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Depuis le début de la construction du GCO, projet d'autouroute à l'ouest de Strasbourg auquel le village s'était violemment opposé, Kolbsheim se dit déçu de la politique. Les habitants se rendront quand même aux urnes le 15 mars.

Le symbole de l'impuissance politique est accroché à la mairie. « Kolbsheim dit non au GCO », lit-on sur la banderole suspendue au bâtiment. GCO comme Grand contournement ouest, une rocade, déjà en construction, qui doit détouner les camions du centre-ville de Strasbourg. Quelques mètres plus loin dans le village, la forêt est défrichée, l’autoroute est déjà visible. Et ce, bien que les habitants se soient battus contre le projet pendant des décennies.

« J’ai une image trouble de ce que l’on appelle la démocratie », soupire le maire de Kolbsheim, Dany Karcher. « Dis-nous ce que tu veux, mais à la fin, on fera ce qu’on voudra ». Après dix-huit ans à la tête du village de 900 habitants, il ne se présentera pas aux prochaines élections. Perdre la lutte contre le GCO a « facilité la décision de ne plus candidater ». Il assure : « Le GCO a pollué mes trois mandats. » 

La pluie tombe derrière les fenêtres de la mairie, quelques voitures, parfois des camions, roulent dans les rues désertes. « Je ne sais plus quoi faire », résume l'édile, assis à son bureau. Après que les derniers zadistes ont quitté le village cet été puis que certains sont revenus pour l'exposition « 10 jours vert le futur » à l’automne, le calme est revenu dans le petit village. La colère et la rage ont fait place à la déception et au sentiment d’impuissance politique. Beaucoup de Kolbsheimois ne veulent plus parler de leur bataille perdue, ils préfèrent laisser cette défaite derrière eux.

Déçus par le gouvernement

« Les habitants n’ont pas été écoutés », se plaint Annie Kessouri, 2e adjointe du maire et seule candidate aux prochaines élections municipales. « Nous sommes impuissants face à tout ça. » Une pensée partagée par Germaine Schell, 91 ans. « Nous, les petits, qu’est-ce qu’on peut faire ? », se demande-t-elle, assise dans son fauteuil, enveloppée dans un peignoir. Elle a l’air d’essayer, encore, de comprendre comment une telle chose a pu être possible. « C’est une injustice incroyable que le peuple ne puisse pas se révolter », s’échauffe la nonagénaire. Comme pour beaucoup de Kolbsheimois, elle a le sentiment de ne pas avoir pu se défendre.

Germaine Schell est l'une des figures kolbsheimoises de la lutte contre le GCO. Photo Mariella Hutt / Cuej

Tous sont déçus par la politique, surtout par le gouvernement français, qui a décidé malgré eux. « Je suis écœuré par ces ministres qui auraient pu arrêter le GCO », soupire Dany Karcher. « Il faut que le gouvernement soutienne davantage les maires », affirme Hélène Scheffer, 61 ans, vendeuse à l’épicerie du village. Après une petite pause, elle ajoute : « Au lieu de les gazer. »

L’autoroute, c'est aussi, pour certains, la victoire des grands et des puissants. La pasteure Caroline Ingrand-Hoffet s’inquiète : « Ce chantier montre la puissance du privé ». Une image qui suscite la « haine », comme le dit Marie-Claire Karcher, l’épouse du maire. « Je n'ai jamais regardé les travaux, ça me rend malade », avoue la vendeuse de l’épicerie, désespérée.

Toutes les batailles ne sont pas encore perdues

À l’approche de l’élection, une partie de la population semble pourtant décidée à reprendre le chemin des urnes. Comme Sandrine Fritsch : « Je suis déçue mais je vais quand même voter. » Ou encore Hélène Scheffer, convaincue que « c’est un devoir de voter » en ajoutant qu’elle « aime bien celle qui se représente ».

« Annie est née ici, elle est de chez nous », explique la pasteure. Elle fait la différence entre les candidats locaux « que l’on connaît » et les hommes politiques nationaux qui ont impliqués dans le GCO. Selon Caroline Ingrand-Hoffet, cela joue un rôle dans le choix des Kolbsheimois d’aller voter ou non.

La pasteure, Caroline Ingrand-Hoffet, en septembre, pendant l'exposition «10 jours vert le futur». Photo Mariella Hutt / Cuej

La bataille du GCO est perdue, mais il reste d’autres problèmes locaux : « Il n’y a pas que le GCO dans la vie de notre village », explique Annie Kessouri, justifiant sa décision de se présenter. Le conseil municipal veut continuer à sensibiliser à l’écologie, créer un lieu de rencontre dans l’ancienne école et mener une enquête sur les idées des citoyens pour développer le village. Mais le GCO ne sera pas tout à fait absent de la campagne : « Être déterminés à obtenir des aménagements destinés à réduire les impacts du GCO » lit-on sur les tracts. Avec pour objectif, pas « trop de bruit, trop de pollution et trop de répercussions négatives ».

Car, malgré le combat perdu, une chose est claire pour Annie Kessouri : « Nous sommes toujours contre le GCO. » C'est pourquoi la banderole, accrochée au fronton de la mairie, y restera encore suspendue.

Mariella Hutt

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