Le conseil départemental du Bas-Rhin a décidé le 10 février d'arrêter les subventions pour l'hébergement d'urgence. Une décision "criminelle" pour Monique Maitte, porte-parole du collectif SDF Alsace, qui a tenu mardi 16 février à la médiathèque Olympe de Gouges une conférence sur le difficile quotidien des femmes à la rue.
Selon les derniers chiffres nationaux, deux SDF sur cinq sont des femmes. Strasbourg n’échappe pas à la règle. Monique Maitte constate qu’elles sont plus nombreuses à dormir dans la rue ou à venir en centre d’hébergement d’urgence qu’il y a dix ans. En cause : des ruptures familiales, professionnelles ou affectives qui leur ont fait perdre leur toit et leurs repères. Elles sont également plus touchées par la crise du logement de ces dernières années. A Strasbourg, outre les centres d’accueil de jour, beaucoup se réfugient dans les bibliothèques et médiathèques de la ville ainsi qu’aux points de distribution de repas. Monique Maitte les qualifie de "femmes givrées" qui sont "un peu gelées sur place et doivent développer des techniques pour survivre dans la rue".
Elles doivent se protéger en permanence. Monique Maitte, qui a elle-même vécu huit ans dans la rue à Strasbourg, en témoigne : "Une femme seule peut se faire violenter, violer et dépouiller à tout instant". Face à ces violences, Monique Maitte explique qu’elles adoptent des stratégies comme se mettre en couple, intégrer un groupe ou même posséder un chien. A Strasbourg comme ailleurs, certaines acceptent de payer deux euros la nuit chez un "marchand de sommeil" pour dormir alignées dans un couloir. La question de l’hygiène est aussi une "violence terrible" pour ces femmes. Monique Maitte déplore ainsi le manque d’intimité et d’offre de soins.
À Strasbourg, le dispositif d’hébergement d’urgence compte 179 places, auxquelles s’ajoutent 210 places temporaires disponibles de novembre à mars. Mais comme partout en France, l’offre est insuffisante. Selon Monique Maitte, chaque soir, le 115 refuse une place à une cinquantaine de femmes isolées à Strasbourg. Elle remet aussi en cause la mixité de certains lieux d’accueil qui peut mettre en danger les femmes seules. Monique Maitte rêve d’un "lieu d’accueil inconditionnel" pour les femmes SDF où elles pourraient recevoir des soins, se doucher et se reposer quand elles le veulent. Un souhait qui ne semble pas aujourd’hui être la priorité du Conseil départemental du Bas-Rhin.
Estelle Pattee