À Wolfisheim, L’Aigle “Chez Max” reste le dernier bar où se rencontrer. Discussions autour d’un verre et jeux à gratter rythment la vie de l’établissement et permettent aux clients de rompre la solitude. Maxime Schell, son gérant, tente d’élargir sa clientèle.
Coup de sifflet de l’arbitre, le Racing Club de Strasbourg mène 1-0 à la mi-temps. Soulagés, quelques supporters profitent de la pause pour commander une nouvelle bière et refaire le match. C’est “Chez Max” à Wolfisheim, qu’une vingtaine d’hommes, les yeux rivés sur la télé, se retrouvent pour supporter leur équipe de football en déplacement en Suède, ce 6 novembre.
Ouvert à la fin du XVIIIe siècle, À L’Aigle, devenu en 2015 le bar L’Aigle “Chez Max”, est le vestige d’une époque où six auberges cohabitaient dans la commune. Ce soir, rue de la Mairie, ne reste que le néon rouge de l’enseigne pour tenir tête aux lampadaires. “Ici, il n’y a rien d’autre !”, regrette Denis, habitant du village. Invité par une amie, il vient pour la première fois.

Alix Gremmel et Maxime Schell, gérants du bar, discutent avec un client. © Arnaud Fischer
“On est un peu les irréductibles Gaulois, on espère que ça va durer encore quelques années”, explique le propriétaire Maxime Schell, dit Max. Lorsque ses parents partent à la retraite à la fin des années 2000, Max s’estime trop jeune pour leur succéder. Le lieu connaît alors une valse de trois propriétaires en quelques années. C’est en 2015, après avoir terminé ses études, que Max reprend les rênes de l’entreprise à seulement 24 ans, avant d’être rejoint par sa compagne, Alix Gremmel, il y a quatre ans.
Derrière son bar, la gérante salue un client par son prénom. “On les considère comme de la famille, tout le monde s’entraide, c’est assez incroyable, glisse-t-elle, en décrivant un métier où le social se joint au commerce. Il faut aimer les gens, on fait souvent office de psychologue.”
Un ticket à 20 000 euros
À l’écart de la nervosité du match, des clients profitent de cet établissement comme dernier lieu de rencontre. “Ici tout le monde se connaît”, s’enthousiasme Zina Bachelet, une habituée. “Je trouve important qu’il y ait ça dans un village”, déclare Marie-Laure Le Solleu. Attablée avec des proches, elle sort une pièce et gratte un Cash en prévenant : “Je perds tout le temps.”
Attaché à la convivialité, Max ne ferme aucune porte pour maintenir son affaire en vie. Affilié depuis plus de quarante ans au Pari mutuel urbain (PMU) et plus récemment à la Française des jeux (FDJ), le bar est rémunéré par des commissions sur les paris hippiques et jeux d’argent, respectivement 2 % et 5,2 % des ventes. Une manne de 20 000 euros de chiffre d'affaires annuel. Un produit d’appel pour les ventes de boissons qui rapportent dix fois plus : “On ne pourrait pas faire sans, ça attire des gens qui consomment après.” Il y a deux ans, Max s’est vu refuser par les douanes sa demande d’élargir son offre au tabac. Il déplore que les buralistes environnants aient le droit de proposer des boissons : “Ça me prend un peu de clientèle, je trouve ça un peu injuste.”

Le bar est affilié au PMU et à la FDJ. © Thibault Schoepf
État des bars et auberges à Wolfisheim. © Arnaud Fischer et Thibault Schoepf
À la recherche d'une nouvelle clientèle
Si l’établissement se porte bien, sa clientèle est vieillissante et les habitudes évoluent. “Les gens consomment beaucoup moins”, constate le patron, qui y voit un effet de la baisse du pouvoir d'achat et des campagnes de prévention sur la consommation d’alcool.
Les PMU souffrent aussi d’une mauvaise réputation. “Les gens s’imaginent que c’est le rade pourri avec les alcoolos accoudés au bar qui hurlent”, déplore Alix Gremmel. Pour se départir de cette image, le lieu a fait peau neuve en août. Comptoir en bois clair et mur végétal, il espère attirer une clientèle plus familiale et féminine. “Nos petits papis, au bout d’un moment, ils ne viendront plus, donc il faut aussi qu’on puisse attirer d’autres personnes”, justifie Alix.
Une affiche à l’entrée annonce un karaoké vendredi soir. Les gérants misent sur l’organisation de soirées à thème, une terrasse accueillante et une communication rajeunie sur les réseaux sociaux.
Le Racing et “Chez Max” partagent un même partenaire, la marque de bière Kronenbourg. Grâce à elle, le bar est un des “QG” officiels du club strasbourgeois. Résultat selon Max : “Une hausse de la fréquentation de 25 à 30 % les soirs de diffusion.” Ce jeudi soir, les joueurs strasbourgeois l’ont emporté en Suède. Les supporters quittent les lieux, soulagés, le porte-monnaie délesté d’une dizaine d’euros. Ils reviendront vite “Chez Max” pour un prochain match, d’autres discussions et un amer.
Arnaud Fischer et Thibault Schoepf