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Une répartition des subventions qui interroge
Les communes disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou reconduire une subvention. Elles ne sont donc tenues à aucune obligation de soutien. Elles attribuent librement, une fois par an, les aides aux structures de leur choix. À Eckbolsheim, il faut adhérer à l’Office municipal des sports, des arts, des loisirs et de la culture (Omsalc) pour y prétendre – à condition d’exister depuis au moins deux ans et de participer chaque année à un événement communal. Les 30 associations membres se partagent ainsi une enveloppe de 64 000 euros.
François Jouan, tête de liste d’opposition Un renouveau pour Eckbo pour les municipales de 2026, critique un manque de transparence qui, selon lui, fragilise la vie locale : “L’Omsalc, c’est complètement opaque, complètement cornaqué par les adjoints actuels. Il y a une vision un peu passéiste de la culture à Eckbolsheim.”
Du côté du théâtre de Wolfisheim, Christa Wolff, directrice du Thenso, a dû déménager costumes, panneaux de bois et tout le matériel essentiel à sa troupe, chez elle, dans sa “Maison théâtre”. Cette relocalisation fait suite à la fermeture du fort Kléber, actée à contrecœur par la commune en 2024, sur injonction de la préfecture. Elle dénonce : “Il n’y a pas de fierté, pas de volonté de la commune d’avoir une vie culturelle jaillissante.”
“À Wolfisheim, tout s’arrête à Wolfi Jazz”
Céline Hadj, conseillère municipale et tête de la liste d’opposition Wolfisheim dynamique et citoyenne pour les municipales de 2026, regrette elle aussi le départ d’associations suite à la fermeture du fort. “À Wolfisheim, tout s’arrête à Wolfi Jazz”, poursuit-elle. Sous le couvert de l’anonymat, un responsable associatif abonde : “Wolfi Jazz, c’est le bébé de la municipalité. Il n’y a plus de place dans le berceau pour le reste de la culture.”
“On n’a pas été très bien reçus”
À Eckbolsheim comme à Wolfisheim, les personnes qui souhaitent faire émerger de nouvelles initiatives associatives évoquent des tensions avec des élus. Par peur de perdre leur local ou leurs subventions, certaines souhaitent témoigner de façon anonyme. Comme cette responsable d’Eckbolsheim qui confie : “On n’a pas été très bien reçus. Ils [la mairie] nous écoutaient d’une oreille en disant que ça ne marcherait pas.” Là encore, elle s’est tournée vers les habitants du quartier pour mener son projet à bien : “On est allé jusqu’au bout et ça a été un franc succès. Ce manque de soutien a provoqué une grande solidarité.”
Vice-présidente de la chorale d’Eckbolsheim, Sabine Breton-Savio, évoque aussi le désintérêt de la municipalité : “La moindre des choses serait de venir nous écouter. On ne les sent pas derrière nous. Ils ne nous soutiennent pas, ils ne dynamisent rien. Ils ne vont pas nous aider.”
Mais pour cette petite structure, les débuts ont été difficiles : “On ne nous a pas déroulé le tapis rouge. Au départ, nous n’avions pas de subventions de la mairie, car elle ne croyait pas en nous. Pour eux, on allait se contenter de jouer au Scrabble”, lâche Laetitia. Sans soutien financier, ni accompagnement, Laetitia et Laurent se sont appuyés sur la solidarité locale : “On échange avec les autres associations de jeu, on travaille ensemble. C’est précieux.”
Les boîtes de toutes les couleurs tapissent les murs, du sol au plafond. C’est dans une pièce de sa petite maison à colombages, au cœur de Wolfisheim, que Laetitia Schott conserve les centaines de jeux de société, achetés au fil des ans sur ses propres deniers, pour son association. Créée il y a quatre ans avec son mari Laurent, Ludi Wolfi s’est donné un objectif : tisser du lien social grâce au jeu, dans cette commune de 4 000 habitants. Avec le temps, la maison du couple est devenue un repaire où les familles viennent emprunter jeux de société et jeux vidéo. Le duo a même lancé son propre festival, Wolfi Folies, en 2022, qui a accueilli près d’un millier de participants l’année dernière.
À Wolfisheim et Eckbolsheim, les petites associations peinent à se lancer et à faire vivre leurs projets. Entre malaise et incompréhension réciproque, les relations entre élus et bénévoles se crispent au prix d’un affaiblissement du tissu associatif local.
La rapidité avec laquelle la préfecture a délogé les associations a stupéfié tout le monde. La préfète a adressé une lettre à chacune d’elles, leur ordonnant de libérer les locaux sous trois semaines. Paul Matthis, professeur et président du club d’aïkido, en est encore sonné : “Je ne m’attendais pas à ce qu’on soit viré comme ça. On savait que ce n'était pas aux normes, mais ça fait 27 ans que c’est le cas.”
Un an plus tard, même si son école a trouvé une solution de relogement à Oberschaeffolsheim, il n’a pas oublié Wolfisheim : “J’ai la chair de poule rien que d’en parler. Quand je mets la voiture au fort Kléber, j’ai envie de pleurer. Ce fort, c’est ma vie, j’y ai plus vécu qu’avec ma famille.” De ses propres mains, il avait posé des sols et monté des murs, afin de transformer un vieil entrepôt militaire en véritable dojo.
Alice Billia et Baptiste Demagny