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Nouvelle mosquée de Hautepierre : les croyants sur un pied d'égalité

07 octobre 2016

Présente depuis 25 ans dans le quartier, l'Association de la réforme sociale de Hautepierre porte le projet de construction de mosquée maille Brigitte. Un bâtiment pour les musulmans, mais qui s'inscrit dans le dialogue interreligieux. Malgré les dons des fidèles, le chantier a accumulé les retards.

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Les deux premières tranches de l'ambitieux projet du centre culturel et cultuel à Hautepierre vont bientôt être terminées. Crédit photo Joris Bolomey

En bordure de la maille Brigitte, le long de l’avenue Racine, les ouvriers retirent du toit de la mosquée en construction les derniers échafaudages. La coupole en zinc laqué est désormais terminée. Dessous, une salle de prière de 600 m2 accueillera d’ici quelques mois jusqu’à 1200 fidèles. Et sur deux mezzanines de 210 m2, 800 autres, en priorité les femmes, pourront prendre place. Une fois terminé, ça sera le troisième plus grand lieu de culte musulman dans la capitale alsacienne.

A côté de cette première tranche cultuelle, un second bloc est destiné aux activités culturelles de l’Association de la réforme sociale de Hautepierre (ARSH), en charge de ce projet ambitieux. Une salle polyvalente, une bibliothèque et une salle d’enseignement y sont prévues.

Un bâtiment moderne et pas de minaret

Malgré son emprise foncière imposante, le bâtiment garde une esthétique discrète. Et pas de minaret pour l’appel à la prière. La tour de la mosquée « n’est qu’un élément décoratif, indique Abdelhafid Akhmim. Il n'y a pas besoin d'un minaret. La première mosquée du prophète n'en avait pas. » Et l’architecte du projet, Pierre Bohrer de compléter: « On ne voulait pas faire une mosquée folklorique, mais un bâtiment moderne et contemporain. »

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Vu de l'extérieur, les travaux semblent très avancés. A l'intérieur par contre, il reste beaucoup à faire: La future salle de prière est toujours remplie d'échafaudages. Crédit photos: Joris Bolomey

Les fondations de la troisième tranche du centre Avicenne - nom que prendra la future mosquée - n’ont pas encore été coulées. Cette partie est destinée à accueillir des locaux commerciaux, des bureaux et peut-être même un restaurant, « afin d’amortir le coût financier du projet » précise Abdelhafid Akhmim, président de l’ARSH.

LEGENDE

Crédit photos: Association de la réformation sociale/Nobox-lab + SN Technology. Images tirées d'une vidéo d'animation 3D disponible sur Youtube.

Le projet est pour le moment majoritairement financé grâce aux dons des fidèles. Des quêtes se font par exemple chaque samedi matin sur le marché place André Maurois, mais aussi jusqu’en Belgique, Suisse, Hollande et Allemagne, précise-t-on du côté de l’ARSH. La SCI Avicenne, dont l’ARSH est associé majoritaire, s’occupe de la gestion financière des constructions. Elle a bénéficié de la part de la municipalité d’une participation de 10 % sur le budget initial de 2,3 millions d’euros du projet.

Mais pour l’acquisition du terrain et la construction des deux premières tranches, la barre des 4,5 millions a déjà été dépassée. Et il semble difficile que la mairie vote un réajustement de sa participation sur le montant final des travaux. Si aucun financement étranger n’a pour le moment été annoncé par l’ARSH, cette solution est envisagée pour la troisième tranche du projet.

Solidarité interreligieuse à Hautepierre

En revanche le chantier est déjà soutenu par les autres communautés du quartier. « Quand nous sommes invités à la rupture du jeûne pour le ramadan par l’ARSH, on ne nous demande jamais rien. Alors, plutôt que d'offrir un cadeau, on fait un don. Le dernier que j'ai fait était de l'ordre de 300 euros, » explique Jean-Marie Esch, président du conseil de Fabrique de la communauté de paroisse St-Benoît et St-Jean Bosco.

Un engagement naturel dans un quartier « où on a créé un premier groupe interreligieux en 1990, précise-t-il. Au départ, on n’avait fait qu’une cérémonie œcuménique entre catholiques et protestants. Puis, à la sortie, on a été interpellés par les musulmans de la Réforme sociale qui souhaitaient se joindre à nous. » Et depuis perdure cette démarche de partage interreligieux.

Les mêmes objectifs

Partie prenante de ce dialogue, Claudia Schulz, pasteure à la paroisse protestante Martin Bucer, se montre favorable à la construction du nouveau centre musulman. « Dans un quartier relativement récent comme Hautepierre, tous les groupes religieux ont une histoire commune et partagent les mêmes objectifs: donner une identité et des racines aux gens pour créer une communauté solidaire », explique la pasteure qui vit à Hautepierre depuis trois ans.

La pasteure de la paroisse protestante de Hautepierre soutient la construction de la nouvelle mosquée. Crédit photo: Joris Bolomey

Dans cette logique de « communauté solidaire », les musulmans de l’ARSH, une fois que la nouvelle mosquée sera terminée, disposeront enfin d’un lieu à la hauteur de leur engagement interreligieux, explique Abdelhafid Akhmim: « Quand on prie dans une cave où un hangar, comme en ce moment, on est gêné de recevoir nos frères d'autres religions. Eux nous accueillent dans leurs églises et paroisses. Chez les fidèles et encore plus chez les jeunes, cette humiliation est très fortement ressentie. En même temps, c'est ce sentiment là qui éloigne les jeunes musulmans de la fierté d'être français. »

A Hautepierre, les musulmans ne disposent pas d’infrastructures suffisantes. Ils y sont pourtant le plus grand groupe religieux. Il existe encore une autre mosquée sur le quartier, mais, sous l’influence du Ditib, organisme religieux sous l'autorité de l'Etat turc, elle est d’abord fréquentée par la communauté d'origine turque. Pour l'ARSH, son chantier maille Brigitte se veut donc également identitaire. Une nouvelle mosquée de Hautepierre au service d'un « islam républicain et laïc ».

C'est actuellement dans un hangar que prient chaque jours les musulmans de l'ARSH. Crédit photos: Joris Bolomey

Joris Bolomey

Peter Eßer

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