation viable entre trucks et entreprises
Entre food trucks, la concurrence reste limitée. Bien qu’ils soient quatre à stationner sur un secteur réduit de la ZA, ils ne sont que rarement présents en même temps. C’est d’ailleurs une stratégie commerciale. “Si tu n’es là qu’une fois dans la semaine, tout le monde vient. Tu provoques l’envie”, souligne Jérémy Lekieffre. Un système viable pour les restaurateurs qui déplacent leur camion autour de Strasbourg le reste de la semaine. Présent tous les jours, Bagerhoff fait figure d’exception. Sandwichs, tantuni, plats du jour : son atout, la diversité de sa carte.
Certaines entreprises de la ZA, comme le centre de formation UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), cherchent même à faire venir des food trucks. Depuis avril 2025, l’enseigne Un Truck au Four loue un emplacement sur leur parking. L’établissement, qui peut accueillir jusqu’à 200 personnes sur une journée, selon Jonathan Gangloff, un des employés, est une aubaine pour la pizzeria : “Les premières fois, il a fait du chiffre grâce à nous. Maintenant il est connu et ça fonctionne.”
Une attractivité aléatoire dans la ZA
Cependant, tout peut se jouer à quelques mètres. Juste à côté, l’entreprise de nettoyage Sonetmo peine à pérenniser l’installation de food trucks sur son parking. Don Carlo, pizzaïolo, venait tous les mardis devant la boutique. Un emplacement “trop caché” selon lui, à l’origine d’un manque d’affluence, qui l’a poussé à partir après seulement trois mois d’activité. Pour les restaurateurs, la ZA n’est pas toujours perçue comme rentable. “On a contacté une association de food trucks qui a refusé de venir”, explique Nicolas Vorburger, président de Sonetmo.
L’offre de l’entreprise est pourtant alléchante. “Ils ne paient pas de loyer et nous, ça nous permet d’avoir plus de visibilité. C’est vraiment donnant-donnant”, précise Nicolas Vorburger. Vachement Bon, un truck de burgers, a ainsi tenté sa chance en remplaçant Don Carlo en octobre 2025. Laura Beauguitte, sa gérante, connaissait l’endroit : “On était déjà dans la zone l’année dernière, sur un emplacement public. Mais avec les travaux d’arrivée du tram, on a vraiment vu notre chiffre baisser.” Avec des premiers services d’une quinzaine de burgers, elle espère que les ventes décolleront d’ici l’année prochaine.
Également président de l'Association des entreprises de la zone d’activité, Nicolas Vorburger souhaite développer un site internet pour “se renseigner sur ce qu’il y a à manger dans la zone”. L’objectif : aider les food trucks à se faire connaître, tout en créant plus de cohésion entre les entreprises.
Bertille Lietar et Enora Moreau
Localisation des food trucks de la zone d’activité d’Eckbolsheim. © Enora Moreau