Les contrôles sont fréquents, au point que les forces de l’ordre deviennent des “potes”. Taxes, mise en conformité, systèmes de sécurité, vérifications : “Beaucoup s'imaginent qu'on ne fait que tirer toute la journée, qu'on mange flingue, qu’on pisse flingue, qu'on dort flingue. Non, non, non. C’est 90 % d’administratif, 9 % d'armes et 1 % d’essais.” Une contrainte qui serait impossible à assumer sans la passion et l’histoire familiale. La nouvelle génération est en marche, Adrien est devenu papa en 2024. Il a déjà offert à son fils sa première carabine !
Les licences de vente et de fabrication posent aussi problème. Elles sont nominatives et à vie : si les parents décident de partir à la retraite, leurs licences les suivront. Adrien et Émilien ont donc entamé les démarches d’obtention. Émilien lève les yeux au ciel : “J’ai les compétences et je travaille dans une armurerie depuis dix ans, mais le dossier prend quand même un minimum de cent heures à remplir.”
Mais les deux frères se heurtent tout de même à quelques difficultés pour reprendre l’affaire. “C'est pas un héritage, c'est une malédiction”, rigole Adrien qui raconte les désaccords sur l’entrée d’armes modernes au catalogue. Son grand-père vendait encore des arbalètes quand il propose aujourd’hui des armes électroniques à la pointe de la technologie qui n’ont “même plus de poudre”. La passion de la famille Recht évolue à chaque génération.
Au fin fond de la zone d’activité d’Eckbolsheim, une boutique détonne : Osez Pilirose. Repris il y a deux ans par une employée, ce sexshop fréquenté par une clientèle masculine et âgée vient de nouer une collaboration avec une sexothérapeute et une organisatrice de soirées libertines.
À 60 ans, Nicolas Schwarz se dit prêt à mettre fin à trente-trois années d’activité : “Le temps qu'il me reste à vivre, je vais essayer de le passer avec mon épouse. C'est une page qui se tourne, mais elle doit se tourner.” Face à son regard quelque peu désabusé sur son métier, ses enfants ont renoncé à l’idée de perpétuer la tradition.
La philosophie du grand-père inspire Adrien, qui tient actuellement la boutique avec son frère, tandis que leur père et leur oncle restent propriétaires. Il se dit fier de cet héritage familial : il a grandi avec l’armurerie et ses “tireurs”, comme il les appelle, dont certains sont déjà clients depuis quatre générations.
Sur le plan financier, ça n’a pas toujours été facile pour lui. Il l’assure, il ne faut pas chercher à s’enrichir lorsque l’on se lance dans ce métier. “Si vous avez trop faim au début, ça ne sert à rien. Quand on est jeune, on sait faire ceinture. Toute votre richesse, elle est dans le savoir-faire”, confie-t-il. De plus, l’activité exige des dépenses régulières, notamment pour renouveler les 55 000 références de tissu. D’après lui, cet aspect contribue à décourager les jeunes aspirants.
Fort des notions d’ébénisterie que lui a transmises son père, le patron d’Eska Decor propose une combinaison de savoir-faire. Ajouté au travail du tissu pour des rideaux, de l’ameublement ou encore des couvre-lits, le tapissier rénove aussi les boiseries des meubles qui lui sont confiés. Ces compétences multiples, il n'a pas pu les retrouver chez les quelques apprentis qui ont voulu tenter l’aventure. Il en est aujourd’hui convaincu, le métier de tapissier est sur le point de disparaître. “Je n'ai pas vraiment cherché de repreneur, parce que je sais que la plupart de mes confrères étaient avec moi en classe et sont aussi près de la retraite”, avoue-t-il.
Bien qu'il ait pris sa décision un soir d’août 2025, le garagiste tarde à l’annoncer à ses clients. “Je ne vais pas dire qu’ils sont tristes, mais ils savent très bien que le futur fonctionnement ne sera pas le même que le mien.” Il regrette un changement de mentalité et d’approche dans le secteur de l’automobile : “Il y a trente ans, on respectait le client, mais aujourd'hui c'est pognon, pognon.” En dépit de ses inquiétudes, Arnaud Strauel se réjouit de cette “nouvelle vie qui commence”. Il a hâte de pouvoir profiter de longues journées de bricolage sur ses précieuses voitures de collection.
“Quand j’ai commencé, en 1992, il y avait 90 tapissiers sur l’Eurométropole. Là, ils ferment les uns après les autres”, déplore l’entrepreneur. En cause, la transformation du métier, mais aussi la formation reçue par les apprentis-tapissiers. “Dans le temps, vous aviez deux années de pré-apprentissage et trois années d’apprentissage. Aujourd’hui, l’État considère qu’en deux ans, les jeunes savent tout faire, mais ils ne connaissent même pas l'outillage”, expose Nicolas Schwarz.