28 décembre 2008
Certains le voyaient déjà mort après l'éclatement de l'UDF. Mais lors de son congrès, début décembre, le parti démocrate européen a confirmé l’alliance franco-italienne qui a inspiré ses origines. Il a de plus la quasi-certitude d’être présent dans la future commission européenne.
Près de 600 000 euros de budget en 2008. Moins de 400 000 euros dépensés au 31 novembre, en majorité en frais de déplacement et de représentation. Comme tous les ans depuis sa création en 2004, le parti démocrate européen (PDE) n’a pas réussi à dépenser tout son budget. «Comme tous les ans, nous devons en rendre une partie au Parlement», se désole l’Italien Luigi Lusi, le trésorier.
Le problème est sans mystère : le parti n’existe que sur le papier. Pas de permanents, un site internet jamais actualisé, un numéro de téléphone que tout le monde a oublié. Difficile dans ces conditions de dépenser un budget, nourri à 85% par les subventions du Parlement européen.
À la tête du frêle esquif, deux présidents. François et Francesco. Bayrou, le Français du Modem, et Rutelli l’Italien, ancien chef de la Margherita, parti de centre-gauche italien. Dans sa quatrième année d’existence, le parti européen a connu deux crises majeures, provoquées par les louvoiements nationaux de ses deux grands partis fondateurs. L’UDF s’est disloquée à la création du MoDem, en mai 2007. Certains eurodéputés de l’UDF ont quitté les rangs des démocrates européens en quittant ceux du MoDem, comme Jean-Marie Cavada. L’ancien président de la commission des libertés -poste dont il a démissionné depuis- est aujourd’hui rallié au parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs pour l’Europe (ELDR), associé au PDE dans le même groupe du centre, l’ADLE!
Les Italiens éclatés
Côté italien, la Margherita s’est alliée en octobre 2007 aux Démocrates de gauche, pour former le grand Partido Democratico. Ce rapprochement a bien failli coûter la vie au PDE. L'ancrage européen du nouveau parti italien, regroupant la gauche et le centre sous un même toit, posait problème : devait-il s’allier avec les socialistes européens, ou avec les centristes du PDE ?
Pour Sandro Gozi, vice-secrétaire -italien- du PDE, «la question n’est pas encore tranchée officiellement. Mais il est sûr que nous restons au PDE». En pratique, le grand parti italien devrait se dégrouper en deux europartis, le parti socialiste européen et le PDE, comme c’est déjà le cas dans les faits depuis 2007.
Pour la députée lituanienne Ona Jukneviciene, la cause principale de la faiblesse du PDE ne fait aucun doute. «Les problèmes rencontrés au niveau national nous ont handicapé au niveau européen. Chez les Français, les Italiens, et même dans mon propre parti en Lituanie : lors des dernières élections, nous sommes passés de 30 sièges à 10 sièges dans notre parlement national.»
En état végétatif pratiquement depuis sa création, le PDE s’est donc réveillé à son congrès des 4 et 5 décembre 2008. Toujours pas de structures, mais un programme commun: une résolution, autour de laquelle les Français, les Italiens et leurs partenaires entendent enfin démarrer la machine. «C’est difficile de construire un parti en partant de rien, affirme Sandro Gozi. Mais je pense que nous réussirons à nous organiser.»
Un nouveau groupe ?
Parmi leurs propositions, les démocrates européens plaident notamment pour pour une plus grande intégration du budget militaire, ou pour rendre le programme Erasmus obligatoire. «Nous voulons bâtir l’Europe en nous fondant sur ses succès, explique le vice-secrétaire. Nous voulons aussi qu’il y ait un référendum à l’échelle de l’Union pour chaque modification du traité.» Des propositions qu’ils veulent démarquées de celles des autres partis, «car il y a un créneau pour nos idées politiques, affirme la députée lituanienne. Nous ne devons pas rater cette occasion.»
Le parti n’exclut pas, à terme, de créer son propre groupe au Parlement. L’idée circule en tout cas parmi ses membres. «Il y aura un nouveau congrès en juin après les élections européennes, c’est là seulement que nous prendrons la décision», tempère Francesco Rutelli. Le parti espère aussi pouvoir prendre pied dans les autres institutions de l’Union : Milan Urbani, membre du parti slovaque HZDS, affilié au PDE, serait déjà assuré d’être le commissaire Tchèque. «Avoir un commissaire est essentiel pour nous, estime Yannick Laude, responsable de la communication du parti. Ne serait-ce que pour savoir ce qui s’y passe.»
Un intérêt national
Les démocrates européens verraient bien rejaillir leur nouvelle influence sur leurs scènes politiques nationales. «L’échec du socialisme conduit à penser qu’il faut un nouveau modèle, le modèle démocrate pour le monde», estime François Bayrou. Pour le monde et pourquoi pas pour la France. Le président du MoDem est d’ailleurs soutenu par ses collègues, qui le voient volontiers président de la République française en 2012. «Nous voulons présenter un candidat à la présidence de la commission, mais ça ne sera pas Bayrou. Il est plus important pour nous d’avoir un Président français PDE, c’est à dire d’avoir un membre du conseil européen», confirme Sandro Gozi.
Olivier Devos, à Bruxelles
Post-communistes, réformateurs, orthodoxes, eurocommunistes... toutes les tendances marxistes se retrouvent au sein du parti de la gauche européenne (PGE). Cet éclatement idéologique ne favorise pas l’unité du parti en vue des prochaines élections européennes.
