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Du neuf en 2009 : les cerveaux sortent des cartons


28 décembre 2008

2009, année décisive

Toutes nouvelles nées, les fondations partisanes s'activent à déjà aligner les idées en ordre de bataille, entre deux séances d'aménagement de leurs locaux.

Pas de nom sur l’interphone. La fondation des Verts européens, la «Green European Institute», a son siège au 15, rue d’Arlon à Bruxelles. Mais, au premier abord, difficile de s’en apercevoir. En réalité, il faut sonner à Heinrich Böll Foundation, la fondation proche des écologistes allemands. La fondation des Verts européens se résume pour l'instant à un simple bureau, encombré de cartons, où s'affairent deux permanentes: Heidi Hautala, la présidente, épaulée par une directrice de programme Leonora Gewessler. Le site Internet de l'Institut doit voir le jour en janvier.
«Cela ne fait que quatre mois qu’on travaille réellement, même si la fondation a officiellement vu le jour en novembre 2007», confesse Leonora Gewessler. L’Autrichienne doit s’interrompre pour recevoir les agents de Belga Com qui installent le téléphone.
Même son de cloche au Center for European Studies, la fondation du Parti populaire européen (PPE). Leurs locaux sont indépendants. Des postes restent encore à pourvoir. Un bureau sert à stocker les publications: «C’est le bureau de notre futur administrateur général qu’on est en train de recruter», explique Tomi Huhtanen, le directeur.

Les fondations: puissantes en Allemagne, peu connues en France

Il faut dire que les fondations européennes en sont à leurs balbutiements. En 2007, le Parlement modifie la réglementation sur le financement des partis politiques européens, et octroie des fonds communautaires destinés à la création de fondations européennes.
Un sujet d'étonnement pour un Français, beaucoup moins pour un Allemand. Outre-Rhin, les fondations politiques sont puissantes et leurs budgets se chiffrent en centaines de millions d’euros. Sur ce modèle, les fondations européennes sont des laboratoires d'idées et des partenaires politiques pour les partis. «L'Europe s'est dotée d’institutions, ensuite on a eu les partis politiques européens, et il était normal que ces partis aient leurs fondations», juge Tomi Huhtanen. Indépendantes, les fondations ne peuvent soutenir les partis politiques lors des campagnes européennes.
Le directeur de la fondation du PPE assume ce rôle de «cerveau» du parti populaire. En témoigne ce sondage récent mené par la CES sur l'insécurité de l'emploi en Europe: «On a constaté que les gens sont moins inquiets de perdre leur emploi dans des pays où le marché de l'emploi est plus souple, insiste Tomi Huhtanen. Ce genre d'étude, ça apporte du grain à moudre à notre famille politique.»

Objectif: participer à la formation d'une conscience collective

«Pour 2009-2010, nous avons pour l'heure deux axes principaux de travail : la thématique de l'éducation et l'élaboration d'un vrai corpus théorique d'économie politique de gauche», explique François Isserel-Savary, conseiller politique de la FEPS, la fondation du Parti socialiste européen (PSE). En novembre dernier, la FEPS a ainsi publié des travaux sur la régulation des marchés financiers, en collaboration avec l'université américaine Columbia.
«La fonction des fondations est de rapprocher l'Europe des citoyens en reconnectant les agendas nationaux et européens», poursuit François Isserel-Savary. Pour ce faire, les fondations européennes ont développé leur réseau national. La FEPS s'appuie ainsi sur une «plate-forme» de 29 fondations nationales, dont deux françaises (les fondations Jean Jaurès et Europartenaires). Pensées comme des relais partout en Europe, les fondations souhaitent participer à la formation d'une conscience politique. «On a besoin de politiser l’Europe, analyse Heidi Hautala. Mais aussi d’écouter et de comprendre les citoyens européens.» Séminaires en Pologne ou en République tchèque, congrès, colloques et stages dans les Etats baltes. La plupart du temps, l’objectif est tout simplement de faire découvrir l’Europe aux citoyens.

Pierre Manière, à Bruxelles

 

Transform, une longueur d'avance

La fondation du Parti de la gauche européenne fait preuve d’une activité sans équivalent comparée aux fondations des autres forces politiques au sein de l’UE. Cette originalité s’explique par sa genèse liée à l’explosion des mouvements sociaux au début des années 2000.

Transform, fondation du PGE ? « Attention, nous sommes avant tout un réseau d’organismes, d’instituts, de think tanks de la gauche radicale qui existe depuis 2001, explique Elisabeth Gauthier, responsable de l’association Espace Marx, membre fondateur de Transform. Nos racines ne se trouvent pas dans le monde politique mais dans les mouvements sociaux. » Formulée au troisième étage du siège du parti communiste, place colonel Fabien à Paris, la précision émane d’une membre du bureau national.
Transform englobe plus de 90 composantes. Un rapide coup d’oeil au sommaire de l’épais magazine éponyme, près de 200 pages, suffit pour se rendre compte de la diversité des collaborateurs. Les écrits de chercheurs de la fondation Gabriel Péri, directement affilié au PCF, côtoient le plaidoyer d’un syndicaliste indien pour la régulation du travail dans les mines. Seule contrainte - non écrite - pour chacun : expliquer les enjeux sociaux actuels (précarisation des salariés, contestation sociale...) à travers une analyse marxiste.

PGE-Transform : une union libre

L’année de création, 2001, correspond au premier forum altermondialiste à Porto Alegre au Brésil. C’est au cours de cette rencontre que les réseaux anticapitalistes européens décident de mettre en commun leurs recherches dans le domaine social.
« Espace Marx s’est constitué aussi après un mouvement populaire : les grandes grèves de 1995, précise la responsable du think tank français. L’intérêt principal est de rencontrer des acteurs très différents : syndicalistes, associatifs, politiques, intellectuels, etc. Nous avons voulu recréer cette synergie au niveau européen. » L’équipe de direction de Transform compte trois personnes : Elisabeth Gauthier, Ruurik Holm (Left Forum, Finlande) et Haris Golemis (Nicos Poulantzas Institute, Grèce). Le réseau compte aussi un coordinateur, l’Autrichien Walter Baier.
En 2007, le PGE demande à Transform de devenir sa fondation politique au sein de l’Union européenne. La Portugaise Carmen Hilario, représentante de l’europarti, se joint deux fois par an aux réunions. Mais Transform ne veut pas être assimilé au parti.
Le PC de Bohême-Moravie (République tchèque), qui appartient au PGE et compte six députés européens, n’y est pas représenté. La LCR, qui refuse d’adhérer au PGE, participe elle régulièrement à ses débats. « Pour continuer à fonctionner correctement, nous devons séparer au maximum le domaine du politique et celui de la recherche, insiste Walter Baier, coordinateur de Transform et ancien président du PC autrichien. Le mélange des genres n’est jamais bon. »
L’activité se manifeste par l’utilisation importante du web, outil roi des altermondialistes. Elisabeth Gauthier déclare recevoir jusqu’à 150 courriels par jour provenant du la mailing liste du Forum social européen.
Sur la toile, en ce moment, le débat d’idées s’intensifie en vue du prochain forum social mondial de Bélem, au Brésil, en janvier 2009. A l’ordre du jour : la crise financière.

Mathieu Galtier

 

 

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