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Dans son restaurant familial Beit Sitti, à Amman, la cheffe jordanienne Maria Haddad propose des cours de cuisine traditionnelle et promeut l’emploi des femmes. Dans cette école du fourneau, les langues et les cultures gastoronomiques se mélangent.

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Dans son restaurant, la cheffe Maria Haddad emploie des femmes venues d'ailleurs, d'où un mix bienvenu en cuisine. © Azilis Briend

Elle s’est maquillée « pour l’occasion » , dit-elle en riant. Maria Haddad, 40 ans et co-gérante de Beit Sitti, (Chez Mamie en français), nous invite dans un intérieur où les photos de familles se mêlent aux vieux ustensiles de cuisine et aux odeurs de fleur d’oranger et de sumac, une épice du Moyen-Orient. Dans le quartier bohème de Weibdeh, à Amman, un petit village de commerçants et d’artistes où vivent de nombreux expatriés, Maria Haddad et ses sœurs, Dina et Tania, ont réhabilité une charmante bâtisse des années 1940.

Installées depuis 2010, ces trois sœurs issues de la bourgeoisie jordanienne ont créé un temple de la gastronomie, prisé des touristes du monde entier et des Jordaniens les plus fortunés, venus manger et… cuisiner. « Il fallait qu’on trouve un concept où le convive puisse déguster et vivre un moment unique autour de la cuisine arabe en mettant également la main à la pâte » , explique Maria Haddad, servant un verre de sa limonade parfumée à la fleur d’oranger.

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Les deux réfugiées, Oum Mohammad et Oum Nabeel, aident Maria Haddad pour les cours et la cuisine. © Azilis Briend

La cheffe a fait de sa passion pour la gastronomie son métier. Une exception en Jordanie lorsque l’on est une femme. Après avoir étudié le marketing, travaillé dans la publicité, vadrouillé en Angleterre et au Canada en tant que cheffe, elle décide de retourner vivre à Amman et de créer son propre restaurant. Aujourd’hui, c’est activité team building en cuisine avec une vingtaine d’employés d’une entreprise de communication. Ils débourseront entre 35 et 50 JOD par personne, soit entre 39 et 65 euros.

Briser les barrières linguistiques

Dans la culture jordanienne, et arabe en général, la cuisine a une place très importante. « La première chose que ma mère me demande quand elle m’appelle, c’est ce que j’ai mangé. C’est un moyen de montrer notre affection », livre la cheffe animée par les discussions autour de la préparation d’un plat ou autour d’un repas. « Ainsi, les barrières linguistiques et sociales sont brisées », ajoute-t-elle. Un combat que menait déjà sa grand-mère, engagée dans le bénévolat dans les années 1940 : « Déterminée, elle souhaitait montrer que les femmes sont tout aussi puissantes que les hommes et qu’elles avaient droit d’avoir leur chance. » Beit Sitti est plus qu'une simple école de cuisine : c'est un lieu où les identités sont multiples et où les employées, des femmes venues de pays comme l’Egypte, l’Irak, la Syrie ou la Palestine partagent leur culture et tissent des liens avec les convives autour du même amour de la cuisine. Que ce soit en soutenant des initiatives locales en faveur des femmes, notamment un partenariat avec l’une d’elles qui produit des épices comme le zaatar ou de l’huile d’olive, mais aussi à travers les cours que les cheffes animent.

Même si la Jordanie s'est développée dans l’emploi des femmes en cuisine, celles-ci restent trop peu nombreuses. « Si la plupart ont du mal à trouver un emploi, elle leur donne la possibilité de gagner leurs vies et d’emmener leurs enfants, si besoin », explique la cheffe qui met fin à l’entretien. Il est midi. « Les convives arrivent, yallah ! (Allons-y) », s'écrie-t-elle. À l’abri du soleil, les apprentis cuisiniers s’installent sur la terrasse et enfilent leur tablier avant de passer à la confection du repas. Au menu : maakloubeh et musakhan rolls, plats emblématiques de la Palestine, d’où vient la cheffe d’Oum Mohammad, qui prépare du thé à la menthe pour ses invités. L’arabe se mêle à l’anglais et les premiers rires éclatent. 

Azilis Briend

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