Dans la capitale alsacienne, la Saint-Valentin durera dix jours. Balades en calèche, shooting photo et slows, le programme de festivités imaginé par la Ville laisse les Strasbourgeois rêveurs (ou pas).
Passerelle de l'Abreuvoir à Strasbourg. / Pierre Griner
Des mouettes survolent au ralenti les canaux de l'Ill tandis qu'hommes et femmes de tous âges marchent fièrement aux quatre coins de Strasbourg, de la Krutenau au Port du Rhin en passant par la Petite France. Sourires niais barrant les visages, de braves Strasbourgeois se mettent à courir alors que la musique va crescendo. Ils convergent tous vers le même endroit – le parvis du Palais Rohan – avant de se rassembler par binômes et d'entamer béatement une danse mi-slow mi-valse. La vidéo de présentation de « Strasbourg mon amour » se termine sur une vue aérienne du centre-ville dans la grisaille. Pour faire rêver, on aura vu mieux.
Si la voisine Colmar serait une « petite Venise », c'est Strasbourg qui met la Saint-Valentin à l'honneur pendant dix jours depuis maintenant sept ans avec son événement « Strasbourg mon amour », du 8 au 17 février cette année. Pendant cette période, des soirées, concerts, spectacles, expositions ou conférences sur le thème de l'amour sont organisés en divers endroits de la capitale alsacienne. Mais avec un mois de février qui compte en moyenne 84 heures d'ensoleillement et une température de 3°, Strasbourg réinvente-elle vraiment la fête des amoureux – rien que ça – comme elle le proclame ?
Les avis sont mitigés. Si Valérie, employée à l'office de tourisme, apprécie les visites de caves à vin ou les bals dansants et autres « Baby booms » organisés au café des amours, monté pour l'occasion sur la place Kléber, pour Khalil, réceptionniste d'un hôtel du centre-ville, « Strasbourg mon amour » est d'abord une célébration commerciale. « L'accent devrait être mis sur l'aspect romantique indéniable de Strasbourg tout au long de l'année, plutôt que d'organiser un événement centré sur une fête beaucoup trop commerciale ». Sûrement en référence à la « Slow Party » ou au « Speed Dating sur patins » du 14 février, il estime que certains rendez-vous sont un peu démodés, voire cucul, et pas adaptés à un public jeune « qui veut juste faire un petit restaurant sympa, une sortie en boîte, et pas aller dîner en amoureux avec des gros cœurs qui pendent du plafond et un serveur déguisé en lapin Playboy » lâche-t-il le sourire aux lèvres. Il s'empresse ensuite de rhabiller pour l'hiver le café des amours : « c'est beaucoup trop kitsch... ».
Rémi, chocolatier, abonde dans son sens : « avec des événements comme 'La croisière s'amuse' (organisée par Batorama le 15 février), on est clairement dans le ringard avec ce genre de sorties vieillottes ». C'est dit. Il déplore aussi le côté commercial de l'événement, pendant lequel restaurants et cafés n'hésitent pas à augmenter leurs prix selon lui. Sa collègue Luz, la soixantaine, s'exclame, avec son accent chantant sud-américain : « L'amour c'est tous les jours ! Pas besoin d'un jour spécial, et puis ça tourne toujours autour du sexo maintenant ! ». Même si on ne perçoit pas tout de suite le potentiel lubrique d'événements tels que le « Brunch des amoureux » ou le concert de clavecin au Palais Rohan.
Nâdiya, Kubranur, et Clélia ne connaissaient pas « Strasbourg mon amour ». Mais pour les trois étudiantes, la ville a véritablement une touche de romantisme à offrir, « avec ses canaux, petites ruelles et vieilles maisons ». Le secret d'une sortie en amoureux réussie ? Simplement être à l'aise avec l'autre personne. « Ce n'est pas le lieu ni l'ambiance qui compte le plus » affirme Kubranur. Pas forcément besoin de bal salsa, d'un shooting photo « boudoir » ou d'une « soirée tigres et tigresses » donc...
Pierre Griner