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État de droit : le Parlement dénonce le laxisme de la Commission


17 février 2022

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L’eurodéputée Gwendoline Delbos-Corfield (Les Verts/ALE, écologistes) critique l’inaction de la Commission européenne face aux violations de l’État de droit en Pologne et en Hongrie. ©European Union 2022 - Source : EP

Après le feu vert de la Cour de justice de l’Union européenne ce mercredi 16 février, le Parlement européen appelle la Commission à sanctionner financièrement la Pologne et la Hongrie, accusées de violer l’État de droit.

Ce mercredi, les eurodéputés ont à nouveau pressé l'exécutif européen à prendre des sanctions financières contre Varsovie et Budapest en raison de leurs violations répétées de l’État de droit. “Qu’est ce qu’on attend encore?”, “Il faut agir maintenant”, “Il est grand temps que le règlement soit appliqué”, a-t-on ainsi pu entendre dans l’hémicycle. 

La Cour de justice de l'UE (CJUE) a confirmé, plus tôt dans la journée, la légalité du règlement de conditionnalité liant le versement de fonds européens au respect de l’État de droit. Ce qui veut dire que l’intimidation des juges, la discrimination des minorités et la corruption pratiquées par les deux pays pourraient être punies par une réduction, voire une suspension des financements européens. Aux yeux des députés, la Commission n’a désormais plus d’excuses pour ne pas agir.

L’exécutif européen tergiverse

Jusqu’ici, l'institution bruxelloise a privilégié les demi-mesures. Elle s’est contentée de geler les fonds de relance destinés à la Pologne et la Hongrie alors que le règlement de conditionnalité, entré en vigueur le 1er janvier 2021, lui permettait d’engager des sanctions financières strictes sans demander l’approbation de la Cour de justice européenne. Lassé par la bienveillance de l’exécutif à l’égard de ces pays, le Parlement européen a saisi en octobre 2021 la Cour afin de faire condamner la Commission pour non-application du règlement de conditionnalité. 

Après le verdict de la Cour, la dirigeante de l’exécutif européen Ursula von der Leyen ne semble toujours pas partager l’empressement des députés. Elle n’a pas fait le déplacement à Strasbourg pour échanger avec eux. Elle a simplement déclaré dans un communiqué travailler sur les “lignes directrices” des conditions d’application du régime de conditionnalité. 

Pour Sophia in 't Veld (Renew, libéraux), présidente du groupe de surveillance sur la Démocratie, l'État de droit et les Droits fondamentaux (DRFMG), cette attitude est hypocrite :  “La Commission prétend ne pas vouloir s’immiscer dans les affaires intérieures des États membres, mais elle finance indirectement l’empire de Viktor Orbán depuis douze ans.” La Hongrie et la Pologne sont en effet les deux plus grands bénéficiaires nets du budget européen.

La Hongrie en première ligne

En ce qui concerne le cas hongrois, la Commission pourrait agir rapidement. Le bruit court même au Parlement que la feuille de route concernant le mécanisme de sanctions serait prête depuis plus d’un mois. “Plusieurs commissaires nous ont dit qu’ils attendaient simplement le feu vert de la CJUE. Le dossier technique est préparé, on peut prouver que la Hongrie a employé des fonds européens de manière contraire à l’État de droit”, confie l’eurodéputée Gwendoline Delbos-Corfield (Verts/ALE, écologistes). “Mais depuis deux semaines, poursuit-elle, la communication est devenue ambiguë.” Elle suspecte la Commission de jouer le même jeu que Viktor Orbán, à savoir attendre que passent les élections hongroises avant d’agir. Le communiqué laconique de la Commission suite à la décision de la CJUE semble confirmer ses doutes quant à l’engagement de cette dernière. “C’est la douche froide ce matin, c’est très inquiétant" s’alarme Gwendoline Delbos-Corfield. "Il y a quelque chose de politique qui est en train de se jouer.”

Un mécanisme grippé pour Varsovie

Pour la Pologne, le dossier est peut-être encore plus mal engagé. Si les violations de l’État de droit dans le pays dirigé par Mateusz Morawiecki sont évidentes, notamment en matière de discrimination à l’égard des minorités sexuelles et d’indépendance de la justice, ces atteintes ne peuvent pas être directement liées à une utilisation malhonnête des fonds européens. Or, cette condition est nécessaire à l’activation du mécanisme de conditionnalité. Ainsi, le règlement, présenté comme la meilleure solution pour défendre l’État de droit, pourrait être impuissant.

Les tensions au sein des institutions européennes risquent de s’intensifier si la Commission continue à jouer la montre. L’eurodéputé Sophia in 't Veld se dit en faveur d’un ultimatum suivi d’une motion de censure : “Lorsqu’il n’y a pas de conséquences politiques aux mauvais comportements des dirigeants, il n’y a plus de démocratie.”

Matei Danes et Audrey Senecal
 

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