Chaque année, le mois de septembre est marqué par le retour des soirées étudiantes et des week-ends d’intégration. À cette occasion, les prétextes pour consommer abondamment de l’alcool se multiplient, le tout en banalisant sa nocivité. Témoignages.
La rentrée amène son lot de soirées, souvent arrosées d'alcool, au grand dam de certains étudiants. Photo libre
« Le jeudi soir, les gens disent qu’il faut se mettre une race, c’est une mentalité. » Nathalie sait de quoi elle parle. Etudiante de 21 ans en licence de psychologie à l’université de Strasbourg, elle s’investit régulièrement dans la vie associative du campus. Passée par la faculté de mathématiques, l’Alsacienne déplore les conséquences délétères de l’alcool sur le quotidien des étudiants. « Au bureau de mon association, on me disait que le meilleur moyen d’intégrer les nouveaux venus était de les faire consommer. Il n’était même pas rare que l’on contourne la légalité en vendant des boissons à des mineurs. » Nés en fin d’année, les nouveaux étudiants n’ont pas encore 18 ans au moment de la rentrée et peuvent déjà acheter de l’alcool. Un sondage réalisé en 2021 par l’assurance Macif indique que 32,5% des 18-30 ans boivent au moins une fois par semaine.
« Il y a un décalage avec mes amis qui boivent »
Lorsqu’elle entre à l’université, la jeune femme sort toutes les semaines. Chaque prétexte est bon pour boire. « Si tu veux danser avec des gens alcoolisés, tu te poses très vite la question de le faire aussi pour être dans le même délire qu’eux. Ce n’est pas une pression explicite, mais elle existe bel et bien. »
En mai 2021, la jeune femme est hospitalisée à l’hôpital de Hautepierre, à Strasbourg. En cause : un malaise lié à une consommation excessive d’alcool. Pendant 12 heures, elle est gardée en observation sous l’œil attentif des soignants. Un souvenir qu’elle relate de manière lacunaire, en raison d’un blackout au cours de la soirée. « Aujourd’hui, je suis traumatisée de boire. Il y a un vrai décalage avec mes amis qui continuent à le faire. Quand minuit arrive, je fatigue et mon envie de rentrer chez moi se manifeste là où les autres ont un regain d’adrénaline. »
« Oh, t’es pas fun Adèle ! »
La boisson est solidement ancrée dans l’inconscient collectif comme un moyen de socialisation. « Quelqu’un qui ne boit pas est considéré comme déviant et anormal car il transgresse la norme sociale. Sa place dans le groupe peut être questionnée à travers des moqueries, des humiliations, voire une exclusion », décrypte auprès du Figaro Gregory Lo Monaco, docteur en psychologie sociale et professeur en sciences de l’éducation à l’Université d’Aix-Marseille.
Adèle en a fait les frais durant ses études : « Lorsque je quitte ma ville natale pour m’installer à Montpellier, je me dis que je vais profiter des sorties pour pallier mon isolement. Je buvais pour faire comme tout le monde, mais le goût ne m’a jamais attirée. » Plutôt que d’opter pour des sirops ou des sodas, l’étudiante de 24 ans continue à se forcer pendant deux ans pour éviter les remarques des autres étudiants. « Les personnes qui venaient en soirée avec un soft étaient cataloguées comme ennuyeuses. Personnellement, je n’étais pas en mesure de finir les doses qu’on me servait, ceux qui avaient une grosse descente devaient les finir. »
Une glorification dont les contours ne s’arrêtent pas seulement aux soirées. « Lors du repas de Noël, mes parents étaient surpris que je refuse du champagne. Lors d’une après-midi avec des amis, je prends un jus d’ananas et on me rétorque “Oh, t’es pas fun Adèle !” »
Qu’importe, sa conviction reste la même : ses soirées, elle les passe désormais à jeun.
Milan Busignies
Édité par Amjad Allouchi