Figure politique bien connue à Strasbourg, le premier adjoint au maire espère faire tomber la capitale alsacienne dans l'escarcelle de La République en marche. Parti tôt en campagne, il mise sur sa personnalité pour convaincre.
Alain Fontanel (au centre de l'image) est en tête avec 27 % des intentions de vote dans le dernier sondage. Photo/Thémis Laporte
Homme de l’ombre de l’actuel maire de Strasbourg Roland Ries depuis 2008, Alain Fontanel, se trouve, cette fois, dans la lumière. « Je suis un grand timide mais je me soigne », explique-t-il dans une interview à StrasTv. Le quinquagénaire se place en favori. « Un sondage reste un sondage, il vaut mieux être premier que dernier », tempère-t-il. Une réponse à l’image du candidat : consensuelle.
Des entrailles du PS à la lumière d’En marche
Le désormais candidat macroniste a été conseiller d’Harlem Désir entre 2008 et 2014. En coulisse, il a réglé les conflits au sein du PS. À cette période, il est envoyé à la rescousse pour remettre de l’ordre au sein des fédérations des Bouches-du-Rhône, de l’Hérault, du Pas-de-Calais mises sous tutelle par le parti. Fort de son expérience à l’échelle nationale et investi par LREM, il lance sa campagne dès octobre. Ce samedi de la fin février, Alain Fontanel, 51 ans, a déposé son vélo au marché de Neudorf, à Strasbourg. Entouré par ses colistiers, il est planté au milieu des allées, peu avenant, à attendre que les habitants viennent à sa rencontre. Lorsqu’une mère et son fils saluent le candidat, il répond d’un ton hésitant : « Restez mobilisés ». Laetitia Hornecker, numéro 2 de sa liste et maraîchère, a été séduite par sa personnalité : « Quand on le connaît, il est complètement à l’opposé de l’image qu’on lui donne, il est proche des gens, simple et humble », décrit-elle.
Une voie royale vers le pouvoir
Alain Fontanel coche toutes les cases du parcours classique menant à l’exercice du pouvoir. Après une jeunesse passée dans le quartier de la Robertsau à Strasbourg, il poursuit ses études à Science Po Paris. Le Strasbourgeois décolle ensuite pour le Vietnam en mission humanitaire, une expérience qu’il n’hésite pas à mettre en avant sur son site de campagne et dans ses tracts. Voilà pour la lutte contre la pauvreté et l’injustice. Il rénove un hôpital, donne des cours de français : Alain Fontanel reste dix ans dans ce pays et intègre l’antenne française d’assistance à la transition économique du Vietnam. À son retour en France, le candidat réussit le concours d’entrée de l’École nationale d'administration (ENA) et s'assoit sur les bancs de la promotion « République » entre 2005 et 2007, puis devient magistrat financier à la Cour des comptes. Alain Fontanel a rejoint le bureau exécutif du parti créé par Emmanuel Macron, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, alors que sa femme, Marie Fontanel, camarade de promotion du président de la République à l'ENA, devenait sa conseillère santé.
Le candidat En marche a adopté le "check" durant cette période de coronavirus. Photo/Thémis Laporte
Parfois qualifié de « Macron alsacien », Alain Fontanel est souvent considéré comme un homme de dossiers. « Je ne suis pas sûr que ce soit un maire proche des gens, c’est un énarque qui va prendre des décisions dans son bureau », pense Valentin, un ami de Jean-Philippe Vetter, la tête de liste des Républicains.
Mise en scène de la vie privée et hashtags
« Je veux remettre de l’humain dans le quotidien ». Ce slogan de campagne, il l’applique aussi dans sa communication. Sur ses tracts électoraux et sur les réseaux sociaux, Alain Fontanel met en scène sa vie privée. L’étiquette En marche est plus discrète. « Alain Fontanel surfe sur sa personnalité, sur le fait qu’il soit connu », constate Edouard Steegmann, colistier de Catherine Trautmann.
Sur son site de campagne, le candidat macroniste dresse longuement son portrait d’homme à tout faire. Il explique avoir pratiqué, dans sa jeunesse, le piano, la flûte à bec, le hockey, le tennis et pose en premier de la classe à l’école Branly de Strasbourg. Et lorsqu’on lui demande de se présenter, ses premiers mots sont « je suis père de trois enfants ». Humain donc, des fois qu’on en doute... Il est plus à l’aise sur les réseaux sociaux qu'entre les étals du marché. Sur Instagram, le favori dans les sondages pose sur son vélo, en vampire pour Halloween, avec son fils à la plage arborant le maillot du Racing Club de Strasbourg. Assisté de son directeur de campagne, Julien Midy, il n’hésite pas à reprendre les codes du réseau social de photos : textes stylisés, couleurs vives, phrases accrocheuses. Tous les événements auxquels participent Alain Fontanel sont filmés et publiés sur Instagram pour ses 1668 abonnés. C’est le roi du hashtag.
Être lisse pour ratisser large
Au moment des élections municipales de 2014, le premier adjoint avait refusé tout rapprochement avec le centre. « C'est une primaire à gauche, nous n'avons pas fait la proposition à la direction nationale du MoDem de participer », déclarait-il alors. Depuis, la donne a bien changé, il est désormais l’un des derniers espoirs des municipales pour Emmanuel Macron, dans les grandes villes. Le chef de file d’Agir, parti proche du MoDem, Pierre Jakubowicz, en 9e position sur la liste d'Alain Fontanel, cohabite avec Paul Meyer, passé par Génération.s (15e position). « Meyer est de l'extrême gauche du PS et Jakubowicz est de l’UMP, Fontanel retourne sa veste à des fins électorales », tacle Valentin, militant LR. Le vice-président de l’Eurométropole mène désormais une liste LREM/MoDem/Agir soutenue par Roland Ries, son mentor. « C’est une liste sur laquelle il y a des gens qui partagent la politique nationale du gouvernement et d’autres qui s’y opposent », explique-t-il. À deux semaines du premier tour, le candidat poursuit sa campagne, sans remous. Reste à savoir si, en cas de victoire de la liste, l'entente idyllique des colistiers perdurera dans l'arène du conseil municipal.
Maxime Arnoult