28 décembre 2008
Le traité de Lisbonne portait le projet d'un affrontement des candidats à la présidence de la Commission, brandissant chacun la bannière d'un europarti tout au long de la campagne. Démotivés, les partis hésitent à adouber leur candidat.
Des panneaux électoraux qui affichent en gros plan le visage de José Manuel Barroso dans les 27 pays de l’Union. Et le slogan : « Si vous soutenez le PPE, vous soutenez aussi la candidature de Barroso à la tête de la Commission ». A côté, une affiche du PSE montrant le danois Rasmussen, ou encore Daniel Cohn-Bendit sur le panneau des Verts européens. Voilà à quoi pourrait ressembler la campagne pour les législatives européennes de juin 2009. L’idée que chaque famille politique présente un candidat pour le poste de Président de la Commission pendant la campagne législative a été pour la première fois formulée par Jacques Delors en 1998. Son objectif était de proposer aux Européens des personnalités qui incarnent des choix politiques clairs sur les enjeux de l’Union, et d’asseoir la légitimité de la nouvelle Commission par un choix des électeurs entre plusieurs concurrents.
Tout, depuis 2004, est en réalité en place pour que ce scénario soit réalisable en 2009. Le Conseil européen, depuis l'entrée en vigueur du traité de Nice, arrête la désignation du président de la Commission à la majorité qualifiée avant de le soumettre au vote du Parlement. Or en 2004 le PPE, arrivé en tête, avait exigé que ce candidat soit issu de ses rangs. Cette condition préalable avait conduit les chefs d'Etat et de gouvernement à proposer José Manuel Barroso (PPE) aux suffrages du Parlement.
L'alibi irlandais
Le traité de Lisbonne ne fait que codifier cette pratique qui rend visible la couleur politique du président de la Commission, et le rôle déterminant des élections européennes dans sa désignation. Il précise désormais que le président de la Commission est "élu" (et non plus "approuvé") par le Parlement. Du coup, il incite ouvertement à faire de son élection l'enjeu central de la campagne électorale, ce qui revient à déposséder le Conseil européen de son droit de nomination au profit des europartis, et à donner aux électeurs celui de trancher.
Depuis des mois, les partis politiques européens sont donc à la recherche de candidats potentiels pour ce poste clé de l’Union, mais le « non » irlandais a douché leur enthousiasme.
Les états-majors des europartis hésitent devant un geste dont ils font valoir qu'ils pourrait être perçu comme une provocation par les opposants au traité. Derrière cette excuse officielle, des préoccupation plus boutiquières.
Pour le PPE, la position officielle est simple: "Il y a un consensus sur la candidature Barroso dans le parti", explique Wilfried Martens, président du PPE. Si elle n'est pas encore formalisée, c'est parce que l’intéressé hésite encore.
En réalité, admet-on au siège du parti, si l'ancien premier ministre portugais prend son temps, c’est que sa réelection à la tête de la Commission est loin d’être assurée. "Barroso est confiant de passer l’étape du Conseil européen : le PPE y détient la majorité qualifiée et les chefs d’Etat apprécient l’action du président sortant qui ne leur a pas fait d’ombre", confie un proche de la direction de l'europarti. "Mais la majorité absolue du Parlement européen n’est pas acquise. Il a un bilan très moyen, et selon moi, il rassemblerait à peine 40% des voix s’il se représentait devant les députés. Le problème c’est que le PPE n’a pas beaucoup d’autres options". Alain Lamassoure, eurodéputé PPE ajoute de son côté "le seul qui pourrait concurrencer Barroso au PPE c’est Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe, mais il n’est pas intéressé".
La gauche divisée sur son choix
Les autres partis, PSE (parti socialiste européen) en tête, tardent à décider d'une position. Pour Martine Roure, députée socialiste européenne et vice-présidente du Parlement, "les élus socialistes seraient prêts à lancer un candidat, mais il faut se mettre d’accord sur un nom". Le seul "présidentiable" semblerait être le danois Rasmussen, actuel président du parti. Mais il aurait refusé l’offre pour ne pas sacrifier son avenir politique au Danemark.
Autre problème du PSE: les socialistes se positionnent différemment sur ce sujet selon la situation politique qu’ils occupent dans leur pays. Les Allemands, au pouvoir dans une coalition avec la CDU, sont réticents à voir un affrontement entre un candidat de gauche et un candidat du PPE, qui attiserait les tensions entre socialistes et CDU en Allemagne.
Le parti des Verts européens lui, choisit de faire profil bas. "Nous sommes la quatrième force du parlement, et nous ne sommes pas vraiment légitimes à présenter un candidat car on sait très bien qu’il ne sera pas élu", justifie Juan Behrend, secrétaire général du parti.
L'annonce qui pourrait changer la donne
Face à la réticence générale, les militants de l’Union des Fédéralistes Européens (UEF), reboublent l'intensité de leur campagne "Who’s your candidate ?"(Qui est votre candidat?), lancée il y a un an, afin de faire pression sur les europartis pour qu’ils nomment dès maintenant un candidat.
"Si les partis décident de présenter un candidat, c’est un pas de plus vers la supranationalité", argumente Henrik Kroner, président du Mouvement Européen, partenaire de la campagne. "C’est le moyen de politiser davantage les élections, et de rendre visible les clivages politiques."
Au-delà des distributions de tracts aux abords des réunions des partis, les organisations pro-européennes ont cependant peu de moyen de pression sur les acteurs politiques. Et elles peinent à se faire entendre.
Le PDE (Parti Démocrate Européen) de François Bayrou et Francesco Rutelli pourrait bien bousculer la donne. "Nous allons présenter la candidature d’une personnalité crédible, car nous sommes insatisfaits de la Commission sortante, et nous n’acceptons pas l’idée d’une reconduction automatique de son président", ont déclaré début décembre les deux co-présidents de l'europarti.
Une annonce qui pourrait bien forcer la main des hésitants. Il suffit qu'un europarti se lance, pour que les autres soient soumis à une pression accrue pour présenter un candidat. Le président du groupe PSE, Martin Schultz, a déclaré que la décision de son parti serait définitivement arrêtée en février à l'issue de son Conseil.
Marie Regnier, à Bruxelles