Ils sont 1.700 à avoir adopter le stück, la monnaie strasbourgeoise crée en 2015. Aujourd’hui peut-on vivre uniquement avec cette devise locale?
Les stücks ne sont disponibles que sous forme de billets. Photo: Paul Salin/Cuej
Peut-on vivre uniquement avec le stück à Strasbourg? La monnaie locale complémentaire citoyenne (MLCC) est née en octobre 2015 et près de 220 producteurs, artisans et commerces locaux l’ont adoptée. Première étape avant de pouvoir acquérir des Stück: adhérer à l’association. Moyennant une contribution de 10 euros, je peux échanger mes euros contre des stücks. Pour cela il faut que je me rende dans l’un des 17 points de change. Je choisis donc la supérette Biocoop en face des Halles. Le taux de change est simple, un euro contre un stück. La caissière m’assure qu’aucune spéculation ne sera réalisée sur les euros que je viens d’échanger. Ils resteront dans le circuit local. Je prends quelques légumes, bio comme l’indique le nom du magasin, et me dirige vers la caisse pour ma première transaction. La note s’élève à 6 euros ou plutôt stücks et 47 centimes. Premier hic, les centimes n’existent pas en stück. Je dois donc faire l’appoint en euro. « Ca marche comme des tickets resto en fait » me glisse la caissière.
Pour compléter mon panier, j’ai besoin de pain et on m’indique une boulangerie qui accepte les stocks un pâté de maisons plus loin. Devant la vitrine, je ne retrouve pas le sticker qui indique « Ici, on accepte les stücks ». Je vérifie sur l’application, et la Bäckerstub est bien référencée parmi le réseau. Maxime Barber, l’employé de la Bäckerstub, me confirme que la boulangerie accepte bien la monnaie locale. Je suis même le quatrième client de la journée à payer avec les billets colorés. Le stück représente 2% du chiffre d’affaire global de l’enseigne. Maxime a même accepté qu’une partie de son salaire lui soit versé en stück: « c’est une manière de m’impliquer en tant que citoyen et je sais que je fais vivre le commerce local ainsi. Ça représente que 50 ou 100 stücks par mois mais c’est déjà pas mal ».
Pour manger à midi il me conseille un bar à vin dans le quartier de la Krutenau. Un verre de vin et une tartine plus tard, le serveur fait la moue quand je lui annonce que je veux payer en stücks. « C’est du boulot, de la paperasse en plus, et franchement on a peu de clients qui les utilisent. » Il me raconte avoir reçu une commande de vin pour un montant de 1.000 euros, payée en stücks, « je paye le pain pour mes tartines en stücks, mais avec 1.000 stücks je peux nourrir tous les cygnes et les canards de Strasbourg. »
Carte de tous les commerces acceptant le stück:
Pas découragé, je continue ma journée Stück pour un peu de shopping. Retour sur l’application. L’offre est assez limitée pour l’habillement masculin, je me replie donc sur la Librairie Kléber, qui est à ce jour le plus grand magasin à accepter la jeune monnaie.
Avec le stück j’ai pu faire mes courses (bio et locales), manger, remplir ma bibliothèque. J’essaye de me renseigner de ce que je peux faire des quelques billets qui me restent. Au choix, je peux réparer mon vélo, faire venir un plombier, commencer une psychanalyse, faire développer mes photos. Malheureusement mon propriétaire refuse que je lui paye mon loyer en stück. Quant au tram, au bus, à la piscine ou au théâtre ou encore mes impôts locaux, l’association du Stück assure être en discussion poussée avec l’Eurométropole pour convertir la ville à leur monnaie. Mes cigarettes seront, elles, toujours proscrites du circuit.
Naissance du stück
Le stück est né d’un groupe de travail de l’association Colibris 67 Strasbourg sur la question « Comment remettre l’humain et la nature au coeur de la société ?». Une réflexion débutée en 2012, qui mènera le groupe à publier une charte éthique en février 2013 qui pose les bases d’une monnaie locale complémentaire et citoyenne (MLCC). Cette monnaie vise à impliquer les citoyens, commerçants, producteurs et artisans de la ville de Strasbourg et ses environs dans la pratique d’une économie locale, solidaire et durable. Le stück est un mot allemand signifiant morceau ou bout.
Paul Salin