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L'urbanisation de Wolfisheim entraîne l'arrivée de nouveaux habitants attirés par un cadre rural préservé. Une aubaine pour les promoteurs immobiliers, un crève-cœur pour les Wolfisheimois de toujours.

De son balcon, Alain respire le grand air, profite du calme et observe les champs qui s’étendent au pied de son immeuble. Cet ex-propriétaire dans le quartier de Hautepierre à Strasbourg est arrivé à Wolfisheim, un peu par hasard, après s’être vu octroyer un logement social il y a deux ans. Et “pour rien au monde” il ne quitterait son cadre de vie. “Ça me change de la ville où la circulation m’empêchait de respirer, décrit l’homme de 56 ans. En plus ici, je connais mes voisins, je promène mon chien dans la nature, je revis.”

Le néo-Wolfisheimois vit au Verger du fort Kléber, un lotissement sorti de terre en 2023 à l’ouest de la commune. Béton clair, garde-corps métalliques, angles droits : onze immeubles aux façades lisses forment un ensemble aligné le long d’un champ à quelques encablures des traditionnelles maisons à colombages du centre.

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Fraîchement arrivé à Wolfisheim, où il vit dans un logement HLM, Alain savoure la proximité des champs © Naelysa Boubtita

Deux kilomètres à l’ouest de la capitale alsacienne, Wolfisheim – littéralement le “village des loups”, en alsacien – n’est plus la bourgade isolée de naguère. “Avant, il y avait des vaches, maintenant c’est la ville ici”, regrette Carine, retraitée depuis deux ans. “Un jour il n’y aura plus de paysans, plus de fermes”, décrit-elle avec nostalgie. Depuis ce 15 novembre, l’arrivée du tramway marque une nouvelle étape de l’intégration de la commune à l’aire métropolitaine. De 1 700 habitants dans les années 1960, Wolfisheim compte aujourd’hui près de 4 400 âmes. Ces dix dernières années, treize programmes immobiliers y sont sortis de terre. 

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Cartographie de l'immobilier et des espaces boisés à Wolfisheim © Naelysa Boubtita et Clément Vaillat

“Le village niché dans un cadre de verdure rare” est devenu l’argument phare du promoteur Cogedim, pour vendre ses logements construits en bordure de champs, rue du Général Leclerc. Plus loin sur cet axe, le constructeur Stradim a aussi usé de cette image, qui a séduit Marie-Ange, venue chercher à Wolfisheim “une atmosphère de village et un écrin de nature”.

La retraitée, résidente du centre-ville de Strasbourg pendant cinquante ans, s’est installée dans la commune après le décès de son mari. “Ici, je me balade deux fois par jour le long de la Bruche, je me sens vraiment en pleine nature”, explique la septuagénaire, un large sourire aux lèvres.

Les alentours forestiers de la Bruche offrent un “biotope d’intérêt particulier”, selon le conservatoire botanique Alsace-Lorraine, et constituent l’une des spécificités de la ville. “Dans une volonté de protection du milieu naturel, nous rachetons toutes les terres qui se vendent au sud, le long du cours d’eau dans un but de préservation, explique Maurice Saum, adjoint à l’urbanisme. La commune a deux identités : ce milieu campagnard et notre côté villageois.”

La résistance au dortoir

Au bar PMU “Chez Max”, où les habitants de toujours ont l’habitude de se retrouver, la transformation urbaine ne suscite pas l’enthousiasme. Bernard, “né sur la  commune”, se moque gentiment de “ces maisons Playmobil sans identité”. Ces “anciens” sentent leur fibre rurale s’affaiblir à mesure que les nouveaux ménages viennent chercher cette atmosphère de “village”. Les couples d’une quarantaine d’années avec enfants et les personnes âgées forment l’essentiel des acheteurs, confirme Mathieu Beyer, agent immobilier à Wolfisheim depuis quinze ans. “C’est le côté vert et campagne qui attire d’anciens citadins de Strasbourg”, explique l’entrepreneur de 49 ans. “Les gens se sentent loin de la ville, en étant tout proches.”

L’expansion démographique de Wolfisheim reflète une dynamique plus large. En France, les secondes couronnes des grandes agglomérations connaissent une urbanisation accélérée, selon un rapport de France Stratégie. “L’atout de Wolfisheim est qu’elle ne se transforme pas en ville-dortoir”, pondère Benoît Vimbert, directeur de recherche à l’Agence de développement et de l’urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise. “La plupart des services y sont disponibles comme en ville, tout en gardant son esprit de village.” Rose et Elsa, adolescentes natives du village des loups, résument : “Ici, c’est un peu l’entre-deux : on a tout.”

Naelysa Boubtita et Clément Vaillat

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