Jeudi 18 septembre, le cinéma UGC de Strasbourg présentait, en avant-première, « La petite dernière ». Le film, réalisé par Hafsia Herzi, a été récompensé lors de l’édition 2025 du festival de Cannes et sortira le 22 octobre. Une oeuvre singulière, qui retrace la quête identitaire d’une jeune femme, tiraillée entre des univers à priori inconciliables. La projection a été suivie d’un échange avec la réalisatrice.
Hafsia Herzi est venue présenter son dernier film en avant-première. © Clémentine Soupart--Lejeune
« J’ai eu un coup de cœur, c’est difficile à expliquer. J’ai été touchée par son regard, par ce qu’elle dégageait. » C’est en ces termes qu’Hafsia Herzi relate sa rencontre avec Nadia Melliti, protagoniste de son dernier film, La petite dernière. Le long-métrage a permis à la jeune actrice de décrocher le Prix d’interprétation féminine du festival de Cannes. Un aboutissement rendu possible par la rencontre fortuite entre deux femmes, réalisatrice et actrice en herbe, qui fait écho au scénario du film, présenté en avant-première jeudi 18 septembre, au cinéma UGC de Strasbourg. Il sortira en salles le 22 octobre.
Écran noir. On découvre Fatima de dos, ses longs cheveux sombres couvrant ses épaules nues, se lavant minutieusement le visage et les mains. Puis à nouveau, récitant une prière, avant de jeter un regard sur l’horizon de grands ensembles gris qui se déploie depuis sa fenêtre. La jeune femme de 17 ans, passionnée de football, vit avec sa famille en banlieue parisienne, petite dernière d’une fratrie de trois soeurs. Élève brillante, elle évolue dans un cercle d’amis exclusivement masculin, au sein duquel la violence des mots laisse peu de place à l’ouverture et la nuance. Avec l’obtention d’un baccalauréat littéraire avec mention, le parcours de Fatima connaît un premier tournant : la perspective d’un cursus prestigieux à la faculté de philosophie de la Sorbonne.
La ferveur de la nuit, le silence du jour
Le début du film laisse présager un scénario classique : l’itinéraire d’une jeune transfuge, tiraillée entre deux univers opposés. Les règles du foyer familial de jour, la liberté des rues de la capitale de nuit. Mais rapidement, une faille s’ouvre, et l'œuvre dépasse la trajectoire escomptée. Alors que son entourage familial lui rappelle sans cesse sa destinée de future femme mariée – à un homme – Fatima se cherche et tente, en secret, d’appréhender son attirance pour les femmes. Une quête d’identité qui la bouscule, et la pousse à opter d’abord pour des rencontres sous une fausse identité. Parallèlement, elle croise la route de Ji-Na, jeune infirmière coréenne tourmentée, avec laquelle elle va vivre sa première histoire d’amour. Goûtant à la vie estudiantine jusqu’à ses excès, Fatima explore sa sexualité, mais reste prisonnière des attentes de sa famille et d’un questionnement insoluble sur son rapport à la foi. Un cheminement complexe, matérialisé à l’écran par des silences forts, des jeux de contrastes et de reflets, sur les fenêtres tristes du métro parisien.
Sans parvenir à entièrement se libérer du schéma attendu d’un roman d’apprentissage, La petite dernière se distingue par sa mise à l’honneur, en images, de l’amour au féminin. L’amour conflictuel mais sincère que se portent Fatima et ses sœurs. L’amour inconditionnel d’une mère soutenant sa fille sans égard pour ses choix. Et l’amour amoureux que peuvent se porter les femmes, et dont le 7e art a tant tardé à s’emparer.
Clémentine Soupart--Lejeune
Édité par Esther Dabert