À Strasbourg, l’association Stimultania s’implique dans la vie du quartier Gare au profit des habitants. À travers des expositions, des ateliers et des projets, elle cherche à éduquer par l’image.
La table est dressée, bancs et chaises sont installés de part et d’autre. Verres à pied et couverts sont disposés sur la nappe bleue. À côté, une seconde table avec une quinzaine de gobelets, des bouteilles de limonade et des thermos de café ou de thé. Entre les rires et les éclats de voix, les verres se remplissent et se vident. Les huit convives font une razzia de muffins au chocolat. La scène a tout l’air d’un repas de famille. Sauf qu’elle se tient en extérieur sur la place Karl-Ferdinand-Braun, dans le quartier Gare à Strasbourg, au beau milieu des passants et des gens qui garent leur vélo.
Rozenn Droual, en service civique, présente aux participants les différents clichés pris à l'instant © Julie Arbouin
Ce goûter est en fait un atelier de photographie. Les participants se donnent du mal pour mettre en images leur conception du repas de famille. Tous les mois, l’association Stimultania organise sa Journée des habitants, une après-midi consacrée aux voisins, autour d’activités diverses.“Elle fait écho à l’exposition Cinq histoires de famille” actuellement dans ses locaux, au 33 rue Kageneck, à deux pas de là.
Les apprentis du jour sont invités à apprivoiser l’appareil. Timides, ils préfèrent laisser Rozenn Droual, en service civique à Stimultania, s’en charger. Lorsqu’il s’agit de sélectionner les clichés sur l’ordinateur, ils se montrent moins frileux. “Le noir et blanc fait ressortir une autre ambiance. Ça fait ancien, on se retrouve décalé par rapport au temps”, réalise Jean-Luc Poussin, 54 ans, habitant du quartier et photographe amateur.
“Prendre l’espace public”
Un peu plus tard dans l’après-midi, une mère et ses trois filles ralentissent le pas à l’approche de la tablée. Elle éveille leur curiosité : “Qu’est-ce qu’il se passe ici ?” La scène compte quatre nouvelles convives.
Jean-Luc Poussin, habitant du quartier Gare, repart avec sa photo en noir et blanc © Yann Rudeau
“Les activités sur la place, ça permet de prendre l’espace public, de créer un point de rencontre”, explique Maïté Smerz-Marchel, 27 ans, médiatrice de Stimultania. Elle imprime les clichés du jour pendant que les participants profitent de la visite guidée de l’exposition. Jean-Luc Poussin se marre en se voyant lui-même lécher l’assiette lors des agapes en plein air. Ludovic Szrednicki, animateur de l’association Aube qui accueille des personnes en difficulté psychologique ou psychiatrique, repart satisfait de sa sortie avec cinq bénéficiaires. L’atelier a servi de premier contact avec Stimultania avant un partenariat prévu pour 2023 entre les deux structures.
Stimultania travaille régulièrement avec divers acteurs sociaux. Cette année, elle a collaboré avec le foyer Adoma du quartier Gare, qui propose des hébergements à des personnes précaires. Avec le photographe Yann Datessen, les résidents ont travaillé sur le thème de l’intérieur. Ils ont choisi une image qui représente un lieu de vie durable. La photo, une banale chambre d’hôtel marseillais, suscite deux interprétations différentes : symboles de stabilité et d’équilibre pour les pensionnaires, d’enfermement pour l’artiste. Cette expérience a inspiré une exposition permettant aux résidents de travailler dans l’intimité de leur studio. Place Karl-Ferdinand-Braun, le cliché à l’origine de la collaboration en 6 x 5 mètres trône sur le pignon de la Maison de l’image.
Julie Arbouin et Yann Rudeau
© Yann Rudeau