À proximité de la gare, des établissements montent en gamme et offrent de nouveaux services.
L'hôtel Graffalgar s'est réinventé en 2015. © Camille Perriaud
Au quartier Gare, il n’y a pas que les trains qui passent. Depuis une dizaine d’années, les établissements du quartier se réinventent avec l’arrivée de nouveaux entrepreneurs. Au 17 rue Déserte, les façades pimpantes de l’hôtel Graffalgar détonnent. Dans cette rue où les bâtiments décrépissent, le directeur de l'hôtel a cru en la renaissance de son héritage.
À la retraite de son père, Vincent Faller a repris l’hôtel familial Le Petit Trianon et racheté l’immeuble d’habitation adjacent pour le transformer en hôtel. En 2015, le directeur a fusionné ces deux établissements pour en faire le Graffalgar.
L’hôtel de Vincent Faller n’a plus rien à voir avec celui de son enfance. “Il marchait l’ancien hôte, s'anime-t-il. Des prostituées, des maquereaux, des dealers et des poivrots venaient picoler au bar !”
Désormais, son établissement se veut un hôtel lifestyle, ouvert sur le quartier. Au Graffalgar, les voyageurs peuvent occuper une chambre pour la nuit, mais les Strasbourgeois sont aussi invités à manger au café-restaurant et à occasionnellement chiner des vêtements de seconde main au deuxième étage. La chambre 201 a aussi été aménagée par une coiffeuse, Esther Sanchez qui tient un salon pour une clientèle fidèle. Pour Vincent Faller, l’hôtel ne s'adresse pas uniquement aux touristes, mais aussi aux habitants du quartier. Profitant des services proposés dans l’établissement, ceux-ci en deviennent des ambassadeurs auprès de leurs connaissances.
“Le quartier se tire vers le haut”
Déjà en 1982, Juliana Jorge a vu le potentiel du quartier en jetant son dévolu sur l’hôtel Le Grillon. Après avoir réfléchi à différents emplacements dans le centre-ville pour s’installer, elle a fait son choix. Sans regret. “J’aime bien que ce soit un quartier qui vit et d’avoir eu l’opportunité d’acheter ici”, souligne l’hôtelière. En 2016, Juliana Jorge a entrepris des rénovations. Son hôtel est désormais trois étoiles. L’entraide entre les commerçants l’anime, “on s’envoie des clients, on travaille avec les restaurants”. L’hôtelière l’affirme : “Le quartier se tire vers le haut au niveau des hôtels et des boutiques.” Sur les 22 hôtels installés dans le quartier, plus de la moitié a été rénovée en l'espace de dix ans. Sur le parvis de la gare, trois hôtels ont été rénovés ces cinq dernières années.
Les restaurateurs aussi font des efforts pour s’adapter au changement de clientèle. Au 20 de la rue Kuhn, Stéphane Heiligenstein et ses parents tiennent boutique depuis 1966. Le pâtissier chocolatier a dû se moderniser. Tourtes, quiches, salades : Stéphane Heiligenstein a revu une partie de sa carte et n’a pas hésité à investir dans un four dédié à la vente à emporter. “On a dû se réinventer, maintenant les gens mangent à leur bureau, dans le temps ils s’installaient”, concède-t-il.
Cependant, la moitié des consommateurs prend encore le temps de manger en salle. Le pâtissier chocolatier a justement apporté beaucoup de soin à la rénovation de son salon de thé pendant la crise sanitaire.
Sur la place de la Gare, Sylvain Ruhlmann voudrait que les touristes posent un temps leurs bagages chez lui. Cette place jadis seulement traversée pour prendre le train, réussit désormais à attirer grâce à une offre revalorisée “entre le milieu et le haut de gamme”.
Un savoir-faire pour lequel il faut débourser 1,90 € afin de déguster un pain choco-noisettes sur place. Ouvert en juillet 2021, Gare’mandise se veut un “salon de thé où on peut passer du bon temps sans se sentir pressé de prendre le train”. Le jeune chef pâtissier veut “surtout satisfaire les touristes avec des produits bien faits”.
De quoi séduire Ingrid, une touriste allemande de 72 ans. Elle cherche justement “à proximité de la gare, de bonnes pâtisseries fraîches et appétissantes”. Le bouche à oreille prend le relais : “C’est le collègue de mon compagnon qui nous a conseillés de manger ici. Dans le centre il y a beaucoup de chaînes, nous sommes venus ici pour la qualité”, raconte Alicja, une Alsacienne de 35 ans.
La boulangerie Gare'mandise connaît le succès commercial.
© Adélie Aubaret
“Nous, on fait partie des meubles”
Mémoire vivante du quartier, Stéphane Heiligenstein a vu les commerces se redessiner depuis 50 ans dans sa rue Kuhn. Il se souvient des grossistes, d’une bonneterie et de cinq magasins de meubles qui avaient pignon sur rue dans son enfance. Selon lui, “ça fait une dizaine d’années qu’ils ont été remplacés par des restos”. Il l’explique par “des changements de générations, et des départs à la retraite”.
Résultat : “C’est mieux qu’avant, mais pas haut de gamme non plus.” Pour sa part, il n’envisage pas de partir. Dans un quartier où défilent les valises, il le revendique : “Nous, on fait partie des meubles.”
Adélie Aubaret et Camille Perriaud
Les mues de la rue Kuhn. © Adélie Aubaret et Camille Perriaud