Dans leurs instituts de beauté d’un nouveau genre, Emma Fischer et Mandy Cardoso Vaz proposent des prestations inspirées des tendances en vogue sur les réseaux sociaux. Un univers bien différent de celui des salons d’esthétique traditionnels.
En passant la porte de la Maison des Cils, on pénètre dans un univers instagrammable : couleurs claires, coussins aux motifs imprimés en forme de faux cils, néon accroché au mur. Des fauteuils entourent une petite machine à café posée sur la table basse en bois. Derrière son comptoir, Emma Fischer conseille une mère et sa fille sur une gamme de faux cils à poser à la maison.
La jeune femme de 23 ans a lancé son activité en s’associant à un salon de coiffure à Haguenau. Puis en février 2024, elle s’installe dans le centre-ville d’Eckbolsheim. Son père finance le projet. Il achète le local, anciennement occupé par le fleuriste Bande à part, ainsi que l’appartement, situé à l’étage. La technicienne en extension de cils les lui loue. Pour les travaux, Emma Fischer sort de sa poche 4 000 euros.
À Wolfisheim, Mandy Cardoso Vaz, 22 ans, vient d’ouvrir son enseigne sous le nom “MCBelezaa”. À l’instar de la Maison des cils, sa boutique reprend les codes des décors présents sur les réseaux sociaux. Spécialisée dans le soin des ongles, elle sous-loue une partie de son salon à une esthéticienne et une masseuse. La jeune femme s’est lancée il y a deux ans dans l’onglerie : “Au début, je me demandais comment ça allait fonctionner, puis je me suis spécialisée dans le nail art, ce qui m’a permis d’attirer ma clientèle”.
Des formations éclairs
Auparavant, la jeune femme était auto-entrepreneuse. Un statut qu’elle a délaissé pour créer sa propre société, ce qui lui permet de payer moins de cotisations sociales. “Je ne paye que l’Urssaf, ce qui représente 22 % de mon chiffre d’affaires.” Elle veille à ne pas dépasser le seuil de 77 000 euros par an pour éviter de trop contribuer. Ses parents l’ont épaulée, sa mère qui est assistante comptable l’a conseillée.

Mandy Cardoso Vaz effectue un remplissage sur une cliente. Selon la prestation, le service coûte entre 40 et 50 euros. © Antoine Dana
Mandy et Emma incarnent cette nouvelle génération d’entrepreneuses dans le monde de la beauté. D’ailleurs, les deux jeunes femmes se connaissent bien : Emma a partagé un temps son local avec Mandy, avant que cette dernière ne déménage pour un espace plus grand. Présentes sur Instagram et TikTok, les deux jeunes femmes se servent de leurs publications pour attirer une nouvelle clientèle. “J’ai commencé mon activité en étant en partenariat avec une influenceuse strasbourgeoise. Je lui faisais ses ongles et les filles qui la suivaient venaient chez moi après”, raconte Mandy.
MCBelezaa et la Maison des cils sont des commerces axés autour d’un seul type de prestations, le nail art et la pose de faux cils, qui ne nécessitent pas de diplômes. Emma et Mandy se sont formées en seulement quelques jours. “Pour pouvoir me lancer dans l’onglerie, j’ai suivi une formation d’une semaine à Strasbourg”, confie Mandy, son certificat de formation fièrement exposé derrière son bureau. Quant à Emma, elle a suivi la formation “cils à cils” qui ne dure qu’une journée. “On peut ouvrir un salon sans diplôme, ce n’est pas un problème”, affirme Emma.
Les sept instituts de beauté à Wolfisheim et Eckbolsheim. © Chloé Laurent et Antoine Dana
Cependant, les deux entrepreneuses ne sont pas autorisées à réaliser certaines prestations esthétiques réservées aux titulaires d’un CAP et d’un brevet professionnel, dont les épilations, qui sont proposées dans quatre des cinq autres instituts présents dans les deux communes.
Deux visions différentes du métier
Situé à quelques centaines de mètres de la Maison des cils, L’Institut propose ce genre de prestations. “Ça fait quarante ans que je suis dans le métier, j’ai vu l'évolution de l’esthétique à travers les années”, affirme Claudine Fanchini, la gérante. Des tableaux qu'elle a peints elle-même ornent les murs de son salon, un vase rempli d’une collection d’échantillons de parfums vintage trône sur un des meubles. Son commerce a ouvert en 2007 à la place d’une ancienne cordonnerie. Elle y propose des cures d’amincissement, des massages, des soins du corps et du maquillage permanent.
Claudine regrette les changements que connaît la profession, notamment la facilité avec laquelle on peut apprendre certaines techniques de l’esthétisme. “Aujourd’hui, on peut se former sur YouTube grâce aux tutos. On peut tout faire avec internet : acheter des dermographes, des pigments.” Selon elle, il existe une fracture avec les “petits instituts qui se développent en proposant des cils, ongles et blanchiments dentaires”. Ces commerces, qui reposent sur des modes, seraient éphémères. “Je les ai vus ouvrir et fermer”, affirme-t-elle. Une vision que ne partagent pas Emma et Mandy. “Pour les ongles, on disait que c’était éphémère. Pourtant ça fait des années que ça perdure”, se défend Emma.
Malgré l’implantation de ces instituts de beauté, aucune des gérantes ne semble craindre la concurrence. “Il y a de la place pour tout le monde, on a toutes des clientèles différentes, qui ont des âges différents”, soutient Claudine.
Chloé Laurent et Antoine Dana

Claudine Fanchini s’est installée dans un local d’une ancienne cordonnerie qu’elle a rénové elle-même. © Chloé Laurent