Meetic en 2001, puis Tinder en 2012. Les deux géants de la rencontre en ligne ont profondément changé les habitudes des célibataires à la recherche de l’âme sœur ou de conquêtes plus légères. De nouvelles pratiques qui mettent en péril les agences matrimoniales et de rencontres ? Pas forcément. À Strasbourg, trois enseignes sont encore implantées au centre-ville. Et arrivent à tirer leur épingle du jeu parmi les réfractaires au numérique.
«J’ai déjà assez donné sur Internet.» lance Nathalie*, veuve de soixante ans. À la recherche d’une «vraie rencontre» depuis deux ans, elle s’est décidée cette semaine à s'inscrire dans l'agence de rencontres Ozémé, à Strasbourg. «Lorsque j’ai lu cette annonce dans la presse (NDLR : celle d’un homme à la recherche d’une relation sérieuse, publiée via l’agence) j’ai eu un déclic. J’ai alors contacté la conseillère pour m'inscrire», raconte la sexagénaire.
«Je reçois tout type de clients, du cadre supérieur à l'ouvrier», révèle Martine Scheer, directrice de cette agence indépendante installée à Strasbourg depuis 19 ans. «Souvent, ces hommes et femmes le font par soucis de discrétion. Lorsqu’une personne occupe un poste important, elle n’a pas toujours envie de publier sa photo sur un site de rencontre». Dans son bureau, Martine Scheer accueille des hommes et des femmes dont la moyenne d’âge se situe entre 40 et 90 ans. Une tranche d’âge aussi majoritairement représentée chez Fidelio, agence matrimoniale strasbourgeoise située à moins d’un kilomètre de la première.
L’amour à tout prix
«Nos clients sont souvent des déçus d’Internet», précise Céline Gauthier, conseillère dans cette deuxième agence, franchisée cette fois. Photos trompeuses, faux profils, mensonges sur la situation professionnelle... « À l’arrivée des sites de rencontres, beaucoup de célibataires y sont allés. Mais en sont revenus, et avec beaucoup de désillusions». La conseillère va même plus loin dans son analyse du marché de l’amour : «Aujourd’hui, on peut même dire que nous récupérons de la clientèle grâce à ces sites».
Car dans ces agences, ce sont les conseillères qui jouent les entremetteuses. Plus difficile de tricher dans ces conditions. Après l’inscription, un entretien de 1h à 1h30 est prévu avec la conseillère. Celle-ci va ensuite rechercher le profil d’un autre client qui pourrait lui correspondre, et aboutir ainsi au sacro-saint premier rendez-vous. «Après la rencontre, il y a un suivi», explique Martine Scheer. Les deux protagonistes vont devoir débriefer avec leur conseillère. «S’ils se plaisent, c’est bien. Sinon, on continue les recherches et les rendez-vous. Autant de fois qu’il le faudra.»
Un suivi qui a un prix. Les deux agences strasbourgeoises n’ont pas voulu communiquer leurs tarifs, mais ce type de prestation dépasse facilement le millier d’euros dans d’autres enseignes. Un sacré investissement, comparé à la gratuité de l’application Tinder et l’abonnement mensuel d’une trentaine d’euros pour le site Meetic.
Pas de quoi décourager Nathalie pour autant : «Ça revient un peu cher, mais s’il y a la qualité au bout… C’est un effort financier pour trouver mon compagnon idéal».
Des périodes de remises en question
Difficile d’établir des moyennes de fréquentation pour ces agences. Néanmoins, Céline Gauthier précise qu’il y a quelques pics dans l’année. «Il y a des périodes de remises en questions», explique la conseillère. «C’est notamment le cas autour de Noël ou de Nouvel an, où la solitude peut peser. Nos clients se disent que c’est la dernière fois qu’ils veulent passer les fêtes seuls.» Une affluence plus forte qui se remarque aussi en ce moment, à l’approche de la Saint-Valentin.
* Le prénom a été modifié
Camille Battinger