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Les pharmacies, dernières mailles de sociabilité

11 octobre 2012

Le vaste chantier du Plan de rénovation urbaine de Hautepierre concerne aussi les commerces. Pour laisser place à la nouvelle médiathèque qui sera construite derrière le centre social et éducatif du Galet, la boulangerie va être déplacée et la boucherie halal fermée. Seules quatre pharmacies continuent leurs activités de commerces de proximité. Tous les autres magasins – dont une pharmacie – sont concentrés dans la galerie de l'hypermarché Auchan.

 

Quand on ne connaît pas le quartier et qu'on se promène à Hautepierre, l'absence de commerces, de bars ou de lieux de sociabilité est frappante. Cuej.info a voulu savoir pourquoi les quatre pharmacies sont les seules à résister. 

Jean Jung, pharmacien dans la maille Catherine (à gauche sur la photo), livre des médicaments à domicile pour les personnes âgées ne pouvant se déplacer. (Photo David Métreau/Cuej)

Le long de la rue d'Oberhausbergen, à la limite du quartier, Jean et Charlotte Jung dirigent depuis une quinzaine d'années la pharmacie Sainte-Catherine. Ils ont à cœur de s'investir pour les habitants. « On est sûrement un des derniers lieux où les gens se rencontrent », déclare le pharmacien. Son épouse acquiesce : « C'est pour ça qu'il y a des chaises, pour que les gens puissent se poser et discuter. Parfois les gens viennent juste pour une ou deux boîtes de médicaments et restent une demi-heure ou plus à discuter avec nous ou les autres clients. »

Jean Jung encourage les personnes âgées à rester le plus longtemps à la maison. « Mais est-il normal que des personnes âgées seules vivent à Hautepierre, au 7e étage d'un immeuble dont l’ascenseur est une fois sur deux en panne, quand il n'est pas sale ou dégradé ? » Le couple Jung livre bénévolement les médicaments pour les clients qui ne peuvent pas se déplacer. François, la cinquantaine, habite la maille Catherine depuis 30 ans : « C'est surtout pour les personnes âgées qui ont du mal à se déplacer que la fermeture des commerces de proximité est regrettable. » 

Un service de pharmacie en langue étrangère

La pharmacie du Maillon, rue Dostoïevski, s'implique aussi dans la vie locale. Stéphane Scheer, son titulaire, estime que l'officine a une mission de vulgarisation auprès des habitants, surtout en raison de leur méconnaissance du français : « Ici, les gens sont très demandeurs, on leur explique comment se soigner de façon simple et imagée. Par exemple, ils ne savent pas forcément qu'en cas de gastro, il faut manger du riz et de la viande grillée. » 

Mais il a d'abord fallu dépasser la barrière de la langue. « En arrivant dans cette officine, il y a quatre ans, j'ai découvert cette population intéressante, hétéroclite, avec plus de 70 nationalités. On voit les différentes vagues d'immigration », constate le pharmacien. Il a choisi d'embaucher des personnes dont la langue maternelle n'est pas le français : « Dans la pharmacie, on a des préparatrices russophone, turcophone et arabophone. On ne vend pas que des mouche-bébés, c'est important que les clients puissent bien comprendre comment utiliser les médicaments. »

Dernier en piste à côté du centre social et éducatif du Galet,  le pharmacien Zakaria Hosni de l'officine Balzac a subi la fermeture du supermarché ATAC. Il déplore celles annoncées de la boulangerie et de la boucherie halal. Pour lui, le manque de commerces de proximité est dû à une volonté politique : « La mairie tue les petits commerces.  Ils veulent mettre des médiathèques partout, personne n'en veut ici. Ils veulent sortir les commerces des mailles. » Le pharmacien ajoute que la mairie a voulu le déplacer, mais que ça ne relevait pas de leur ressort, mais de la préfecture.

Florence Graff-Vallat, chef de projet du volet humain du Plan de rénovation urbaine (PRU) de Hautepierre, assure, elle, que la mairie a choisi de laisser la pharmacie Balzac près du Galet. « C'est compliqué de déplacer une pharmacie, d'autant que de lourds investissements ont été réalisés. » Une boulangerie  et une pharmacie seront bien relogées côte à côte en 2014, dans un nouvel immeuble, rue Cervantès, mais c'est la pharmacie du Maillon qui fera le saut de puce. « Le but est de placer les commerces sur les flux passants, proche du tramway arrêt Maillon », explique la chef de projet. 

« Stratégiquement, c'est une pharmacie par maille à Hautepierre »

Nicolas Grosmaire, propriétaire de la pharmacie Fontaine, maille Brigitte, ne juge pas d'un mauvais œil le fait d'être le seul commerce de la zone. « Les affaires marchent bien, il y a beaucoup de clients. » Pour lui, la situation des pharmacies est différente des autres activités. « Pour l'implantation, il y a des règles strictes à respecter. On ne peut partir où on veut, on ne peut pas non plus s'implanter à côté d'une autre pharmacie, ni abandonner la clientèle. Stratégiquement, c'est une  pharmacie par maille à Hautepierre. » La législation requiert un minimum de 3500 habitants pour la première pharmacie de la commune, et de 4500 habitants pour chaque pharmacie supplémentaire. 

Tant que la population sera aussi importante, le quartier Hautepierre pourra compter sur ses quatres pharmacies. 

Les quatre pharmacies de Hautepierre :  pharmacie Balzac (1), pharmacie la Fontaine (2), pharmacie du Maillon (3) et  pharmacie Sainte-Catherine (4). (Montage David Métreau/Cuej)

 

David Métreau

 

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