Le maire sortant, Marcel Bauer, voit sa réélection contestée par l'opposition et son ancien adjoint.
Sélestat et son maire Marcel Bauer s'apprêtent à faire face à une élection plus disputée qu'à l'accoutumée. / Photo Hugo Bossard
Sélestat et ses 20 000 habitants n’avaient plus connu d’élection aussi disputée depuis 2001. Sur la ligne de départ cette année, quatre listes dont celle du maire sortant de droite, Marcel Bauer qui espère rempiler pour un quatrième mandat consécutif. Face à lui, Denis Digel, candidat dissident et ex-adjoint en charge des forêts, a décidé de présenter sa propre liste. De l’autre côté de l’échiquier politique, Caroline Reys, soutenue par Europe Écologie les Verts, retente sa chance après la campagne de 2014. Jean-Marc Kastel-Koffel mène de son côté une liste citoyenne avec l’appui du Parti socialiste, des Insoumis et des gilets jaunes dont il fait partie.
Quatre listes donc, et des candidats qui ne cachent pas leurs inimitiés. Caroline Reys, chef de file de l’opposition depuis six ans au conseil municipal, indique avoir « hésité à se représenter après ces années éprouvantes dues à l’indifférence, au mépris et au sentiment d’extrême supériorité du maire » à son égard. « Je ne suis pas Sélestadienne de souche, je suis une femme, je pense que tout ça joue beaucoup, dit-elle. En 2014, les attaques étaient très basses, il faisait allusion à ma blondeur, c’était extrêmement mesquin. » Ça vole bas et ça mitraille. Marcel Bauer, pas le moins du monde perturbé, répond simplement qu’il a « du mal à travailler avec des gens qui attaquent, ne sont pas constructifs et nous mettent en porte-à-faux. Peu de personnes peuvent travailler avec elle ».
« Le seul projet de M. Digel est de me déloger »
Le maire emblématique de Sélestat a néanmoins vu sa figure contestée, notamment lors de la dernière année écoulée. Sa décision de briguer un nouveau mandat a suscité des interrogations chez ses collègues maires de l’intercommunalité mais sa position s’est surtout trouvée fragilisée avec la candidature de son ex-adjoint Denis Digel, soutenu par Stéphane Klein, leader d’opposition qui a réuni 28% des suffrages il y a cinq ans. Les deux hommes ont justifié leur union par des « valeurs communes » et la volonté d’une nouvelle gouvernance « plus ouverte ».
La candidature de Denis Digel agace le maire sortant : « Le seul projet de M. Digel est de me déloger. 70% de son programme est ce que nous avons déjà mis en route. Ce qui l’anime ce sont les ambitions personnelles. On lui avait proposé un poste de premier adjoint, dont il n’a pas voulu, pour qu’il puisse se faire connaître et faire ses armes car j’estime que six ans ce n’est pas suffisant pour être maire et qu’il avait encore beaucoup à apprendre. » S'il reproche à son adversaire d'être relativement novice, certains habitants le tacle sur sa longévité à la tête de la commune : « Il a déjà 70 ans, il serait peut-être temps de laisser la place à quelqu’un de plus jeune », confie-t-on au PMU du centre-ville. Lors de sa première réunion publique, le 20 février, le dissident de 48 ans avait d’entrée de jeu reproché à la municipalité en place « l'absence de politique de sécurité à Sélestat ». Contacté, M. Digel n’a pas répondu à nos sollicitations.
L’écologie au centre des débats
Le projet Charlemagne, qui prévoit la construction et la rénovation d’équipements sportifs, est aussi au cœur des débats. Coût de l’opération : 20 millions d’euros. Un montant qui crée des interrogations. « C’est un programme lourd mais on s’est appuyé sur les demandes et constats faits par la Région, le Département, ou les associations sportives du centre-ville », justifie le maire. Denis Digel veut quant à lui amender le projet : « On peut réduire la voilure et, avec les économies réalisées, investir pour un vrai stade municipal avec une piste d’athlétisme digne de ce nom », indiquait-il lors de sa première réunion publique. Une position que ne comprend pas le maire actuel puisque son ancien adjoint « fait partie de l’équipe qui a validé le projet et les différentes étapes ». Incompréhension toujours.
Le thème de l’écologie occupe une place importante dans les programmes des candidats. Opportunisme ou réelle volonté liée à l’urgence climatique ? « J’étais déjà soutenu par Les Verts en 2014. On est donc dans la continuité, justifie Caroline Reys. En revanche, jusqu’à très récemment, l’écologie était accessoire, farfelue, pas digne d’intérêt pour la municipalité en place. L’idée d’un écoquartier sur l’ancienne usine Celluloïd, devenue friche, nous l’avions proposée au conseil municipal en 2016 et aucun élu n’avait rebondi sur cette proposition à l’époque. Maintenant ils parlent d’un écoquartier où seront construits du stationnement voire un hotêl. C’est incohérent. »
Le maire se défend pourtant de tout opportunisme : « C’est dans l’ère du temps effectivement mais on a commencé à travailler ce sujet il y a pas mal d’années. On a déjà couvert le toit de l’école Jean-Monnet avec du photovoltaïque ou fait une chaufferie biomasse… » Jean-Marc Kastel-Koffel assure lui que certains colistiers l’ont rejoint car « Caroline Reys n’allait pas assez loin dans l’écologie ». Mais la candidate différencie facilement son programme de celui de la liste citoyenne : « La leur défend des valeurs et des engagements sur le plan national alors que la nôtre est purement locale. » La mauvaise situation socio-économique du centre-ville et sa résolution seront l’un des grands enjeux du maire élu.
Victor Boutonnat