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Icône sportive dans le monde arabe, la taekwondoïste participera aux Jeux de Paris 2024. Actuellement numéro deux mondiale dans la catégorie des moins de 67 kg, elle est une des principales rivales de la Française Magda Wiet-Hénin.

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Les Jeux olympiques seront la dernière occasion d'aller chercher une médaille pour Julyana Al-Sadeq. © Océane Caillat

Dans un dojo au cœur de la capitale, les  casques et plastrons s’entassent sur le tatami. Quelques hommes s’échauffent bruyamment. Dans cet univers martial apparaît soudainement une frêle jeune femme. C’est à ses 8 ans que Julyana Al-Sadeq a goûté pour la première fois au combat. Incitée par son père, professeur de taekwondo à Amman, elle troque ses habits de gymnaste pour enfiler son premier dobok, la tenue portée par les taekwondoistes. « Je réussissais à battre les garçons mais on était des enfants, ça ne comptait pas vraiment », se remémore-t-elle.

Si aujourd’hui à 29 ans, elle peine encore à le reconnaître, Julyana Al-Sadeq impressionne déjà par son potentiel. Trois ans après avoir donné ses premiers coups, elle reçoit sa ceinture noire à l’âge de 10 ans. L’histoire aurait pu s’arrêter là car elle se blesse alors à la cheville et cesse de combattre pendant trois ans. Un éloignement que va rompre son frère aîné, Yazan Al-Sadeq, en devenant champion du monde junior. « Je me suis dit que si lui était champion du monde, je pourrais aussi l’être », se souvient Julyanna Al-Sadeq. Un an après son retour sur les tatamis, l’adolescente de 16 ans rejoint l’équipe nationale. Très vite, elle se fixe comme objectif de participer aux Jeux olympiques (JO) de 2016. Sans succès. « Ça a été très dur de l’accepter, j’étais incapable de penser à autre chose. Cet échec m’a beaucoup affectée mentalement », admet-elle. L’année suivante, le diagnostic tombe. Elle souffre d’hyperthyroïdie, un dérèglement hormonal qui peut avoir des conséquences sur l’énergie musculaire et le rythme cardiaque.

Une préparation mentale très précieuse

Déterminée à rebondir et à entamer un nouveau chapitre, Julyana Al-Sadeq opte pour un nouvel entraîneur, Faris Al-Assaf. L’homme est connu pour avoir coaché le taekwondoïste Ahmad Abughaush, devenu en 2016 le premier champion olympique du pays. Autre changement, la jeune femme entame une préparation mentale qu’elle estime très précieuse : « Cela a tout changé à ma façon de me battre. J’ai tellement progressé. »

La recette est gagnante. Elle devient en 2018 la première femme arabe à remporter une médaille d’or aux Jeux asiatiques dans la catégorie des moins de 67 kg. Avec cette victoire historique, Julyana Al-Sadeq, toujours vêtue de son hijab, se hisse au rang de modèle pour toute une génération de femmes arabes et musulmanes.

« Je reçois tellement de messages de leur part. Je suis très fière de ce rôle d’autant plus si j’arrive à inspirer d’autres femmes », confie-t-elle timidement. Cette consécration lui permet d’être porte-drapeau de la Jordanie aux Jeux olympiques 2021 à Tokyo, desquels elle reviendra bredouille.

Faire abstraction des remarques

Symbole dans tout le monde arabe, elle est loin de faire l'unanimité dans son propre pays. La jeune femme est encore la cible de nombreuses critiques venant principalement des hommes. « La majorité des Jordaniens ont des propos très conservateurs sur les femmes taekwondoïstes car ils estiment que ce n’est pas fait pour elles », regrette-t-elle. « Beaucoup jugent que je n’ai pas le physique pour faire du taekwondo. Comme c’est un sport de combat, ils s’attendent à ce que je sois ultra musclée, c’est inimaginable que je sois une fille. »

Très soutenue par sa famille, Julyana Al-Sadeq a appris à faire abstraction de ces remarques. Elle se concentre désormais sur son prochain objectif, les Jeux olympiques 2024, où sa principale rivale sera la Française Magda Wiet-Hénin. « C’est ma dernière chance », s’exclame-t-elle. La taekwondoïste mettra fin à sa carrière à son retour de Paris mais ne manque pas de projets. Elle espère fonder une famille et ouvrir sa propre académie de taekwondo avec son père et son frère : « Je vais prêter une grande attention aux petites filles qui rêvent de devenir championnes. »

Océane Caillat

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