Dans la médiathèque Olympe-de-Gouges, rue Kuhn, la section jeunesse propose des livres labellisés “+ juste, + égalitaire” abordant l’égalité femme-homme. Les bibliothécaires accompagnent enfants et parents dans leur choix d’ouvrages plus tolérants.
“ Bien sûr que je connais ce label ! Ça veut dire que le livre parle de féminisme”, s’exclame Agathe, 10 ans, qui a découvert le terme grâce à la chanteuse Angèle. La fillette se dirige d’un pas décidé vers le rayon sciences sociales pour enfants de la médiathèque Olympe-de-Gouges. “Celui-ci, c’est mon préféré parce qu’il parle d’une fille qui a failli se faire tuer et qui s’est battue pour ses idées”, argumente-elle en attrapant Moi, Malala, récit d’une jeune Pakistanaise qui s’est opposée aux talibans.
Sur l’étagère, tous les livres ont un point commun : une pastille violette collée sur leur tranche. Il s’agit du label “+ juste, + égalitaire”, propre à la deuxième plus grande médiathèque strasbourgeoise. Au cœur du quartier Gare, rue Kuhn, elle regroupe plus de 170 000 livres dont 543 sont labellisés au rayon jeunesse et 970 au rayon adulte. Instauré en 2012 lorsque la médiathèque a adopté le nom d'une figure du féminisme, le macaron est octroyé aux ouvrages qui valorisent les questions de genre et d’égalité. “Il y a un double intérêt. C’est à la fois pour aider les bibliothécaires à faire des sélections ciblées, mais aussi pour que le public les repère dans les rayonnages”, précise Estella Peverelli, coordinatrice de l’espace Égalité de genre au rayon adulte et assistante en secteur jeunesse.
Mona, 7 ans s'est plongée dans un ouvrage labellisé. © Marine Lebegue
Estella Peverelli se tient devant l'espace jeunesse où se trouvent des livres labellisés “+ juste, + égalitaire”. © Marine Lebegue
Les livres labellisés “+ juste, + égalitaire” © Marine Lebegue et Jade Lacroix
Peu de réactions négatives
S’il est visible dans les rayons depuis une décennie, certaines personnes ne l’ont toujours pas remarqué, et d’autres le rejettent en bloc. Agnès, retraitée qui vient avec son petit-fils de 9 ans, trouve la démarche “excessive”. “C’est beaucoup trop tôt ! On passe un temps fou à discuter du genre alors qu’il y a des sujets plus importants.” “Aux premières heures du label, les réactions négatives nous étaient formulées plus ouvertement. Maintenant on en a très peu”, relativise Estella Peverelli.
Dans le coin dédié aux parents, Hélène, habituée des lieux, se réjouit d’observer que son fils Arthur est sensible aux questions d’égalité de genre : “En rentrant un soir, mon garçon de 6 ans était en colère parce qu’il venait de découvrir que les femmes étaient moins bien payées que les hommes. Ça m'a émue”, confie-t-elle à propos de l’enfant qui a désormais 8 ans. En reposant le livre qu’elle feuilletait, Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, elle s’enthousiasme d’avoir repéré le nom de l’autrice nigériane, Chimamanda Ngozi Adichie, dans un collage féministe à Strasbourg.
Une équipe engagée
Dès la mise en place du label, l’équipe de l’espace jeunesse a été formée par le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles du Bas-Rhin (CIDFF). Alexandre, contractuel chargé de l’acquisition du rayon BD asiatique jeunesse, adhère à la démarche. “L’univers des mangas est assez stéréotypé, avec un code graphique très genré. Par exemple, cette série [il montre Yamada Kun et les sept sorcières, ndlr] pose sérieusement le problème du consentement puisque les protagonistes se dérobent leurs pouvoirs en se volant des baisers.”
Il cherche donc constamment des nouvelles maisons d'édition comme Akata qui tente de déconstruire les préjugés. “Ils ont publié My Fair Honey Boy, une série qui raconte l’histoire d’un garçon féminin qui tombe amoureux d’une fille masculine.” Mais cet ancien éducateur spécialisé dans les questions de genre nuance : “Ce n’est pas parce qu’on est dans un centre de ressources féministe qu’on doit avoir [uniquement] des ouvrages de ce type.”
Pour aller plus loin dans la sensibilisation contre le sexisme, la médiathèque organise régulièrement des ateliers avec des écoles, en majorité des classes de CM1 et CM2. Si celle d’Agathe n’a pas été concernée, cela n’empêche pas la jeune lectrice de Moi, Malala de s’intéresser à la place des femmes dans la société. Dans un regard plein d’admiration pour sa fille, François, le père d’Agathe, témoigne : “C’est difficile de sortir des schémas qu’on a depuis notre enfance, donc plus c’est pris tôt, plus il y a de chance que ça marche.”
Marine Lebègue et Jade Lacroix