28 décembre 2008
Simon Hix, professeur de politique européenne comparée à la London School of Economics and Political Sciences explique à quels signes on reconnaît la politisation des institutions qui est en cours.
«Ces dernières décennies voient la politisation progressive des institutions européennes. C'est très évident au Parlement européen où les votes se font clairement selon des divisions idéologiques. Mais c'est aussi vrai au Conseil et dans les relations entre le Parlement, le Conseil et la Commission.
Ce que les recherches sur les votes au Conseil ont commencé à montrer, c'est que les divisions entre ses membres obéissent de plus en plus à un clivage gauche / droite et plus seulement à la géométrie des positions nationales. Cela ne veut pas dire que les Britanniques ne défendent plus les intérêts britanniques ou que les Français ne défendent plus les intérêts français. Cela veut dire qu'un gouvernement socialiste français se comporte différemment au Conseil d'un gouvernement conservateur français ou un qu'un gouvernement travailliste anglais se comporte autrement que ne le ferait un gouvernement conservateur anglais. Ce n'est pas si surprenant quand on y réfléchit.
Maintenant que l'Union européenne est construite, les grands choix portent sur la réglementation ou la déréglementation du marché unique, la politique monétaire, le commerce, les migrations ou la justice et les affaires intérieures. La majorité de ces sujets divise sur des lignes partisanes autant que nationales. Ainsi, naturellement, un homme politique siégeant au Conseil et appartenant à un certain pays, un certain parti politique, aura les mêmes positions que quelqu'un d'un autre pays mais du même bord politique.
L'élargissement de l'Union a accentué ce processus de politisation
La politisation de la Commission commence, elle, clairement avec la Commission Santer. Il a été le premier président de la Commission a faire l'objet d'un vote d'investiture par le Parlement européen en juillet 1994. Et là, on a vu une fracture nette. Les socialistes et les libéraux ont voté massivement contre lui. C'est une coalition de centre-droit qui l'a élu avec le soutien de deux partis socialistes au pouvoir à l'époque : les Danois et les Espagnols.
Dès le départ, Santer a donc été vu comme un politique. C'était la première fois qu'un président de la Commission était appréhendé comme issu d'un choix politique de la majorité au Conseil. Au cours de cette mandature, les socialistes, les Verts et la gauche radicale s'érigent progressivement en quasi-opposition à la Commission. Et quand le Parlement européen a l'opportunité de mettre en cause la Commission pour des soupçons de corruption, l'attaque est menée par la gauche. Finalement, la Commission Santer démissionne la veille d'un vote de confiance du Parlement qui aurait clairement montré l'existence d'une majorité de centre-gauche en faveur d'une motion de censure face à une minorité de droite tentant de protéger la Commission.
L'inverse se produit avec Prodi. Pour la première fois, la Commission est majoritairement de centre-gauche, en terme d'affiliation des Commissaires. Le groupe socialiste commence à se comporter comme un parti de gouvernement en position minoritaire au Parlement. Presque tout ce que la Commission propose, les socialistes le soutiennent et le PPE s'y oppose.
Aujourd'hui, avec Barroso, c'est le contraire. La Commission, dominée par le centre-droit, est appuyée par le centre-droit du Parlement et c'est la gauche qui ne l'aime pas.
L'élargissement de l'Union a accentué ce processus de politisation car plus il y a d'euro-députés, plus il y a de gouvernements au sein du Conseil et plus il y a de commissaires, plus les institutions se mettent à fonctionner comme des institutions politiques normales plutôt que comme des organes intergouvernementaux.»
Propos recueillis par Clarisse Briot