Trente formations politiques éclatées dans 22 pays composent le Parti de la gauche européenne. Une impression de mosaïque renforcée par la présence de deux partis membres du PGE dans quatre pays: l’Allemagne, la Belgique, la République Tchèque, l’Italie. L’Espagne y compte même trois forces politiques : le parti communiste, la Gauche unie et le parti régional catalan Unité et alternative de gauche.
Cette diversité met en relief les divergences dans la pensée marxiste européenne, vingt ans après la chute du mur de Berlin.
Premier exemple en Allemagne, où les communistes du DKP accusent Die Linke d’abandonner la révolution prolétarienne pour une tiédeur social-libérale. «Nous sommes un parti révolutionnaire, insiste Heinz Stehr, président du DKP. Nous voulons abolir le capitalisme. Pour cela nous nous référons au communisme scientifique décrit par Karl Marx avec notamment la nationalisation totale de tous les moyens de production». Die Linke, né en 2007, est issu d’une scission du SPD mené par Oskar Lafontaine à laquelle se sont ajoutés les anciens communistes de la RDA.
Des «staliniens grecs»
En République Tchèque, le parti communiste de Bohême-Moravie (KSCM) refuse toute compromission avec le capitalisme. Il fustige l’attitude du parti du socialisme démocratique (SDS) et le pragmatisme de son président, Milan Neubeurt. Celui-ci explique : «Je suis un communiste orthodoxe. Mais l’UE est d’essence capitaliste, c’est un fait. Maintenant, c’est à nous d’être prêts pour un changement; car l’histoire nous montre que chaque système est voué à disparaître.» Son homologue du KSCM, Filip Vojtech, milite pour la «création de passerelles avec les partis communistes totalement absents du PGE, comme le PC grec et portugais.» Ces deux partis, aux convictions idéologiques ultra-orthodoxes en matière économiques et sociales, refusent de siéger dans une organisation dont certains membres se sont alliés au niveau national pour former un gouvernement.
Pour le représentant grec du PGE, Synaspismos, alliance de plusieurs mouvements de la gauche radicale, pas question de rejoindre la position extrême du parti communiste grec : «C'est le seul parti européen à vouloir remettre le stalinisme au goût du jour ! s’étrangle le jeune chef de parti, Alexis Tsipras. L’ennemi c’est la politique néo-libérale. Alors s’il faut faire des alliances avec les sociaux-démocrates pour peser dans le débat, pourquoi pas...»
Les Italiens se déchirent sur le rôle de l’Etat
Côté italien, les membres du parti des communistes italiens (PdCI) et du parti de la refondation communiste (PCR) on ne refuse pas la discussion mais de là à fusionner, il y a un pas de géant. La raison de cette méfiance ? La place à donner à la construction européenne. Le PdCI, créé en 1998 après une scission au sein du parti de la refondation communiste, veut d’abord renforcer le poids communiste en Italie avant de songer à l’échelle européenne: «Nous n’avons plus de députés de gauche au Parlement, socialistes ou communistes, souligne Cinzia Plazzolo, responsable des questions européennes dans le PdCI. Une union avec nos partenaires de Rifondazione (PRC) est donc primordiale à l’intérieur des frontières italiennes».
Pour Fabio Amato, du bureau exécutif du PCR, l’Etat n’est plus la base pertinente pour lutter contre l’économie de marché. «Chaque pays a sa spécificité mais l’ultra-libéralisme sévit partout en Europe avec la même force. Ce premier programme commun est un grand pas en avant. Ce qu’il faut c’est construire l’Europe depuis l’intérieur des institutions de l’UE. Pour cela, le PGE doit devenir une vraie force politique et pas seulement une simple coordination de partis.»
Les réformistes majoritaires au PGE
En France, les couleurs du PGE sont portées aujourd’hui par le PCF. Le Parti de la gauche de Jean-Luc Mélenchon et de Marc Dolez s’est déclaré favorable à une liste commune avec le parti de Marie-George Buffet pour les prochaines échéances européennes. Mais la LCR ne veut pas entendre parler du PGE: «Nous n’avons rien à faire avec une organisation composée de partis qui passent des alliances pour obtenir le pouvoir», explique l’ancien dirigeant trotskiste, Alain Krivine.
Le 29 novembre dernier, toutes les sensibilités du parti de la gauche européenne se sont retrouvées au cinéma Babylon, dans la partie est de Berlin, pour rendre publique leur plateforme électorale. Ce programme «a minima», selon Milan Neubert, porte le sceau des mouvements réformistes, majoritaires au sein de l’europarti (18 députés sur 29), menés par Die Linke.
La dénonciation de la crise financière, qui a dominé les débats ce jour-là, a servi de ciment à la gauche radicale sans régler pour autant les aspérités idéologiques. Malgré ces dissensions fortes, les délégués du PGE ont repris en chœur l’Internationale à la fin de leur conférence sur les élections européennes. Mais il s’en est fallu de peu. Au moment d’enfiler les manteaux pour quitter le cinéma Babylon, un permanent du parti se saisit du micro : «Attendez, attendez! nous avons oublié quelque chose». Quelques instants plus tard retentit l’hymne des communistes.
Mathieu Galtier, à Berlin