Capter les voix des habitants. Et capter la 4G. C’est la mission que s’est donnée Alain Furstenberger qui brigue un deuxième mandat à Rimbach-près-Guebwiller, petit village haut-rhinois coupé des ondes, en zone blanche.
Pour monter à Rimbach-près-Guebwiller, suivre les panneaux. Pas de GPS, ici le réseau téléphonique se fait rare. Il est même quasi inexistant. Une habitante glisse : « Il y a un endroit à la sortie du village. Sur le côté de la route mais que pour les SMS, les appels ne passent pas. »
Niché dans une petite vallée à 600 mètres d'altitude, à une dizaine de kilomètres de Guebwiller, le village abrite 200 âmes. « En m’installant ici, je ne savais pas que ça existait encore en France des endroits sans couverture », raconte Florian, 30 ans, originaire de Mulhouse. Nouvel arrivant dans le village depuis un mois, il assure pourtant que le manque de réseau « ne l’a pas empêché de venir dans cette belle vallée ». Car Rimbach fait partie des trois communes du Haut-Rhin en zone blanche. Non en référence aux mottes de nuages blanches qui s'accrochent aux montagnes vosgiennes en hiver. Ici, les téléphones mobiles ne reçoivent rien.
Une cabine téléphonique subsiste dans le village, symbole d'un autre temps. Photo Pauline Boutin
Alain Furstenberger, maire sortant, est en lice pour un deuxième mandat. Photo Pauline Boutin
Ni réseau, ni GPS
Symbole d’un autre temps, une cabine téléphonique trône sous le portique de la mairie. « En 2010, Orange a voulu nous la retirer. Mais pour nous, c’était hors de question », se remémore le maire, Alain Furstenberger. Néanmoins, la commune est dotée du réseau de téléphonie fixe. « Mais s’il arrive quoique ce soit, on ne peut pas appeler les secours », explique l’élu. En effet, l’absence de réseau mobile peut devenir dangereuse pour ceux qui s’aventurent dans les 600 hectares de forêt qui attirent randonneurs et sportifs. « En 2014, deux touristes en VTT ont eu un accident dans la forêt. Impossible d’avoir du réseau, l’un des deux est descendu dans la vallée pour appeler les secours. Dix-huit camions de pompiers ont dû être mobilisés pour retrouver la victime faute d’émetteur. »
Si certains habitants le prennent avec philosophie, ce n’est pas le cas de leur maire. Alain Furstenberger fait de l’installation d’une antenne relais le fer de lance de sa campagne. Candidat à sa propre succession sans adversaire, il souhaite « poursuivre les efforts du premier mandat ». Car Rimbach a déjà eu des projets d’installation d’antenne. Le premier date de 2003 et n’a jamais abouti. « Alors que tout était financé par les opérateurs téléphoniques », regrette Alain Furstenberger.
Début des travaux en juillet
Le maire se souvient du jour où François Hollande a annoncé à la fin de son mandat « ne plus vouloir de zones blanches » en visite à Tulles le 16 janvier 2016. « Le lendemain, j’avais sept habitants dans mon bureau pour me demander des avancées ! » Depuis l’annonce du « new deal » par le gouvernement d’Edouard Philippe et la promesse d'investissement 3 milliards d’euros par les opérateurs, le sujet est remis une nouvelle fois au cœur du village en 2017. Un projet de chantier est lancé et approuvé par les habitants à 80 % en avril 2019. Seul hic : l’antenne postée trop en hauteur n’aurait couvert que quelques habitations.
« Alors, on recommence. On continue. » Aujourd’hui, le maire a proposé un nouveau terrain. Un projet est à l’étude pour une installation près du réservoir d’eau. Budget : 300 000 euros selon l’évaluation de l’opérateur Free. « Normalement, en 2021, on devrait avoir du réseau », espère-t-il. L’État et la préfecture apportent une aide à hauteur de 200 000 euros. Les premiers engins de chantier devraient arriver en juillet prochain.
« Des projets, on en a vu. Aujourd’hui, on attend de voir », avoue avec réserve Anne-Marie, 78 ans, habitante depuis plus de cinq décennies. Dans les faits, la plupart des habitants font confiance au maire. « On est conscient qu’en un mandat, c’est difficile », analyse la septuagénaire.
Boîtier ADSL et système D
Les enjeux sont importants pour cette petite région des Vosges. Le village compte deux restaurants et un hôtel. À l’hôtel-restaurant L’Aigle d’or, la gérante, Muriel Mark, observe une baisse des clients, « principalement en semaine où l’on accueille les commerciaux de la région ». En revanche, « parmi les touristes qui viennent découvrir le village, beaucoup aiment pouvoir déconnecter ». Pourtant, depuis un an et demi, elle a installé un boitier doté d’une borne ADSL. Mais la couverture se limite au restaurant. « On a également mis les téléphones fixes de l’hôtel à disposition pour pallier le manque », précise la restauratrice.
Ces boîtiers ont la côte auprès des habitants. Ils sont devenus les symboles d’une commune qui cherche elle-même ses solutions. « On est mis de côté alors qu’on paye notre abonnement comme tout le monde », fustige Arthur, 78 ans, habitant dans la commune depuis toujours. « C’est le système D pour dépanner », commente le maire.
L’absence de réseau cache un autre problème pour la commune. « Certaines familles rechignent à s’installer dans le village », observe une habitante alors que la moyenne d’âge de la commune est de 63 ans.
L’antenne ne fait pas l’unanimité pour autant. Certains habitants émettent des réserves. C’est d’ailleurs la crainte du premier magistrat de la commune. « Deux habitants ont déjà exprimé leur opposition au nouveau projet. Beaucoup veulent l’installation de l’antenne, mais pas dans leur jardin ». Alain Furstenberger ne va pas se laisser faire : « J’irai jusqu’au bout », dit-il avec détermination. Ajoutant avec un brin d’ironie : « Si l’antenne ne vient pas cette fois, je bannis les ondes pour faire du village un refuge pour les hypersensibles ».
Pauline Boutin
Rimbach-près-Guebwiller est niché dans une petite vallée à 600 mètres d'altitude. Photo Pauline Boutin
Rimbach fait partie des trois communes du Haut-Rhin en zone blanche. Photo Pauline Boutin