Vendredi 19 septembre, Mohammed E. est condamné à un an de prison avec maintien en détention et est interdit définitivement de territoire français pour avoir menacé cinq femmes à l’aide d’une arme factice. Un acte assumé par le prévenu, qui clame un malentendu.
Au tribunal de Strasbourg, un homme condamné après avoir utilisé une fausse arme. ©Lucie Porquet
“C’était une blague !”. Mohammad E., 28 ans, secoue la tête en fronçant les sourcils. Le prévenu, qui s’exprime en anglais, fixe son interprète, un regard d’incompréhension permanent sur son visage. Il ne cesse d’intervenir pour corriger le président, qui le reprend vivement. Il ne nie pas avoir pointé un pistolet automatique sur une serveuse d’un restaurant strasbourgeois, lorsqu’elle aurait refusé de le laisser accéder aux toilettes car il n’était pas client. Puis d’être reparti, et d’avoir à nouveau braqué son arme sur plusieurs femmes. Mais le jeune homme jure qu’il s’agissait d’une plaisanterie, qu’il pensait que tout le monde saurait que l’arme était factice.
Des victimes choquées
“C’est tout sauf marrant, lui répond le président. Pour les personnes sur qui vous avez pointé l’arme, c’est très impressionnant.” La défense du jeune homme reste la même : il aurait acheté son arme factice au marché, parce que “ça me rendait heureux”. Il jure ne pas avoir menacé qui que ce soit, n’avoir sorti à plusieurs reprises son arme qu’“en rigolant”. Cinq femmes auraient ainsi été pointées par le canon du faux pistolet automatique. L’une d’entre elles aurait fondu en larmes avant de partir en courant, les autres se déclarent toujours très choquées de l’incident.
“Je voulais juste qu’elles m’aident, qu’elles me donnent de l’argent, s’exclame le prévenu. Je leur ai même dit merci, et soufflé un baiser avant de partir.” Le président de la cour souffle : “Il n’est pas dans la réalité.” L’échange se prolonge, tourne en boucle. Mohammad E. continue de clamer sa bonne foi.
Trouble de la personnalité
Le jeune homme est né en Irak. Il en est parti en 2017, et n’est arrivé en France qu’il y a six mois. En juin, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Lille à 10 mois d’emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle, exhibition sexuelle et outrage. En août, il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Strasbourg, après avoir été accusé une nouvelle fois d'exhibition sexuelle. Dans le box des prévenus aujourd’hui, il supplie la cour de ne pas l’envoyer en prison, que “c’est la première fois, je ne recommencerai pas”. Une expertise psychiatrique réalisée en août révèle qu’il aurait une altération du discernement, dûe à un trouble de la personnalité.
L’intervention du procureur est courte : pour lui, il faut être ferme. Il parle du contexte d’insécurité que ressentiraient les Français, de la dangerosité du prévenu. Il affirme que le dossier est simple et requiert 18 mois d’emprisonnement avec maintien en détention. L’avocat de la défense, lui, insiste qu’il risquait gros : “On a des patrouilles militaires, il aurait pu se faire exécuter sur place.” Il en conclut que le prévenu était sincèrement persuadé de “faire une blague”, et que son attitude n’était donc pas dangereuse pour la société. L’avocat ne demande pas pour autant de relaxe, car son client a reconnu les faits, mais sollicite le sursis, qu’il juge "adéquat" à sa situation.
À l’issue des délibérés, le prévenu est condamné à un an d’emprisonnement et à une interdiction définitive du territoire français. Le prévenu s’exclame alors en français “Pourquoi ? Je n’ai pas de problème !” Il tente de résister quand les policiers lui attrapent les bras pour le faire sortir, et se met à hurler au président que la décision est injuste. La porte se ferme, mais ses cris résonnent encore dans la salle d’audience lorsque l’affaire suivante est annoncée.
Lucie Porquet
Edité par Eva Lelièvre