Les jeunes partent. C'est ainsi depuis des années à Wissembourg. Les candidats en campagne multiplient les idées pour les convaincre de rester.
Les jeunes à Wissembourg, une espèce menacée. Photo Mariella Hutt
Il est onze heures et demie. De nombreux élèves du lycée de Wissembourg se précipitent dans les rues sous une pluie battante, pour acheter quelque chose à manger chez le boulanger ou dans les magasins des environs. Partout, des filles et des garçons, avec leur sac à dos discutent de l’endroit où prendre leur prochain repas. On pourrait penser qu’à Wissembourg, commune de 7 600 habitants, il y a beaucoup d’adolescents. Mais les apparences sont trompeuses. À quelques centaines de mètres, le calme revient. Des personnes âgées avec des parapluies et des sacs de courses se promènent dans les rues et se retrouvent dans les cafés.
Fuite des ados
C'est là qu'apparaît le véritable problème de la ville : 25% des habitants ont plus de 65 ans, peu de 15-29 ans vivent à Wissembourg. Ils ne représentent que 14,8 % de la population. Après le bac, ils déménagent à Strasbourg pour commencer leurs études et ne reviennent pas. La commune a perdu entre 600 et 800 habitants au cours des dix dernières années. La ville vieillit, un vrai sujet de préoccupation pour les Wissembourgeois.
La commune a besoin de jeunes qui rendent Wissembourg plus vivante. Ce sont les jeunes qui peuvent aussi fonder des familles et assurer l’avenir de la commune. « Car plus il y a de personnes âgées, plus la productivité économique diminue », explique André Krieger, comptable et candidat. Actuellement, plus de 30% des habitants sont des retraités. « Je veux vraiment que les jeunes restent là », assure André Krieger pour lequel ce groupe de personnes est une « priorité ». Le maire actuel, Christian Gliech, dit que pour lui, « ils ont toujours été un sujet ». Il est agacé par ces questions, qui reviennent sans cesse, sur le vieillissement de la ville et la fuite des adolescents. « C’est une politique qui prend du temps », dit-il, convaincu par son idée de construire plus de logements pour résoudre le problème. « Sinon, on perd la population, c’est mécanique », résume-t-il. Sur son ordinateur, il montre une infographie à ce sujet. Alors qu'en 1968, un ménage de Wissembourg et ses communes comptait 3,7 personnes, en 2015, il n'y en avait plus que 2,4. À Wissembourg, le problème est même « plus flagrant » : 2,1 personnes vivent dans un même ménage. Une première explication, d’après le maire, tient aux personnes âgées, toujours plus nombreuses à Wissembourg, et à la diminution des familles avec enfants.
Après le bac, direction Strasbourg
Une idée que tout le monde ne partage pas. « Ça ne sert à rien de construire plus de logements, on n’aime pas Wissembourg », critique Halenur, 17 ans. Son amie, Marion, 17 ans également, est d’accord. « On va tous aller à Strasbourg après le bac », dit-elle. C'est une phrase que l'on entend souvent chez les jeunes qui discutent dans les rues et les magasins, près du lycée, à midi pour acheter leur repas. Trop peu de choix de filières, pas assez de choses à faire en ville. C'est clair pour la plupart : ils veulent partir d'ici.
« Le maire n’a pas assez fait pour cette génération », dit André Krieger, d’un ton sérieux. Il ajoute : « On les a oubliés pendant les six années précédentes. » Sandra Fischer-Junck, infirmière et candidate, partage cet avis. « Pour les adolescents, Christian Gliech n’a rien fait », s’énerve-t-elle. Cette mère de deux adolescents âgés de 14 et 15 ans explique que le maire sortant n’est jamais venu parler à cette génération.
André Krieger et Sandra Fischer-Junck veulent faire les choses différemment. « Réunion publique, spécial jeunes » est écrit sur une pancarte jaune, à côté d'une affiche électorale d'André Krieger. Il justifie cette réunion : « J’ai besoin de leur écoute ». Il veut également que son équipe organise un micro-trottoir pour demander à cette génération ce qu’elle attend de la politique. Sandra Fischer-Junck s'est organisée de la même manière : « Début janvier, on a fait du porte à porte et on a dit : "Donnez-nous des idées, dites-nous ce qu’on peut améliorer".»
"Pour l'instant, le lieu de rencontre, c'est le MacDo"
Après une réflexion menée entre les jeunes et leurs équipes, ils veulent maintenant faire en sorte que les premiers concernés se sentent plus à l'aise à Wissembourg. André Krieger veut ouvrir une salle pour eux, où « ils pourront s’éclater et se détendre ». Une idée aussi évoquée par Sandra Fischer-Junck, car « pour l’instant, le lieu de rencontre, c’est le MacDo ».
Le maire de Wissembourg veut construire plus de logements dans la commune. Photo Mariella Hutt
Les deux candidats ont un autre point d’accord : ils veulent leur offrir la possibilité de sortir le soir. André Krieger propose une discothèque éphémère avec les DJs de Wissembourg qui animent déjà différentes soirées dans la région.
De plus, les deux candidats veulent créer un conseil municipal des jeunes. « Pour parler de leurs vrais besoins », confirme Sandra Fischer-Junck. « Je veux que les adolescents aient un bon souvenir du temps passé à Wissembourg, pour qu’ils reviennent ici après avoir fait des études », résume la candidate.
Pour retenir les jeunes majeurs, les trois candidats s’accordent sur un point : il faut développer l’enseignement supérieur. Pour l’instant, la plupart des majeurs partent s’installer à Strasbourg pour y faire leurs études. Un choix qui résulte d’un manque de possibilités à Wissembourg, où il n’existe actuellement que quatre formations de BTS : en chaudronnerie industrielle, en maintenance des systèmes, en métallurgie et en relation client.
Christian Gliech souhaite discuter avec la direction du lycée pour trouver une solution. André Krieger insiste pour s’occuper d’abord du travail. Il veut trouver et attirer des entreprises, pour après créer des filières et offrir la possibilité à la population jeune d’être embauchée dans la commune. Pour cela il veut aussi créer des liens avec les entreprises. « Si on ne propose pas d’emploi, on n’arrivera pas à les attirer », dit-il. Sandra Fischer-Juck espère également attirer des entreprises et favoriser leur installation.
Une idée qui trouverait écho dans les nouvelles générations. Thomas et Alexis, 17 ans, s’apprêtent à retourner au lycée pour l’après-midi et aimeraient pouvoir étudier à Wissembourg. Si c’était possible, ils l’assurent : « On resterait ici. »
Mariella Hutt