Dans les communes voisines d’Eckbolsheim et de Wolfisheim, l’équitation sort de ses codes. Au club hippique Saint-Hubert, c’est le sport collectif qui prédomine avec le horse-ball, tandis qu’avec Horse’up, le cheval accompagne les personnes en situation de handicap.

Sylvie monte Fanjo avant sa séance hebdomadaire d’équitation adaptée. © Baptiste Demagny
Wolfisheim : Vers de nouveaux possibles
Derrière les platanes qui entourent le fort Kléber, l’équitation ne se résume pas à la performance sportive. Horse’up se veut un lieu de reconstruction. Pour Clara Bertrand, devenue paraplégique en 2019, remonter en selle marque une renaissance : “C’est la première fois que je remonte sur un cheval sans mes jambes. C’est magique.” La jeune entrepreneuse raconte que dès les premiers trots, son réflexe a été “de lâcher les mains pour avoir la sensation de voler”. Dans les écuries, le manège ou sur le paddock, l’animal devient l’extension d’elle-même. Un partenaire qui lui permet de se sentir à nouveau capable.
Pour Sylvie, 67 ans, le cheval est un moyen de se reconstituer tel un “puzzle” brisé lors de son accident survenu en 2021, selon sa propre métaphore. Tout en donnant des carottes à Fanjo, sa monture au poil couleur caramel, la retraitée explique : “L’équitation adaptée m’aide à me retrouver et à ne plus penser au pire.” Ici, le cheval devient à la fois soutien moral et moteur physique pour les bénéficiaires du club.
L’équitation adaptée ne se pratique jamais seule. “Ce qui compte, ce n’est pas uniquement ce qu’on fait à cheval, c’est tout ce qu’il y a autour”, insiste Jenny D’Arcy, monitrice et fondatrice de Horse’up, observant les cavaliers qui harnachent leurs montures. Dès son premier cours, Clara Bertrand a apprécié une entraide spontanée. “Les gens viennent t’aider et ça casse une barrière, ça ramène du lien social”, souligne-t-elle. Une solidarité qui se manifeste aussi bien à l’installation du matériel qu’à la montée sur le cheval, grâce au lève-cavalier. Jenny le constate aussi auprès d’autres publics, comme les femmes atteintes d’un cancer du sein qu’elle accompagne avec l’association Cocci Elles Roses : “Elles aiment le moment où elles préparent les chevaux. Elles discutent entre elles, parlent de leurs histoires.” Le centre est l’une des seules structures spécialisées en Alsace. Une rareté qui explique pourquoi les bénéficiaires du club viennent de tout le département pour s’y rendre.

Les joueurs de horse-ball s’exercent à faire des passes lors de leur entraînement hebdomadaire. © Alice Billia
Eckbolsheim : L’esprit d’équipe par excellence
L’odeur de foin emplit les écuries du centre équestre Saint-Hubert à Eckbolsheim, seul club d’Alsace à proposer des entraînements de horse-ball. Comme chaque lundi soir, les joueurs s’affairent autour de leurs chevaux avant de se rendre au manège : étrillage, installation de la selle, nettoyage des sabots. Les règles du horse-ball sont simples. Deux équipes mixtes de six s’affrontent en se faisant des passes afin de marquer des buts dans des filets fixés en hauteur. Tout cela sans jamais descendre de cheval, même pour ramasser la balle au sol.
Bombe sur la tête, Margot, 33 ans, cajole sa monture. Cela fait bientôt cinq ans qu’elle s’efforce de “créer un lien avec le cheval pour ne faire qu'un”. Les cavaliers dirigent l’animal avec leurs jambes et lâchent les rênes afin d’avoir les mains libres. “Il faut qu'on fasse 100 % confiance au cheval”, souligne-t-elle.
Dans le box voisin, Alix, une coéquipière de 14 ans sa cadette, approuve : “On est moins présent dessus, on a le ballon en main. S'il n'y a pas un minimum de compréhension avec le cheval, c'est beaucoup plus compliqué.”
Pour Jean-Luc Docremont, leur moniteur, le horse-ball est un sport d’équipe, comparable au rugby. Contrairement à d’autres disciplines équestres qui sont des “pratiques plutôt individuelles”, le horse-ball développe “un esprit collectif chez les cavaliers. Malgré l’affrontement, tout le monde se retrouve sur le terrain”, ajoute celui qui enseigne à Eckbolsheim depuis vingt-cinq ans.
Selon Thibault, horse-baller depuis trente-cinq ans, cette activité permet aussi aux chevaux de s’épanouir : “Un cheval qui peut sembler un peu éteint n’est pas le même en horse-ball. Il est réveillé. C'est parce qu'il y a un côté troupeau. Ça ravive son instinct.”
Alice Billia et Baptiste Demagny

© Alice Billia et Baptiste Demagny